Publié le 29 avril 2018 à 23h27 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 18h42
C’est la sonate n° 14 de Schubert qui a été choisie pour le film signé Boudewijn Koole pour illustrer le travail de pianiste du personnage de la mère. Pourtant ce sont à deux autres œuvres ou thèmes du même réalisateur que renvoie «Sonate pour Roos » -le titre français de ce «Little bird» fait une allusion directe à «Sonate d’automne» de Bergman-, à savoir le «Winterreise» -«Voyage d’hiver» auquel Ian Bostridge vient de consacrer un livre-somme-, et le « Wanderer » -«Vagabond»- au centre de ses lieder. Un arbre dans le froid de l’hiver filmé en gros plan, des pas dans la neige, l’immensité des glaces, prémisse des adieux annoncés, l’omniprésence de la mort, on est saisis, émus, bouleversés par ce qui ressemble à une sonate de Schubert en version cinématographique qui aurait été réalisée par le maître suédois. Des Pays-Bas, Boudewijn Koole -né en 1965 à Leyde-, nous propose une sorte de «Cris et chuchotements» -encore Bergman- mettant face à face une mère pianiste vivant au milieu des chiens-loups (on songe à la Française Hélène Grimaud) et sa fille Roos partie loin puis revenue chez elle, en Norvège, afin de délivrer un lourd secret quant à son état de santé. Pour l’accueillir Bengt, le petit frère attentif, qui essaie de guérir les blessures, un amant un rien discret et, beaucoup de silences annonciateurs d’orages non désirés, et de reproches ourdis d’un passé funeste. Pour raconter tout cela le réalisateur fait montre d’une poésie et d’une tendresse particulière à l’égard de ses personnages sur lesquels il n’appose aucun regard moralisateur ni inquisiteur. Il en découle un hymne au courage, au pardon, à la résilience. La manière panthéiste dont le cinéaste inscrit le destin des uns et des autres renforce la beauté de cette confession en trompe l’œil où la nature omniprésente est sans cesse sublimée. Les tensions anciennes, les nouvelles plus drues encore nous sautent au visage au fur et à mesure de la narration qui se fait selon le point de vue des personnages. Subtil, élégant, dramatique et solaire à la fois «Sonate pour Roos», en salles depuis le 18 avril, laisse sur le spectateur des traces profondes et surtout ne peut se réduire à une seule lecture. Et cette musique de Schubert de magnifier ce film lent, grave, admirablement joué et filmé (subtilement) à hauteur de femmes libres. Jean-Rémi BARLAND