Publié le 9 mai 2018 à 13h09 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 18h42
«Télévision, radio, culture, quels modèles pour demain? » était la thématique du débat organisé par Cathy Racon-Bouzon, députée LREM de la 5e circonscription des Bouches-du-Rhône et Aurore Bergé LREM, rapporteure de la mission d’information sur l’audiovisuel, députée de la 10e circonscription des Yvelines. A leurs côtés la productrice Sabrina Roubache, le journaliste-écrivain Philippe Pujol, ainsi que le producteur et musicien Bertrand Burgalat.
Cathy Racon-Bouzon explique, en avant-propos: «Les médias mutent, les rapports de force changent, des grands groupes sont parfois fragilisés, tout cela impose une nouvelle manière de réguler l’audiovisuel». Tandis qu’Aurore Bergé pose une série de questions: «Est-ce que tout doit être gratuit? Comment la culture se fabrique-t-elle? Qu’est-ce que le journalisme aujourd’hui? Comment produit-on? Comment fabrique-t-on des programmes télévisuel? Tout cela alors que de nouvelles plateformes échappent à toutes formes de régulations, de responsabilité. On assiste à des déferlements de haine sur le Net avec des plateformes qui se justifient en avançant n’être que des tuyaux alors qu’elles choisissent leur contenu. Nous sommes devant tous ces défis et il en va de notre responsabilité de législateur ».
«Les gens ont l’illusion de la gratuité, ce qui est une erreur car les abonnements aux opérateurs augmentent»
Bertrand Burgalat, dénonce pour sa part «le concept d’exception culturelle». Et regrette également que la musique enregistrée ait perdu fortement de sa valeur en 15 ans. Philippe Pujol, prix Albert-Londres en 2014, évoque les difficultés du quotidien régional La Marseillaise où il a travaillé 10 ans durant, note qu’il existe sur ce territoire marseillais nombre de projets novateurs. «Dans le même temps, ajoute-t-il, on se rend compte de la difficulté à trouver un modèle à la « Mediapart » car, au plan local, nous devons avoir entre 2 000 et 5 000 personnes en capacité et en volonté de payer». En ce qui le concerne, il a rejoint un projet calqué sur une initiative américaine: une Fondation qui travaille avec une rédaction en finançant des enquêtes, tant au niveau local, national ou encore international. Mais, prévient-il : «En France, nous sommes confrontés à un problème, une fondation ne peut pas travailler dans la presse.» Il en vient donc au modèle français: «Les gens ont l’illusion de la gratuité, ce qui est une erreur car les abonnements aux opérateurs augmentent. Dans ce contexte je suis persuadé qu’un système tel Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet ndlr) serait une bonne réponse pour la presse. Il faudrait, pour cela, mettre en place une organisation indépendante afin qu’elle redistribue, sur des critères qui ne relèveraient pas seulement de l’audimat mais également des besoins de la société et qui protégerait l’indépendance des médias». Il soulève à cette occasion, un sujet tabou, celui de l’indépendance face aux lecteurs : «A « La Marseillaise », je m’occupais notamment du site, j’ai pu ainsi faire des expériences sur mes propres articles. Sur un même article, lorsque je ne mettais pas kalachnikov dans le titre il ne réunissait que peu de lecteurs, avec kalachnikov, il explosait…».
«On doit offrir la possibilité aux jeunes générations de s’exprimer»
En matière d’indépendance, Sabrina Roubache explique avoir créé un fonds d’investissement «pour pouvoir développer des scénarios -mon secteur Recherche et Développement- le moment le plus risqué pour une boîte de production comme la mienne. Outre la création de ce fonds j’ai décidé de travailler avec des plateformes car elles me permettent d’offrir plus d’autonomie dans l’écriture à mes scénaristes. Et j’ai bien dû constater que les guichets des grandes chaînes étaient fermés car elles travaillent toujours avec les mêmes équipes depuis des décennies. Certains font un travail remarquable mais on doit offrir la possibilité aux jeunes générations de s’exprimer». Considère qu’il est important de poursuivre «la diffusion de documentaires, même s’ils ne font pas de très grosses audiences, ils sont important pour notre société». «Moi-même, précise-t-elle, je ne gagne pas d’argent sur les reportages mais j’ai une responsabilité sociétale que j’entends remplir». Bertrand Burgalat fustige: «Il faudrait moins d’argent pour le service public et que ce dernier ne cherche pas à courir après les émissions du privé». Isabelle Staes, directrice régionale de France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur de réagir «Il ne faut pas oublier que le service public c’est des émissions telles que cash investigation, ou Envoyé spécial en prime. C’est aussi Capitaine Marleau qui, sur France 3, bat tous ses concurrents. Et, à 19 heures nous sommes la première chaîne, preuve que la proximité a encore toute sa place. Le service public a une mission, il faut le défendre. Il doit se réformer, nous l’entendons et nous y travaillons mais attention à ne pas l’affaiblir. Nous sommes notamment présents sur les réseaux sociaux pour conquérir un nouveau public, plus jeunes. Et, en ce qui concerne les producteurs avec qui nous sommes en lien, il faut bien mesurer que nous avons besoin de travailler avec des producteurs aux reins solides». Une personne, dans la salle, acquiesce en élargissant le propos: «Il existe un modèle européen de la culture et des médias qui n’a pas à rougir face au modèle anglo-saxon». Cathy Racon-Bouzon rappelle : «Le service public se porte bien en France et notre mission a pour objet de le rendre encore plus puissant dans le système économique que nous connaissons». Tandis qu’Aurore Bergé, en réponse à une intervention de la salle qui remet en question le rôle du CSA, elle précise: «Il est le régulateur des contenus et, sans cela, nous ne pourrions faire vivre la diversité. Il y a probablement des choses à revoir mais il est utile et efficace en démocratie de disposer d’une autorité indépendante permettant de la saisir».
Michel CAIRE