Fowt 2018 à Marseille – Éolien offshore flottant : à quand le lancement du déploiement commercial?

Publié le 11 mai 2018 à  11h51 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h46

La France figure parmi les pays pionniers sur la question de l’éolien offshore flottant, inaugurant son premier prototype le 13 octobre dernier. Mais il ne faudrait pas que le vent tourne. Pour ce faire, il importe d’amorcer dès aujourd’hui le processus de lancement des fermes de taille industrielle.

Fowt 2018 à Marseille (Photo Carole Payrau)
Fowt 2018 à Marseille (Photo Carole Payrau)
2018, c’est une année charnière pour le déploiement commercial de l’éolien offshore flottant. Question centrale abordée lors de la dernière édition du Fowt à Marseille… Car la France ne doit pas rater le coche et garder son avance sur la question. En effet, aux dires de Patrick Baraona, président du Pôle mer Paca, l’exploitation de cette source d’énergie renouvelable avait été envisagée en amont. «Dès 2008, nous avons mis en place un programme énergie marine renouvelable. Et sur l’éolien offshore flottant, nous menons de nombreuses actions allant de l’accompagnement de projets R&D, avec 20 projets labellisés pour 89,6 M€ de budget, à la réalisation d’études, comme la cartographie de la chaîne de valeur et l’identification des acteurs régionaux de la filière.» L’écosystème est là en effet, «on a vu arriver des entreprises qui veulent apporter leurs compétences aux énergéticiens, à l’instar d’Eiffage, de la CNIM, de Bourbon ou de Powersea». Certaines ont misé sur la filière alors que ce n’était pas leur cœur de métier à la base. On peut encore citer dans le lot la Monégasque SBM Offshore, leader mondial des systèmes flottants, ou encore Principia, Ciotadenne spécialisée dans l’ingénierie scientifique… D’autres pépites se sont épanouies. Illustration avec une PME encore basée à La Ciotat, Idéol, ou bien Eolfi, ancienne filiale éolienne du groupe Veolia Environnement ayant fait des énergies marines renouvelables le cœur de sa stratégie depuis sa prise d’indépendance. Bref, même si l’ensemble de la chaîne de valeur n’est pas encore totalement couvert en Paca, la filière se structure et les compétences sont là et bien là.

Trois étapes

Et puis, l’Hexagone a mis dernièrement un peu plus de vent dans les voiles pour se positionner de façon concrète. Il y a tout d’abord le premier étage de la fusée avec le prototype de Saint-Nazaire, le projet Floatgen sur lequel interviennent Ideol, Bouygues et l’École centrale de Nantes. Une éolienne flottante inaugurée le 13 octobre dernier, et ayant produit depuis lors ses premiers KWh à quai… Elle n’a pas encore été remorquée sur son site d’installation final en mer, mais cela ne saurait tarder. Le deuxième étage, ce sont les quatre fermes pilotes qui devraient voir le jour d’ici 2020-2021, une en Bretagne, trois en Méditerranée au large de Gruissan, Leucate et du golfe de Fos (le projet Provence Grand Large), d’une capacité de 24 MW chacune. «Et l’étape d’après, ce sont les fermes commerciales. Il est important d’avoir une visibilité sur les engagements des pouvoirs publics. Que l’on lance donc dès maintenant les procédures d’appels d’offres, car ce sont des projets au long cours, avec des processus complexes en termes de réglementation. Si on ne s’y prend pas maintenant, on ne va pas y arriver. La profession attend de la fluidité, une capacité de réaction des acteurs publics», met en garde Olivier Pérot, président de France Énergie éolienne. Question timing, selon les termes de Patrick Baraona: «Des études d’identification de zones favorables sur la façade méditerranéenne française et sur l’Atlantique sont menées actuellement pour lancer ces appels à projets sur l’éolien offshore flottant». Car, il ne s’agirait pas de suivre le mouvement de l’éolien en mer posé, qui, lui, accumule un sérieux retard. Six ans après les attributions des premiers appels d’offres, toujours aucun bruissement de pales au large des côtes françaises… A la différence des voisins d’Europe du Nord, Royaume-Uni et Allemagne en tête, qui comptent une grande partie des éoliennes tournant au large des eaux européennes. Sachant que fin 2017, on comptait plus de 16 GW déjà mis en service à l’échelle du Vieux Continent. C’est le Royaume-Uni qui tient le haut du pavé, avec 1 753 éoliennes offshore connectées produisant 6,8 GW. Suit l’Allemagne et ses 1 169 éoliennes (5,3 GW) puis le Danemark (1,2 GW et 506 éoliennes), les Pays-Bas (1,1 GW et 365 éoliennes), la Belgique (0,8 GW et 232 éoliennes) et enfin, la Suède (0,2 GW et 86 éoliennes). A l’opposé de cela, avec son premier prototype à Saint-Nazaire, la France montre la voie en termes d’éolien offshore flottant. Mais d’autres pays se jettent aussi à l’eau, comme la Norvège, le Portugal ou le Japon… Sans oublier – last but not least – l’Écosse, qui a fait sortir de terre la première ferme pilote l’année dernière. Il est donc urgent de rester dans la course : la filière est encore émergente, il convient de l’accompagner pour figurer parmi les leaders, avant que le marché ne se consolide.

Gisements de vents, de croissance et d’emplois

C’est donc dans un contexte fort d’enjeux que s’est tenu le Fowt 2018. Les chiffres de la participation à l’événement tendent à montrer que les acteurs de la filière en sont conscients. Pour preuve, on enregistre un doublement des inscriptions, à plus de 900, «50 % de représentation internationale et 1000 rendez-vous B to B», dresse Patrick Baraona en guise de constat. Contre 600 l’année dernière… «Cela signifie qu’il y a du business à faire», souligne Maurice Wolff, vice-président de la CCIMP, rejoignant Olivier Pérot sur la nécessité d’aller vite sur la question des fermes commerciales. «Il y a des enjeux financiers, mais aussi énergétiques : la France est en retard pour ce qui est de la construction du mix énergétique. L’éolien offshore flottant constitue une des réponses.» Avec 3 500 km de côtes et le 2e gisement de vents en Europe, les opportunités françaises sont conséquentes pour l’éolien offshore, qui constitue un véritable réservoir de croissance et d’emplois. A titre d’exemple, Provence Grand Large représenterait 200 emplois directs et 500 indirects, 60 M€ de chiffre d’affaires en phase pilote et 900 M€ au stade commercial… Pour autant, certaines collectivités répondent déjà présent, comme le martèle de son côté Philippe Maurizot, vice-président de Provence-Alpes-Côte d’Azur, rappelant la mission de chef de file de la collectivité sur la question du développement économique. Et donc, sa pleine capacité à porter des grands projets structurants. «Renaud Muselier veut faire de Paca un territoire exemplaire en termes de croissance verte. Cela se traduit par une part de 20% du budget de la Région consacré dès 2018 à tous ces enjeux. Nous voulons porter cette quote-part à un tiers du budget d’ici la fin du mandat.» L’objectif visé par la collectivité étant de faire de Paca une région neutre en carbone d’ici 2050 et d’y générer 2 GW. «La nature a doté la région de tous les atouts naturels pour cela : des vents forts et réguliers, des fonds rapidement importants, qui permettent donc d’être favorable à l’éolien flottant », poursuit l’élu.

S’exporter

Outre la considération des futurs besoins énergétiques du pays, c’est aussi de dynamisation de l’écosystème local dont il est question. A travers la sortie de mer de fermes de taille industrielle, c’est toute une filière qui pourrait se conforter en Paca. Avec la construction des fermes pilotes, déjà, les entreprises ayant leur siège social sur le territoire régional ne sont pas en reste. Outre Provence Grand Large, sur laquelle officient SBM Offshore et Principia, «Eolfi a été sélectionnée en Bretagne, Ideol à Gruissan, Eiffage à Leucate», illustre Patrick Baraona. Outre ces projets français, c’est au-delà des frontières qu’il faut exporter son savoir-faire… D’autant que l’éolien offshore flottant, c’est à l’échelle mondiale un gisement technique potentiel de près de 7 000 GW (dont 4 000 pour l’Europe, 2 450 pour les USA et 500 pour le Japon)… Pour peser face aux concurrents étrangers, il faudra notamment être compétitif, ce qui veut dire enclencher une dynamique de réduction des coûts en termes de prix de l’énergie. Objectif affiché lors du Fowt : 50 à 60 euros du MW/h… Les moyens d’y parvenir ? Outre la loi de la concurrence, des taux de financement plus attractifs ainsi qu’une plus grande puissance des machines (donc un coût unitaire d’installation réduit). Dans un peu moins de 10 ans, les turbines atteindront vraisemblablement les 10 MW, au lieu de 8 aujourd’hui. Siemens travaille déjà en ce sens. Dès lors, quelles technologies flottantes seront en mesure de porter ces machines ? Les leaders locaux en la matière, SBM Offshore qui dispose à Carros de son propre centre de R&D, ou Ideol, qui s’est ouvert les portes du Japon grâce à sa technologie brevetée Damping Pool, auront une véritable carte à jouer. Ideol, la PME qui s’exporte d’ores et déjà… La Ciotadenne a en effet signé le 14 mars dernier avec Acacia Renewables, ex-RES Japon, un accord visant à développer la première ferme éolienne flottante à échelle commerciale au pays du Soleil-Levant. Construction prévue pour 2023.
Carole PAYRAU

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