Publié le 19 juin 2018 à 19h41 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
Ça y est, ils vont enfin l’avoir le procès tant attendu, tant espéré ! La justice va finalement s’intéresser au sort des employés d’Orange et au trente-cinq personnes s’étant donné la mort durant les années d’«une politique visant à déstabiliser les salariés», conduite par la direction et les cadres de cette société de téléphonie. Ce n’est pas trop tôt mais c’est surtout la première fois que la justice va se pencher sur un management infect et sur la responsabilité des cadres ayant poussé implicitement ses employés à se suicider. Une bouffée d’air pour des familles endeuillées, une reconnaissance d’un mal-être engendré par des idiots irresponsables avec à la clef, je l’espère, de véritables condamnations. Pas d’amendes symboliques, pas de peines de prison avec sursis pour satisfaire une opinion publique outrée par de telles aberrations, non de véritables sanctions assorties de versements de dommages et intérêts sonnants et trébuchants.
Chacun se souvient de cette vague de suicides au sein de la société France Télécom devenue depuis Orange. Personne n’est resté insensible au désespoir de ces employés comme au mépris d’une direction mandatée par les plus hauts sommets pour pousser les collaborateurs à démissionner, pour les convaincre de quitter « la boîte » et éviter de leur verser des indemnités. Ils auront tout tenté, tout mis en œuvre pour déstabiliser de pauvres gens dépendant de ce job jusqu’à en pousser plus de trente cinq au geste ultime.
Ce qu’il faut voir dans cette action c’est avant tout une prise de conscience de la justice et une mise à plat d’un système ne devant plus jamais être appliqué. J’ai souvenir d’un ami, travaillant au sein de l’entreprise, me détailler les méthodes des cadres pour humilier les employés, pour les pousser à fuir. Je me suis toujours demandé comment un tel système pouvait perdurer en plaçant comme unique paradigme la déshumanisation. Moi-même au sein de l’institution policière j’ai connu des méthodes d’infantilisation et j’ai vu arriver ces nouveaux commissaires, plus technocrates que flics, diriger des services avec comme seul repère un management idiot basé sur l’irrespect de la base et sur l’ambition personnelle débordante. Les temps changent, les gens aussi …
Mais ce qui me désole le plus dans ces deux postulats c’est le mépris des autorités régaliennes quant à la vague de suicides qui ne faiblit pas chez les flics. En effet nous avons dénombré, l’année dernière, soixante quatre membres des forces de l’ordre ayant choisi de se suicider pour des causes professionnelles. Cela ne semble pas émouvoir ni le ministère de l’Intérieur ni la justice. Mais faut il encore qu’elle soit saisie d’un tel dossier pour s’y intéresser. Les forces de l’ordre sont depuis de nombreuses années victimes de cette maladie qui semble incurable, de cette pathologie acceptée par la direction et même par une société individualiste. Après tout ce ne sont que des flics comme avait balancé un commentateur d’une radio dans les années 90 et même si cet idiot n’a pas fait carrière au micro il ne fut que condamné du bout des lèvres par le ministère de l’Intérieur de l’époque aussi frileux et pleutre qu’aujourd’hui.
Mais voilà chaque année ce sont plus de soixante flics qui tombent en laissant couler dans les caniveaux leur sang bien plus rouge que l’orange de la société de téléphonie sans que quiconque ne s’en préoccupe. Alors je m’interroge …
Faut il travailler pour le téléphone plutôt que pour la paix publique pour être considéré. Faut il encore tirer des câbles plutôt que de sauver des vies pour qu’un procès puisse un jour se tenir et voir à la barre des tribunaux des ministres incompétents se mélanger les pinceaux dans une argumentation minable et une justification affreuse d’abandon de ses fonctionnaires ? Mes questions demeureront sans réponse et je sais que je ne verrai jamais un tel procès. Nous sommes malgré tout en droit de nous interroger car, avec mes nombreux écrits et travaux sur ce phénomène, je n’ai jamais été écouté, même pas entendu. Ce n’est pas faute d’avoir sollicité de nombreux parlementaires, de leur avoir soumis mes travaux et même d’avoir adressé un courrier à monsieur Collomb, dès sa nomination, en lui proposant de me mettre à sa disposition sans vouloir être rémunéré d’ailleurs. Sans doute ne devait-il pas être encore réveillé et n’avait-il pas avalé sa verveine qu’il me répondait, à côté de la plaque, qu’il n’avait pas besoin de conseiller ! Dont acte …
Toujours est-il que Orange va voir ses cadres rendre compte sur une politique des ressources humaines abominable alors que la police, pierre angulaire de notre démocratie, peine à reconnaître sa responsabilité dans une déferlante de suicides de ses flics. «Ce fonctionnaire était en proie à des problèmes personnels, financiers et affectifs …» Dans les commissariats, la sempiternelle phrase tuant une deuxième fois celui qui a mis fin à ses jours semble avoir encore un bel avenir devant elle et ce n’est pas demain qu’un commissaire sera traduit devant les tribunaux pour avoir poussé un flic à se tuer. J’ai le plus profond respect pour les employés d’Orange mais je constate que jamais l’orange ne sera aussi coloré que le rouge du sang des policiers se donnant la mort pour cette mère nourricière mais si ingrate qu’est la police. J’attends avec impatience le verdict…
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