Publié le 4 juillet 2018 à 14h28 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 18h52
A 33 ans, même pas la moitié de l’âge du Festival, Raphaël Pichon dirige son premier ouvrage de Mozart. Là où d’aucuns se seraient essayés avec «Mithridate», «Idoménée» ou encore « L’enlèvement » le jeune directeur musical ouvre son répertoire mozartien avec l’ultime opus opératique du salzbourgeois, assurément l’un des plus chargés en sens et en musique. «Quelle joie immense de commencer avec La Flûte, dit en souriant Raphaël Pichon. Lorsque Bernard Foccroulle m’a proposé cette direction, j’ai beaucoup hésité, mais pas longtemps… » Réputé pour ses lectures des œuvres de Bach, pour ses directions de compositions baroques, il bénéficie d’une réelle reconnaissance de la profession tant pour la qualité de son travail minutieux et documenté que pour sa culture musicale. «En fait, cette œuvre m’attire par ses difficultés qui n’ont rien à voir avec le Mozart italien. La Flûte c’est un Mozart aux 1 000 visages qui part de la musique ancienne jusqu’au pré-romantisme. Une musique qui annonce les Weber, Schubert ou Mendelssohn. Cette partition, c’est un beau challenge à relever. Il ne faut pas oublier que Mozart, lorsqu’il compose cette œuvre, ignore tout de ce que le destin lui réserve. Ici, point de lamentations mais, une œuvre qui porte en elle une volonté de liberté, un besoin de se libérer. Mozart a une envie profonde de fonder une nouvelle ère, celle de l’opéra allemand, de fondre en une seule entité tout ce qui définit la culture germanique, depuis le peuple jusqu’à la noblesse en passant par le spirituel. Puis il est éclairé par l’esprit des lumières, d’où ce besoin de liberté…» Pour laisser s’exprimer cet hymne à la liberté, Raphaël Pichon bénéficie d’une somptueuse distribution mais aussi de son ensemble Pygmalion, chœur et orchestre, fondé il y a onze ans. Un ensemble qui se livre cet été à une réelle performance puisqu’il alterne la production de «La Flûte enchantée» au Grand Théâtre de Provence et celle de «Didon et Enée» à l’Archevêché. «Nous en avions parlé tous ensemble, il y a quelques mois, et l’adhésion fut totale. C’était important car pour les instrumentistes, cela impliquait de changer d’instrument et d’alterner soir après soir le diapason 430 et le 415. Mais la beauté du challenge et la fierté de faire ça ici, à Aix-en-Provence l’ont emporté.» Surtout, au soir de cette Flûte, ne parlez surtout pas d’aboutissement à Raphaël Pichon ; vous risqueriez de l’agacer… «Ce n’est certainement pas un aboutissement, ni pour moi, ni pour Pygmalion. C’est au contraire un nouveau point de départ vers un répertoire qui n’est pas encore notre maison. Mozart et cette flûte, c’est une étape supplémentaire de la construction de cette maison.» Quant à la mise en scène de Simon McBurney elle éclaire les yeux du directeur musical lorsqu’il en parle : «Pour moi c’est un choc. Je partage 100% de sa vision de l’œuvre, chaque choix, chaque geste, chaque attitude… Il a compris La Flûte, il aime La Flûte enchantée, il lui fait confiance et il fait vivre la magie de l’œuvre. C’est un travail d’artisan d’art qu’il propose entre théâtre de tréteaux et théâtre spirituel. Il regarde la flûte droit dans les yeux… J’aime ce spectacle.» Si après cela vous n’avez pas envie d’y aller, c’est à ne rien y comprendre…
Michel EGEA
Festival d’Aix-en-Provence, du 4 au 24 juillet. Programme complet sur
festival-aix.com – Réservations : boutique du Festival – Palais de l’Archevêché – Tél. 0820 922 923.