Plénière du département 13: Agriculture, solidarité, Budget supplémentaire et, pourquoi les conseillers départementaux disent non au contrat de Bercy… au centre des débats de la séance

Publié le 5 juillet 2018 à  8h45 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h46

De la dernière plénière du vaisseau bleu, on retiendra surtout l’acte politique, la motion présentée par Martine Vassal, présidente du département des Bouches-du-Rhône à l’hémicycle, formalisant le refus de signer la contractualisation financière proposée par l’État et fixant ses objectifs en matière de maîtrise de la dépense publique.

Le monde agricole invité par Martine Vassal lors la séance plénière (Photo CD13)
Le monde agricole invité par Martine Vassal lors la séance plénière (Photo CD13)
Elle a fait l’unanimité. La motion présentée par le groupe majoritaire du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, relative à la contractualisation financière proposée par l’État pour la période 2018-2020 a su faire le consensus dans l’hémicycle du vaisseau bleu, le 29 juin dernier. Ainsi les conseillers, toutes couleurs politiques confondues, ont marqué de leur vote le refus de signer le fameux contrat « imposé par Bercy», a martelé la présidente, Martine Vassal. Pour mémoire, celui-ci fixe les objectifs du gouvernement en matière de maitrise de la dépense publique. Et comme 320 autres collectivités locales, le Département des Bouches-du-Rhône y est éligible. Il «prévoit le plafonnement de l’augmentation des dépenses de fonctionnement à 1,2% par an et la maîtrise du besoin annuel de financement pour la même période. En cas de dépassement, l’Etat ponctionnera l’année suivante 75% du dépassement si un contrat a été signé ou 100% en absence de contractualisation», détaille Martine Vassal. Or, rappelle-t-elle encore en lisant le texte de la motion, «l’endettement des collectivités locales ne représente que 9% de l’endettement public total. Dans le cas spécifique des Bouches-du-Rhône, fin 2017, le stock de dette représentait 790 M€, soit 392€ par habitant et 2,3 années d’épargne brute». Des ratios très en dessous des moyennes nationales, de l’ordre de 539€ par tête et 4,4 ans de solvabilité. Et de souligner que cette augmentation de 1,2%, loin de constituer un rythme soutenable, se pose comme une gageure face à certaines dépenses, «celles relevant de la sécurité, celles imposées par le désengagement de l’État ou suite à une obligation légale». L’assemblée des départements de France a ainsi conditionné la signature de ces contrats à la résolution de certaines problématiques, celle des mineurs non accompagnés en tête -mineurs dont le nombre a été multiplié par 10 en quelques années, pour passer de 60 par an du temps du mandat de Jean-Noël Guérini à 600 l’année dernière… «et 900 à présent, nous l’avons appris en avril. Mais nous n’en prendrons pas plus que le quota qui nous est imposé», appuie la présidente – ou encore le reste à charge des allocations individuelles de solidarité (AIS), qui s’élevait dans les Bouches-du-Rhône à plus de 2,4 milliards d’euros entre 2002 et 2018.

Des négociations tronquées

Ainsi donc, la motion a mis tout le monde d’accord, au-delà des clivages. Le conseiller départemental Lionel Royer-Perrault (LR) y voit «un acte politique fort », revenant sur la liberté du département à ne pas la voter contrairement à la Métropole Aix Marseille Provence, «une chance », ajoute-t-il. Didier Réault, vice-président délégué aux finances, en explique le fait : «81% des départements n’ont pas signé le pacte, et ceux qui le font, c’est parce que leur situation financière est telle qu’ils font le choix de ne payer que 75% du dépassement au lieu de 100% ». Et de fulminer : «Que vaut la parole de l’État en termes de décentralisation ? Rien. Pour le CPER aussi, au fil des désengagements de l’État, les collectivités abondent. Sinon les projets sont annulés. Pour ce qui est de ce contrat, c’est le préfet lui-même qui était en charge de négocier ces 1,2%, or, il n’avait pas les éléments… En revanche, tout est prêt à Bercy. » Ainsi Jean-Marc Perrin, vice-président délégué au patrimoine, objectera-t-il de son côté que «le gouvernement demande des efforts qu’il ne s’applique pas à lui-même ». Mais du côté de l’opposition aussi, on abonde dans le même sens. «Nous ne partageons pas les mêmes orientations politiques, mais nous ne pouvons que déplorer le mode d’intervention d’un État qui vitrifie tout», observe Benoit Payan (PS). Claude Jorda (PCF) et Frédéric Vigouroux (PS) y mettront-ils toutefois quelques nuances : pour le premier, «le sujet aurait mérité d’être anticipé, il aurait été préférable de disposer de ce document plus tôt »… Tandis que le second aurait aimé avoir les clés de cette négociation auprès du préfet. «Dans le prochain budget, il y aura des coupes, où allez-vous les faire passer ? » Martine Vassal donnera le détail des échanges avec le préfet, portant sur la prise en compte par l’État d’un ensemble de postes budgétaires coûtant quelque 17 M€. Parmi elles, contrats aidés, AIS, garanties d’emprunt et autres dépenses exceptionnelles pour le compte de l’État… «Si la totalité de ces dépenses avaient été endossées par le gouvernement, on aurait pu signer », observe ainsi la présidente du Département.

L’agriculture, un budget sanctuarisé

Ainsi malgré le caillou dans la chaussure que constitue un contrat «qui n’en a que le nom», Martine Vassal a assuré de sa détermination à respecter les engagements pris devant les électeurs il y a trois ans, «dire ce que l’on fait, faire ce que l’on dit »… Ce qui comprend sa volonté de stabilité de la fiscalité, en dépit de ce contexte tendu. Mais aussi de sanctuarisation de certains budgets, comme celui dévolu à l’agriculture, de l’ordre de 10 M€. Monde agricole qui était invité lors de cette séance plénière… L’occasion de revenir sur ses difficultés, baisse du budget de la PAC (Politique agricole commune) en tête. Car le secteur «est à la croisée des chemins. Il souffre beaucoup : matraquage d’impôts, de normes, de concurrence déloyale sur le continent », dressera en guise de constat Martine Vassal, évoquant la possibilité de placer un référent au sein-même de l’Europe, afin de faire entendre les besoins du territoire. In situ, avec l’accord de la Région SUD, c’est le conseil départemental qui garde la main sur le soutien à la filière. Elle représente dans les Bouches-du-Rhône 5 000 exploitations, ainsi que 150 000 ha de surface agricole utile, 15 000 emplois directs et 30 000 induits. Ce soutien se matérialise déjà par l’organisation d’événements, tel le Salon de l’agriculture «qui a battu cette année un record, avec plus de 50 000 visiteurs en deux jours», rapporte la présidente. Mais aussi par «un accès facilité au foncier, la préservation des terres, la lutte contre les incendies, le soutien aux circuits courts, l’installation d’exploitations bio et la mise en place de la plateforme agri-local 13», énumère de son côté le vice-président délégué à l’agriculture Lucien Limousin, également maire de Tarascon-en-Provence (changement de nom entériné lors de la séance plénière!). La présence dans l’hémicycle de Claude Rossignol, président de la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône, ainsi que de représentants de filières, a été l’occasion de mettre en exergue les possibles leviers de croissance, parmi lesquels le potentiel de développement des marchés urbains (on compte 1 500 exploitants en circuits courts), mais aussi les problématiques d’ordre local. Parmi celles-ci, les ravages des «rave parties» sur les terres, ou encore la question du devenir de l’unique abattoir situé à l’ouest du département, placé en redressement judiciaire. «Or, quand il n’y a plus d’abattoir, c’est tout l’élevage qui s’en va avec », a-t-on objecté. «La question de son devenir nous intéresse. Actuellement, les bêtes sont menées sur Alès, ce qui occasionne des coûts plus élevés», détaille Claude Rossignol. Et puis, «s’il disparaît, l’AOP viande de taureau s’envole aussi ! Ce qui occasionne une perte de valeur», appuie Lucien Limousin. Édile d’autant plus concerné que ledit abattoir se situe sur son territoire. «Cinq personnes ont été désignées pour être au plus près possible de la réflexion. La loi NOTRe nous interdit toute action, mais l’intercommunalité a des compétences en la matière. L’ACCM (Arles Crau Camargue Montagnette) pourrait faire partie du groupe de travail» planchant sur le devenir de ces installations. Des solutions ont toutefois déjà été émises au sein de la filière élevage, comme le travail sur un atelier de découpe commune, ou encore la possibilité d’abattoirs mobiles sur les fermes.

Quid de la question des MNA ?

Enfin, point important au menu des 21 délibérations, l’adoption (à la majorité) du budget supplémentaire pour 2018, qui fait notamment état d’un excédent de financement de 46,4 M€, un montant à répartir. L’attention des conseillers dans l’hémicycle s’est principalement arrêtée sur les dépenses de fonctionnement. Le Département a en effet choisi d’affecter 19,4 M€ supplémentaires, principalement dans le domaine de l’action sociale et de la jeunesse, dont 11,1 M€ pour la solidarité. Sommes qui doivent permettre de faire face à l’accroissement des dépenses d’hébergement, notamment au titre de l’accueil des Mineurs non accompagnés (MNA)… Pour Benoit Payan toutefois, «le compte n’y est pas», argue-t-il, évoquant selon lui les manques en termes d’éducation numérique pour tous, l’aide à la mobilité des plus démunis… mais surtout cette situation des mineurs isolés, «qui nous oblige à imaginer de nouvelles formes de solidarité, réseaux d’aidants, familles d’accueil prêtes à s’engager »… Même son de cloche chez Frédéric Vigouroux, qui alerte sur «les économies faites sur le ciment associatif, alors que l’on a besoin de cohésion sociale. Les 11 M€ permettent-ils de réaliser tout l’accompagnement social de ces jeunes ? », soulève-t-il encore. Mais Jean-Marc Perrin objecte : «Vous ne pouvez pas dire que nous ne faisons rien, nous sommes déterminés, mais il nous faut des locaux, opérer des modifications de PLU, préempter»… Et de pointer du doigt le manque de collaboration en la matière de mairies de couleur politique opposée. Didier Réault quant à lui enfoncera le clou, évoquant deux visions de l’action sociale qui s’opposent, «celle qui n’est faite que de subsides et d’aides et celle qui consiste à penser à l’avenir en œuvrant pour l’emploi, l’insertion, la mobilité ou encore l’éducation au numérique, puisque le plan numérique tablettes est un bon produit». Un débat qui incitera enfin Martine Vassal à dévoiler les contours d’un projet : «Le meilleur moyen, c’est de les intégrer dans des familles d’accueil. Je pense à la possibilité de lancement d’une campagne de publicité afin d’en recruter, en leur proposant une contrepartie financière par mois.» Concrétisation à suivre.
Carole PAYRAU

Articles similaires

Aller au contenu principal