Publié le 7 juillet 2018 à 16h22 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 18h53
Il est temps de protéger nos enfants, en informant les parents.
Oui, la consommation excessive d’écrans est dangereuse. Et tout particulièrement dans les premières années de vie. Au-delà d’une simple affirmation de bon sens, fondée sur la connaissance des besoins de l’enfant (interaction avec les adultes, jeux qui lui permettent de découvrir et de comprendre le monde), c’est un constat partagé par l’ensemble des professionnels, qu’il s’agisse de petite enfance, d’éducation ou de santé. En 2017, les chiffres de la Direction générale de l’enseignement scolaire identifient (Dgesco) d’ailleurs très clairement une augmentation constante des troubles du langage, du psychisme et des troubles cognitifs depuis 2010, année à partir de laquelle les écrans mobiles (téléphones, tablettes, se sont largement répandus dans tous les foyers) alors que les autres difficultés restent stables (cf. tableau ci-dessous).
Ces troubles du comportement, que l’on peut qualifier de «faux autismes» -car ils en ont l’apparence-, sont aujourd’hui décrits par des centaines de professionnels de terrain, médecins de ville, médecins de PMI, psychologues, professionnels de la petite enfance, et enseignants ; ils deviennent un véritable enjeu de santé publique, avant même la prise en compte de leurs possibles retentissements en termes d’éducation. Les élus locaux en charge de l’enfance et de l’éducation sont tous confrontés aux mêmes difficultés, partout en France : demandes d’AVS (Auxiliaires de vie scolaire) qui ne cessent d’augmenter, suspension de scolarisation de plus en plus fréquentes, groupes de plus en plus difficiles à encadrer, renoncement à certaines activités en raison des risques d’incidents, dès la crèche, etc. Mais la prise de conscience des pouvoirs publics est constamment retardée, en particulier par les positions de certains commentateurs ou acteurs du dossier, qui semblent plus soucieux de défendre un pré carré universitaire ou la qualité de leurs relations avec les industries du numérique. Ils déclarent donc à qui veut les entendre que tout cela n’est pas si grave, ou que les troubles en question ne dépendent pas autant qu’on le dit des écrans… Les mêmes se proclament porte-paroles des parents d’enfants autistes pour dénoncer une soi-disant confusion des diagnostics. Pourtant, dire que les troubles comportementaux constatés chez les enfants surexposés aux écrans ressemblent au tableau clinique de l’autisme, comme le fait le Dr Anne-Lise Ducanda, n’est pas un scandale, et ne doit pas être un tabou.
Au contraire, le combat mené par celles et ceux qui dénoncent les risques liés à l’excès d’écrans est le même que celui des parents d’enfants diagnostiqués autistes : offrir à ceux qui sont véritablement porteurs d’autisme des cadres, des soins et des accompagnements adaptés. Si leur intégration est devenue si difficile aujourd’hui dans nos écoles, c’est bien parce que les demandes d’accompagnement (AVS notamment) explosent littéralement depuis quelques années. Et comme personne n’envisage raisonnablement une «épidémie d’autisme», il faut bien chercher ailleurs la raison de la multiplication de ces troubles, qui, même s’ils sont multifactoriels, semblent très fortement corrélés à une surexposition aux écrans. Il est donc de la responsabilité de chacun, et particulièrement des responsables politiques, de se saisir de cette question rapidement et surtout, efficacement. Car la conséquence de tout cela est une perte de chance, pour ces enfants, mais aussi pour ceux qui partagent leur quotidien. Si nous voulons lutter contre les inégalités et offrir à tous les enfants les meilleures chances, comme le triptyque républicain nous y oblige, c’est une large action de prévention en direction des parents, encore très peu informés de ce danger, qui doit être mise en œuvre. Certaines villes, et c’est le cas d’Angers, ont décidé de ne pas attendre et de se saisir du sujet, en associant à leur démarche tous les partenaires concernés : CAF, PMI, CHU, associations, professionnels de l’enfance et services de la Ville, pour construire à la fois une campagne de sensibilisation du grand public, qui se déroule à la veille des grandes vacances, période clé des relations parents-enfants, dans le deuxième quinzaine de juin, et un réseau de soutien et d’accompagnement des familles. Mais l’engagement d’une ville, ou de quelques-unes, ne saurait être une réponse à la hauteur de l’enjeu. Dans un pays qui compte aujourd’hui 2,3 millions d’enfants de 0 à 3 ans, c’est évidemment au Gouvernement de mettre en place les campagnes d’information sanitaire indispensables pour préserver les générations à venir, et de soutenir les études scientifiques indispensables pour objectiver ces constats. Il a fallu plusieurs décennies avant de voir apparaitre les premières campagnes de lutte contre le tabagisme passif dans les familles. Contre ce nouveau fléau, n’attendons pas autant !