Publié le 13 juillet 2018 à 22h54 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 18h53
Dans la production de Didon et Enée, à l’Archevêché, vous ne pourrez pas passer à côté de Lucile Richardot. Elle y tient deux rôles cruciaux puisqu’elle est la première sorcière en même temps que l’Esprit qui va demander à Enée de reprendre la mer. Certes son temps de chant est proportionnel à la durée de l’œuvre elle-même, mais il suffit à la mezzo française pour exprimer largement son talent. Un talent qu’elle a longtemps hésité à exploiter… Car si, enfant, elle a fréquenté les Petits Chanteurs à la Croix de Lorraine à Epinal, «un vivier vocal», se souvient-elle, elle a ensuite fait Khâgne Hypokhâgne et est devenue… Journaliste. «J’avais le chant dans la tête, en permanence, mais je n’assumais pas. J’ai même tenté le théâtre pendant les études. Puis, je suis devenue journaliste professionnelle pour la presse médicale et pour des journaux de mairies.» Mais, c’est bien connu, le journalisme mène à tout à condition d’en sortir… Et dans le cas de Lucile Richardot, c’est la luciole du chant qui l’a secouée. «Après cinq ans de journalisme, je me suis dit que c’était dommage de ne pas gagner ma vie en faisant quelque chose qui me plaisait vraiment. Et le véritable arbitre dans mon choix ça a été l’âge. J’arrivais en limite du possible pour intégrer des formations intéressantes.» Ce sera la Maîtrise de Notre-Dame de Paris et le Conservatoire… Ce choix, aujourd’hui, elle ne le regrette pas. «Pour quelqu’un comme moi qui baignait dans la musique baroque depuis l’adolescence, qui vivait dans l’esprit « A cœur joie » en permanence, débuter une carrière, même un peu tardivement, c’était un vrai bonheur.» Baroque, musique médiévale, soliste, choriste : la mezzo-alto ne recule devant rien, même s’il faut parfois payer pour apprendre. «J’aime la musique contemporaine mais surtout les compositeurs qui écrivent en connaissant les voix des chanteurs. Claude Vivier était l’un deux. J’adore ce qui peut être une récréation sonore et vocale… » En 2017, sous la direction de John Eliot Gardiner, elle obtient des lauriers pour Berlioz et Monteverdi en passant par Vivaldi. Elle voue aussi une affection toute particulière à Pygmalion et à son créateur Raphaël Pichon avec lesquels elle a souvent travaillé et travaille encore. «Les retrouver dans cette production de Didon à Aix est une grande joie.» Parlons-en de cette Didon festivalière… «Pour moi, c’est la première fois que je suis invitée ici comme soliste et recrutée directement. C’est un cap important pour ma carrière et une forme de reconnaissance qui est le fruit de toutes les expériences accumulées jusqu’alors. J’aime beaucoup cette production de Didon et Enée que je trouve très cohérente et qui mets en avant l’errance méditerranéenne. Quant au prologue de Maylis de Kerangal, interprété par Rokia Traoré, il fait peut-être débat mais je ne le trouve pas incongru. Il explique beaucoup de choses et notamment pourquoi les sorcières sont si méchantes…» Après cette expérience festivalière réussie, nous ne sommes pas les seuls à le penser, nombre de nos confrères l’ont souligné, Lucile Richardot va donc poursuivre son chemin forte d’une expérience de plus. Nul doute que nous aurons l’occasion de croiser à nouveau son chemin dans les années qui viennent… Et ce sera avec grand plaisir !
Michel EGEA
Autres représentations de « Didon et Enée » les 17, 18, 20 et 23 juillet, 22 heures, au Théâtre de l’Archevêché. plus d’info: festival-aix.com