Festival de piano de La Roque d’Anthéron : Boris Berezovsky puissant et aérien

Publié le 5 août 2018 à  22h22 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  18h56

Boris Berezovsky allie virtuosité et finesse, grandeur de jeu et émotion (Photo Christophe Grémiot)
Boris Berezovsky allie virtuosité et finesse, grandeur de jeu et émotion (Photo Christophe Grémiot)
Des doigts qui courent sur le clavier avec une légèreté inversement professionnelle à son physique de colosse, une générosité de tous les instants, le Russe Boris Berezovsky empereur du piano entretient avec le Festival de La Roque d’Anthéron des rapports privilégiés d’affection mutuelle. Une nouvelle fois en ce soir d’août le parc Florans a salué debout la fin de son récital donné avec ce mélange de puissance et de grâce aérienne. Ovation, et remerciements émus presque timides de l’artiste cette soirée nous a dévoilé un Boris Berezovsky en état de grâce, concentré, concerné, bien dans sa musique. Il faut dire que le soliste nous avait concocté un programme lui allant comme un gant, et dont il maîtrise toutes les subtilités. Pour commencer Mazurkas, Scherzo, Nocturne et fantaisie orientale de Balakirev (1837-1910), donnés sans coups de pédale artificielle, la main gauche se transformant à elle seule en une sorte d’orchestre pour des airs que l’on croirait parfois (notamment avec la mazurka n° 4) sortis d’une illustration de films de cinéma muet d’autrefois. Ensuite ce sera Liadov (1855-1914), compositeur et chef d’orchestre originaire de Saint-Pétersbourg dont le pianiste promeut les œuvres au même titre que celles de Medtner (1879-1951) qu’il propose souvent en récital comme au disque. Là encore l’ensemble très architecturé laisse entrevoir une fantaisie de jeu assez inouïe. Puis, ce sera au tour de Scriabine (1872-1925) d’être mis à l’honneur (sept morceaux livrés en un seul bloc) avec fougue, allant et une volonté de faire sonner les notes sans frapper les touches de façon brutale. C’est cela la magie Berezovsky : allier la force à la finesse, et surtout -comme ce sera le cas avec Rachmaninov dont trois moments musicaux trois préludes et la Sonate n° 2 composeront le récital après l’entracte- de mêler virtuosité et émotion continues. A ce titre le célèbre Adagio sostenuto des «Moments musicaux opus 16» qui fait le bonheur des bis de bien des pianistes dévoilera son sens de la poésie et l’infinie délicatesse de ses prises de position esthétiques. Subjugué le public le sera encore lors des rappels où des fragments de Grieg côtoieront la valse de Chopin avec un égal bonheur et sans rubato démonstratif. Boris Berezovsky prouvant là encore qu’il peut tout jouer, et surtout donner du cœur, du sens et de l’âme à chacun des composteurs qu’il aborde avec un égal respect.
Jean-Rémi BARLAND

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