COP15 de Montréal: Un accord historique en faveur de la biodiversité

Publié le 20 décembre 2022 à  7h44 - Dernière mise à  jour le 9 juin 2023 à  20h22

195 États ont adopté lundi un accord historique à Montréal pour tenter d’enrayer la destruction de la biodiversité et de ses ressources, indispensables à l’humanité. Ils se sont mis d’accord sur une feuille de route visant notamment à protéger 30% de la planète d’ici 2030 et à débloquer 30 milliards de dollars d’aide annuelle à la conservation pour les pays en développement.

(Photo Hagay Sobol)
(Photo Hagay Sobol)

Après quatre années de négociations difficiles, les États sont parvenus à un accord sous l’égide de la Chine, présidente de la COP15. Ce «pacte de paix avec la nature» appelé «accord de Kunming-Montréal» vise à protéger les terres, les océans et les espèces de la pollution, de la dégradation et de la crise climatique. Le constat de l’effondrement de la biodiversité étant sans appel : 1 million d’espèces sont menacées d’extinction, 75% de surface terrestre est altérée de manière significative et 85% des zones humides ont disparu.

La France salue l’adoption d’un accord historique et continuera de porter ces engagements aux niveaux national et international aux côtés des 116 pays de la Coalition pour la Haute Ambition pour la Nature et les Peuples (HAC). La HAC, co-présidée par la France avec le Costa-Rica et le Royaume-Uni, a adopté, avant même la fin de la COP, un nouveau mécanisme de mise en œuvre afin de réaliser l’objectif 30×30 qui vise à protéger 30% des espaces terrestres et 30% des espaces maritimes d’ici à 2030.

Aires protégées

Le texte donne également des garanties pour les peuples autochtones, gardiens de 80% de la biodiversité subsistante sur Terre, propose de restaurer 30% des terres dégradées et de réduire de moitié le risque lié aux pesticides. Et pour tenter de résoudre la question financière toujours brûlante entre le Nord et le Sud, la Chine propose par ailleurs d’atteindre «au moins 20 milliards de dollars» d’aide internationale annuelle pour la biodiversité d’ici 2025 et «au moins 30 milliards d’ici 2030».

En revanche, les défenseurs de l’environnement craignent des échéances trop lointaines au vu de l’urgence actuelle. Car les scientifiques sont formels, le temps presse. 75% des écosystèmes mondiaux sont altérés par l’activité humaine, plus d’un million d’espèces sont menacées de disparition et la prospérité du monde est en jeu : plus de la moitié du PIB mondial dépend de la nature et de ses services. D’autant plus que le plan décennal précédent signé au Japon en 2010 n’a atteint quasiment aucun de ses objectifs, notamment en raison de l’absence de mécanismes d’application véritables. Estimant que l’humanité était devenue une «arme d’extinction massive», le chef de l’ONU Antonio Guterres avait appelé les parties à conclure un «pacte de paix avec la nature».

Les financements en faveur de la biodiversité

L’accord prévoit des financements importants permettant :
• un changement en profondeur de nos modèles économiques avec des financements conséquents pour les pays en développement et un engagement de tous à mettre fin aux subventions néfastes à la biodiversité à hauteur de 500 milliards de dollars par an d’ici 2030 ;
• une mobilisation générale de 200 milliards par an d’ici 2030 de toutes sources (publiques, privées, internationales et nationales) ;
• une solidarité à destination des pays en développement avec la mobilisation de 30 milliards de dollars d’ici à 2030 de la part des pays développés et de tous les contributeurs publics ou privés. A cet effet, un nouveau fonds établi par le Fonds mondial pour l’environnement (FEM) sera créé dès 2023 pour contribuer à la mise en œuvre du cadre et mobiliser ainsi les ressources nécessaires à cet effet.

Conformément à ses engagements, la France a prévu le doublement de ses financements à hauteur de 1 milliard d’euros par an d’ici 2025.

Protéger 30% des terres et 30% des mers à l’horizon 2030

L’accord prévoit la protection de 30% des terres et de 30% des mers à échéance 2030. Cet objectif constitue l’accomplissement de l’action engagée au One Planet Summit de janvier 2021 avec la création de la Coalition pour la Haute Ambition pour la Nature et les peuples. A Montréal, cette Coalition s’est en plus engagée à accompagner ses membres dans la mise en œuvre de cet objectif ambitieux avec notamment la création d’un secrétariat, d’une plateforme et d’une assistance technique dédiée. Le comité directeur a également signé un protocole d’accord avec l’Initiative pour les ressources mondiales (WRI) et le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), qui accueilleront cette plateforme HAC 2.0.
La France en lien avec l’Union européenne a défendu et obtenu des engagements forts :
• la réduction des pesticides et des excès de nitrates de moitié ;
• 30% de restauration des écosystèmes terrestres et maritimes dégradés d’ici à 2030 ;
• la protection de 30% d’aires terrestres et de 30% d’aires marines ;
• la réduction de 50% de l’introduction des espèces exotiques envahissantes ;
• l’arrêt de l’extinction des espèces protégées dues aux activités anthropiques d’ici 2050 ;
• la préservation à travers la planification spatiale des écosystèmes les plus importants sur l’ensemble de la planète.

Une solution a été trouvée sur la question des informations de séquençage numérique des ressources génétiques (Digital sequence information – DSI) afin que les bénéfices tirés de leur utilisation participent à la préservation de la biodiversité, tout en garantissant l’accès à ces informations pour la recherche et l’innovation.

Toutefois, la France regrette: «L’absence d’engagement chiffré sur l’augmentation de la surface des espaces naturels d’ici à 2050, des engagements insuffisants sur la protection des espèces, l’absence d’objectif chiffré pour la réduction de l’empreinte écologique ainsi que le respect des limites planétaires.»
Elle poursuivra, dans quelques mois, son engagement en faveur de la biodiversité en déclinant cet accord au sein de la Stratégie nationale pour la biodiversité 2030 (SNB). Enfin, cet accord constitue «un signal fort à deux mois des négociations qui se tiendront à New York le 20 février 2022 visant à adopter le texte d’un instrument international juridiquement contraignant pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (BBNJ – Biodiversity Beyond National Jurisdiction)».

Christophe Béchu ministre français de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de déclarer «Il y a eu à Montréal un sursaut de la communauté internationale pour se mettre d’accord malgré des positions encore très éloignées il y a quelques jours. Je salue les efforts conjugués de la Chine, du Canada et de l’Union européenne qui a porté d’une seule et même voix un haut degré d’ambition. Cette COP est un succès pour l’Union européenne, sous présidence tchèque, et pour la France qui a fait du 30×30 un symbole fort de cette négociation dans le cadre de la Coalition pour la Haute Ambition pour la Nature et les Peuples»
Patricia MAILLÉ-CAIRE

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