Publié le 13 juin 2013 à 5h00 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 15h39
Alors que le conseil européen des ministres du commerce extérieur du 14 juin doit décider du lancement des négociations en vue d’un accord de partenariat transatlantique entre la France et les Etats-Unis, Nicole Bricq, ministre du Commerce Extérieur, a écrit il y a quelques jours à l’ensemble de ses homologues européens afin de les appeler à demander l’exclusion des services audiovisuels du mandat de négociation. Le lancement même d’une telle négociation constituerait en effet selon elle « une rupture avec la politique constante de l’Union européenne depuis que les négociations commerciales se sont étendues au domaine des services, il y a maintenant vingt-cinq ans, avec la signature de l’accord général sur le commerce des services. Cette tentative serait d’autant plus singulière qu’elle est proposée à un pays qui n’a pas ratifié la convention de l’Unesco de 2005 pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, contrairement à l’Union européenne et à la quasi-totalité de ses Etats membres. »
Confirmant « la détermination française » dans ce débat, Nicole Bricq souligne qu’« il ne s’agit pas d’une position à portée nationale, limitée à la France ». « Une majorité de nos collègues en charge de la culture se sont associés pour refuser la mise en cause de l’exception culturelle par le biais du projet d’accord transatlantique, comme le fait que la « pétition des cinéastes européens » opposée au projet de mandat tel qu’il nous est soumis, a été signée par des professionnels du monde du cinéma et de la culture venant de l’ensemble des Etats membres. Bien plus, des producteurs et réalisateurs américains, canadiens et australiens se sont joints à la pétition, démontrant que l’Europe est encore capable de rassembler autour d’un message universel », rappelle la ministre du Commerce Extérieur.
« Notre objectif n’est donc pas de limiter l’offre de programmes proposée aux auditeurs et spectateurs européens mais au contraire de l’étendre »
Nicole Bricq mentionne également le « principe de liberté qui nous guide dans notre engagement pour l’exception culturelle ». « Cette liberté, nous la voulons pour l’Union et ses politiques de soutien à la création, celles d’aujourd’hui comme celles de demain dont nous ne connaissons pas nécessairement les formes, pas plus que les canaux technologiques qu’elles emprunteront », explique-t-elle. Et de souligner ainsi que « notre objectif n’est donc pas de limiter l’offre de programmes proposée aux auditeurs et spectateurs européens mais au contraire de l’étendre en évitant les effets de monopole de produits standardisés et en permettant à des créations différentes de voir le jour et d’être proposées concomitamment à ces derniers. Comment prétendre le contraire alors que les productions américaines occupent une part très majoritaire de nos marchés, y compris en France, et qu’en permettant une production diversifiée, la demande – et les infrastructures destinées à la satisfaire – en sont stimulées, ce dont bénéficie in fine également l’industrie américaine. »
La ministre du Commerce Extérieur estime en outre que « nous devons faire preuve de réalisme et de cohérence ». « Si nous envisageons une négociation courte, il faut reconnaître que certains sujets doivent être laissés, d’un côté comme de l’autre, en dehors des négociations parce qu’ils résultent de choix collectifs forts, sauf à gaspiller inutilement de l’énergie dans la négociation et à perdre en légitimité vis-à-vis de nos opinions publiques », plaide-t-elle.
Quant aux intérêts offensifs des Européens dans le secteur de l’audiovisuel, Nicole Bricq rappelle que « les Etats-Unis ont pris des engagements de libéralisation dans le cadre de l’AGCS ». « Si les productions européennes ont des réussites globalement limitées aux Etats-Unis, il faut chercher ailleurs que dans un accord commercial des réponses à cette fermeture de fait du marché américain », tranche-t-elle.
Et la ministre du Commerce Extérieur de conclure : « La France est déterminée. Elle n’est pas isolée comme vient de le démontrer très majoritairement le Parlement Européen. Elle prendra ses responsabilités. »