Publié le 10 octobre 2018 à 13h23 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 19h07
Nom de Dieu ! Mais pourquoi Guy Boley a-t-il attendu aussi longtemps pour écrire ce livre dédié à son père René ? René le forgeron, qui aimait l’enclume, la boxe et l’opérette. Qui invitait ses voisins pour leur chanter ses airs préférés mais aussi champion de boxe amateur. Son Dieu était Mohamed Ali. Ce qui ne l’a pas empêché d’incarner Jésus-Christ dix ans d’affilé sur la scène du théâtre paroissial dont s’occupait avec ferveur Pierre, son copain d’enfance, qui lui avait fait quand même un sacré tour en devenant Abbé. Pierre habitait comme lui dans un de ces «quartiers d’ultime catégorie» entre «rails et wagons» desservant Besançon. Parti un jour bourlinguer un peu partout, il s’en était finalement remis à Dieu. Et c’est en curé, pardon, en simple abbé à l’époque, qu’il était revenu dans son village. Mais curé ou abbé, pour René cette entrée dans les Ordres restera toujours une énigme.
L’amoureux du dictionnaire …
La vie de René n’a pas été facile, surtout son enfance, il n’a jamais connu son père, mort avant sa naissance «écrasé-Paf-entre-deux-wagons-comme-une-crêpe-le-pauvre», racontait sa mère obligée depuis de faire des ménages chez les riches bourgeois de Besançon. Quant au petit René qui, très jeune, a entrepris de lire de A à Z son dictionnaire Larousse (daté de 1924), pas question qu’il se la coule douce ! Il est depuis sa naissance le seul homme de la maison. Et un salaire de plus, serait le bienvenu. D’autant que les livres, prêche sa mère, «ça zigouille les méninges» et «abîme les yeux». Dans la série «je ferai de toi un homme mon fils» comme elle redoute que l’absence du père «écrasé-paf-entre-deux-wagons-comme-une crêpe-» fasse de l’adolescent un efféminé, elle l’inscrit très tôt dans un club de boxe, sport populaire à l’époque, «le sport du populo». Dès ses quatorze ans, l’âge légal, René fait donc son apprentissage chez un forgeron-serrurier et en fera son métier. Sans quitter l’opérette, le ring et les combats, il va au théâtre décrocher de petits rôles. Un jour, il déboule sur scène en clown pékinois, une autre fois c’est en diable aux oreilles pointues ou en Hercule avec jupette, trois petits tours et puis s’en va, il est heureux comme ça… Quelques années plus tard, le forgeron est enfin un acteur, il sera Jésus-Christ dans une pièce donnée par la petite troupe du théâtre paroissial sous la houlette de son ami d’enfance devenu, Dieu sait pourquoi, curé. Cette pièce, il la jouera pendant 14 ans. L’acharnement qu’il déploie pour entrer dans le rôle, épater la
salle et pourquoi pas Dieu aussi est un bijou d’écriture. Un travail d’orfèvre.
On a tous un jour besoin de retrouver son père
Ce livre est une pépite, un bonbon qui fond dans la bouche. «Quand Dieu boxait en amateur» fait partie de ces romans que l’on dévore. Il est porté par le style, ample, le rythme des phrases, le choix très précis des mots qui déferlent en vagues et même lorsque la gourmandise devient âcre comme la vie peut l’être aussi, l’écrit reste sans concession, engagé, drôle, tout simplement vrai. Une France d’hier comme la chantait Brassens. Et à bien regarder Guy Boley, tout en lui nous le rappelle : son air volontiers bourru, la moustache année 50, l’amour et la précision des mots. Lui qui écrit comme on n’écrit plus, sait donner de jolis coups de pied à l’âne. «Quand Dieu boxait en amateur» est le deuxième livre de Guy Boley. Son premier Roman publié en 2016 «Fils du feu» a reçu pas moins de sept distinctions littéraires, dont le prix Alain-Fournier, le prix Françoise Sagan, le grand prix SGDL du premier roman, et ce qui n’a rien d’étonnant, le prix Georges Brassens…
Mille et une vies
Guy Boley, l’auteur, a eu nombre de vies, tour à tour ouvrier, acrobate, cracheur de feu, chanteur de rue, funambule, comédien, dramaturge, professeur de guitare… bref brûlant la vie par les deux bouts. Une chose est sûre : il a toujours aimé l’écriture, et depuis l’âge de 10 ans, date de ses premiers essais avec des poèmes, plus tard des romans, des pièces de théâtre mais comme le bon vin, il avait besoin d’être reconnu. Il est le premier à le dire: «On me surnomme le nain grincheux dans la famille». Il a donc attendu un âge presque canonique pour figurer en haut de l’affiche. «Quand Dieu boxait en amateur» fait partie des 15 livres sélectionnés au premier tour par le jury du prix Goncourt. Un uppercut dans la haute sphère !
«Quand Dieu Boxait en amateur» de Guy Boley, paru chez Grasset, 176 pages, 17€