Carnet de voyage d’Antoine Viallet : Au royaume de Dassa

Publié le 17 avril 2023 à  7h30 - Dernière mise à  jour le 6 juin 2023 à  17h37

Antoine Viallet nous livre ici son 5e carnet de voyage à Dassa qui s’est déroulé du 24 au 26 mars au Bénin, pays francophone d’Afrique de l’Ouest. Le Royaume de Dassa a été fondé au 14e siècle, il a été reçu en audience par le roi Djagou Egbakotan II, 26e monarque de cette dynastie. Il a séjourné dans une Eco ferme où il a rencontré un couple d’agriculteurs engagés. Il vous invite aussi à découvrir l’art Gélédè.

Antoine Viallet en audience avec sa majesté le roi Djagou Egbakotan (Photo AV)
Antoine Viallet en audience avec sa majesté le roi Djagou Egbakotan (Photo AV)
Je suis à Cotonou depuis une semaine, et je ressens le besoin de me reconnecter avec le Bénin profond. Une capitale même économique reste une capitale et elle ne reflète pas le pays. Je décide de partir à la découverte de région de Dassa à 210 km de Cotonou et d’y passer un week-end. Au programme : rencontre avec le Roi de Dassa et un séjour à la ferme. Comme nous sommes au début de la saison des pluies, je ne prends pas le risque de rouler en 2 roues, j’opte pour une voiture et me voilà parti pour 48 heures exceptionnelles. J’ai préparé mon voyage, aidé par Stéphane Brassant un entrepreneur français basé à Cotonou depuis 10 ans et un amoureux du Bénin.

Dassa-Zoumé, la ville aux 41 collines et le berceau du royaume de Dassa

Vue sur Dassa depuis la colline sacrée (Photo AV)
Vue sur Dassa depuis la colline sacrée (Photo AV)

Le poisson rocher sur la colline sacrée (Photo AV)
Le poisson rocher sur la colline sacrée (Photo AV)

Vendredi midi, direction le nord et le centre du pays, il faut 5 heures de route pour arriver à Dassa-Zoumé depuis Cotonou, la route jusqu’à Bohican est bonne, les derniers 70 km séparant cette ville de Dassa- Zoumé sont plus difficiles. J’arrive dans une ville de 110 000 habitants entourée de 41 collines qui lui donne un caractère particulier.

La ville a été fondée au 14e siècle après le déclin de l’empire d’Oyo. A cette époque, une vague migratoire des Omondjagou, venant du futur Nigeria et conduite par le prince Oladégbo a rejoint les premiers Yoruba qui vivaient déjà aux pieds des collines. Éparpillés dans l’immense forêt, ils n’arrivaient pas à s’unir. Grâce à son armée, à sa politique de développement couplée à son sens élevé d’organisation, le prince Oladégbo a su concilier les premiers Yorubas avec les siens. Cette entente a débouché sur la fondation d’un royaume. Le royaume d’Ibo Idaascha fut ainsi fondé par le prince Oladégbo devenu roi sous le nom fort de Djagou Olofin (1385-1425).

Audience avec le roi de Dassa

Le roi Djagou Egbakotan, 26e roi de la dynastie (Photo AV)
Le roi Djagou Egbakotan, 26e roi de la dynastie (Photo AV)

Samedi matin, je me retrouve devant le Palais Royal, j’ai rendez-vous à 9 heures avec le roi Djagou Egbakotan II. Je suis accueilli par le prince Orel, son fils et je vais vivre une heure unique. J’entre dans la salle d’audience, je me déchausse, je m’incline devant le roi. Je suis un peu ému par la solennité du moment, je n’ai pas l’habitude de rencontrer des rois tous les jours ! Après les présentations d’usage, son fils me parle de l’histoire du royaume. A l’aide d’un panneau qui retrace l’historique des 26 rois de la monarchie, il m’explique que le fondateur de la dynastie, avait par sa sagesse réuni les 41 communautés éparpillées (41 collines et 41 communautés, il n’y a pas de hasard !). Ces dernières l’avaient élu roi. Cette forme de démocratie perdure aujourd’hui. Le roi Djagou Egbakotan II a été élu par ses pairs de la famille royale. Avant de devenir roi de Dassa, il était géomètre à Lomé. En devenant roi, sa vie a radicalement changé. Il a choisi la colombe comme symbole de son règne.
le Panthéon réunissant les 25 rois de Dassa (Photo AV)
le Panthéon réunissant les 25 rois de Dassa (Photo AV)

Être roi dans une république

Dans sa charge, il gère les litiges de son peuple : un différent foncier ou commercial ou un problème d’adultère peuvent être réglés par lui. Un plaignant sollicite le roi, si la plainte est recevable, une audience est fixée. Elles ont lieu tous les jeudis en public en la présence du roi et de sa cour. Une fois que chaque partie a exposé son point de vue, les autorités se retirent pour délibérer et rendre leur verdict. Si celui est accepté par les deux parties, le jugement est officialisé. Si l’une des parties n’est pas d’accord, il y a un nouveau rendez vous la semaine d’après pour permettre de trouver un compromis. Si le jeudi suivant, les parties ne sont toujours pas d’accord, ils peuvent toujours se tourner vers la justice officielle. Les affaires relevant de meurtres et de délits graves sont dirigées directement vers les autorités béninoises.

Nos échanges ont été riches, je lui ai posé de nombreuses questions sur le rôle des royautés sous le régime communiste du président Mathieu Kérouki (de 1972 à 1991) et à propos de football m’enquérant si un roi avait le droit de participer à des matchs. J’ai vécu un moment très riche en émotions qui restera gravé dans ma mémoire.

Orel, prince et futur avocat

Le prince Orel présente la dynastie des rois de Dassa. Le roi Djagou Egbakotan a choisi le symbole de la colombe (Photo AV)
Le prince Orel présente la dynastie des rois de Dassa. Le roi Djagou Egbakotan a choisi le symbole de la colombe (Photo AV)

Le prince Orel qui a été mon guide pas seulement pour la rencontre au Palais Royal mais aussi la visite des lieux sacrés. Nous avons escaladé la colline qui fait face au Palais. Il m’a expliqué les rituels des morts. J’ai pu découvrir le « Panthéon » des 25 rois de la dynastie.

Je l’ai invité à déjeuner à l’éco-ferme « Mak Tub » qu’il ne connaissait pas.
Il m’a parlé de sa vie Lomé où il poursuit des études en master 2 de droit. Il souhaite se spécialiser en Partenariats Publics Privés. Il était aussi curieux de l’activité immobilière développé par les MIA’s (Les Marseillais de l’Immobilier en Afrique). Je lui ai expliqué que nous étions au Bénin à l’aube d’un boom de l’immobilier dans son pays et que le rôle d’un avocat spécialisé en immobilier serait indispensable pour le bon développement de ce secteur d’activité. Je lui ai proposé d’échanger avec Fall Paraiso un avocat béninois exerçant dans ce domaine à Marseille…suite au prochain épisode! Le titre de maître prend la majuscule et s’écrit en toutes lettres si on s’adresse directement à la personne concernée.

Week-end à l’éco-ferme Maktub

La ferme Maktub se trouve à 5 km du centre-ville (Photo EV)
La ferme Maktub se trouve à 5 km du centre-ville (Photo EV)

Moi qui voulais me ressourcer à la campagne dans un environnement authentique, je suis revenu revigoré de mon week-end à la campagne. Au-delà de l’éco-ferme « Mak Tub » qui développe une activité de tourisme autour de l’élevage et de la culture de légumes dans une démarche bio responsable, j’ai trouvé un lieu apaisant. Plusieurs cases sont aménagées pour recevoir des couples ou des familles, la table d’hôte tourne en circuit court avec la production de la ferme.
La ferme Maktub se trouve à 5 km du centre-ville  (Photo AV)
La ferme Maktub se trouve à 5 km du centre-ville (Photo AV)

Armand et Johanna, des agriculteurs engagés et passionnés

Du rêve à la réalité, en 20 ans Armand a imaginé et réalisé une ferme bio en circuit-court (Photo AV)
Du rêve à la réalité, en 20 ans Armand a imaginé et réalisé une ferme bio en circuit-court (Photo AV)

Voyager, c’est partir à la rencontre des autres, et quelle belle rencontre que fut celle de couple atypique. Armand Tobossi a toujours su qu’il serait agriculteur, déjà au lycée lorsque les professeurs lui demandaient quel serait son futur métier, il répondait agriculteur. Cette vocation s’est confortée à la lecture du livre de Claude Michelet «J’ai choisi la terre». Après un échec dans sa ville natale de Cové, il ne baisse pas les bras car comme il dit «nul n’est prophète dans son pays». En 1999 décide de repartir à zéro en s’installant à 50 km dans les faubourgs de Dassa sans argent mais avec une volonté de fer pour aller au bout de ses rêves. Afin de financer son projet il fait divers métiers dont savonnier et professeur au lycée local. Petit à petit et pas à pas il met en pratique une agriculture raisonnée, bio avant l’heure. Au cours de nos conversations je l’invite à écrire un livre qui donne envie aux jeunes Africains de se lancer dans ce métier en s’appuyant aussi sur les réseaux sociaux, je lui dis en le taquinant «Armand, tu vas devenir le Claude Michet africain».
Du rêve à la réalité, en 20 ans Armand a imaginé et réalisé une ferme bio en circuit court (Photo AV)
Du rêve à la réalité, en 20 ans Armand a imaginé et réalisé une ferme bio en circuit court (Photo AV)

Johanna aime les livres et elle cuisine des confitures
Johanna aime les livres et elle cuisine des confitures

Johanna son épouse, est née au Bénin et élevée en Côte Ivoire, elle a gardé de sa jeunesse ivoirienne dans la capitale de Yamoussoukro, le sourire qu’on retrouve aux pays des Éléphants. Elle complète les actions lancées par Armand, elle dit: «Je fais comme Armand» et lui répond: «Johanna quand elle aborde un sujet elle fait mieux que moi». Voilà un couple moderne qui est beau à voir, ils se complètent et ils avancent ensemble dans leurs convictions.
Dans l’atelier de Romuald Bocodaho, artisan inspiré de la culture Gélédè (Photo AV)
Dans l’atelier de Romuald Bocodaho, artisan inspiré de la culture Gélédè (Photo AV)

Depuis avoir découvert le travail de Kifouli Dossou, artiste béninois à la renommée internationale, j’ai été attiré par les artistes qui apportent un style contemporain à l’art Gélédè. Les masques sont sculptés à partir d’un morceau de bois cylindrique et peints en polychromie. Le Gélédè est une cérémonie pratiquée par la communauté Yoruba-Nago dans la région Yoruba-Nago au Bénin, au Nigéria et au Togo. A l’éco-ferme « Mak Tub», il y avait de nombreuses statues. Je demande à mes hôtes le nom de ces deux artistes qui viennent de la ville voisine de Cové. Le dimanche en fin de matinée en quittant la ferme sur la route du retour vers Cotonou, je fonce à Cové. En roulant, j’essaye de joindre sans succès les deux artistes, je leur laisse des messages Whatsapp et finalement en arrivant dans la ville de Cové, Romuald Bocodaho me répond. Dans les cinq minutes suivantes, je me retrouve dans son atelier. En compagnie de l’un de ses jeunes fils -qui marche sur ses traces- ils me montrent leurs dernières œuvres et je craque pour l’une d’entre elle. Cette dernière se trouve provisoirement dans ma chambre à Cotonou avant de trouver sa place à Marseille.

[(

A propos d’Antoine Viallet

Antoine Viallet est né à Neuilly-sur-Seine, il a été élevé à Londres. Il se qualifie comme un citoyen du monde. Amoureux de l’Afrique, il a découvert l’Ile Maurice à 10 ans. Ce voyage a changé son regard sur le monde. Globetrotteur, il a vécu et travaillé dans 4 continents et il a visité une quinzaine de pays africains. Il vit depuis 30 ans dans le sud de la France. Il habite à Marseille, cette ville monde. Il est convaincu que l’avenir de ce territoire se joue aussi en Afrique et qu’il faut radicalement changer de logiciel avec ce continent. Il est investi dans le milieu associatif, Africalink «la communauté des entrepreneurs Afrique Europe», le Club Immobilier Marseille Provence et le Club Immobilier Toulon Provence. Il est aussi Vice-Président des MIA’s.)]

Les MIA’s

Les MIA’s © DR
Les MIA’s © DR

Les Marseillais de l’Immobilier en Afrique(les MIA’s) est un groupement de professionnels de l’immobilier (architecte, bureau d’étude, administrateurs de biens et syndic, asset manager, commercialisateur et promoteurs) qui accompagne des projets immobiliers en Afrique francophone. Ils nouent des relations de partenariats avec entrepreneurs locaux sur la base de partenariat et de réciprocité.
Plusieurs projets sont en cours au :
-Cameroun pour la mise en place d’un EDD et d’un règlement de copropriété de 500 logements.
-Côte Ivoire dans la conception d’un ensemble de résidence hôtelière, bureaux et commerce de 20 000 m2 à Abidjan.
-Sénégal sur la Petite Côte dans le cadre d’une mission de valorisation d’un actif immobilier de 40 hectares en bord de mer.
Depuis plus d’un an, ils se déplacent régulièrement au Bénin pour nouer des partenariats avec des entrepreneurs locaux. Depuis 7 ans, ce pays mène une politique innovante et volontariste de développement : mise en place d’infrastructures, digitalisation des services de l’État, stratégie industrielle systémique pour remonter la chaîne de valeur, révolution dans le domaine de tourisme

[(

A lire aussi du même auteur

«Road trip d’Antoine Viallet au Bénin : découverte d’un petit pays aux grandes ambitions».
«La Biennale de Dakar».
«Sur la route des Chefferies de l’Ouest du Cameroun ou à la rencontre de Hervé Youmbi ».
«Ganvié, la Venise de l’Ouest ». )]

Articles similaires

Aller au contenu principal