Publié le 17 octobre 2018 à 15h25 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
«Pas de chance, vous avez un message !», peut-on lire sur l’affiche du film «Le jeu». Pour une fois l’accroche reflète parfaitement l’ambiance de ce long métrage drôle, touchant, inventif où s’illustrent d’excellents comédiens. Le «pitch» en est simple: Le temps d’un dîner, des couples d’amis décident de jouer à un «jeu» : chacun doit poser son téléphone portable au milieu de la table et chaque SMS, appel téléphonique, mail, message Facebook, etc. devra être partagé avec les autres. Il ne faudra pas attendre bien longtemps pour que ce «jeu» se transforme en cauchemar. Et le spectateur de s’en amuser d’abord, puis de s’en émouvoir au fur et à mesure que le récit l’emmène là où il ne l’attendait pas. Sorte de «Dix petits nègres» d’Agatha Christie en mode SMS. «Le jeu » propose de s’intéresser à des personnages hors normes qui ne sont pas vraiment ce qu’ils prétendent être. Partant du postulat que nous avons tous des choses à nous reprocher, «Le jeu» tient à la fois de la comédie policière, et de la satire de mœurs. Son réalisateur Fred Cavayé présent à Aix-en-Provence lors de l’avant-première du film au cinéma Le Cézanne, l’a raconté ainsi : «Toute vérité n’est pas forcément bonne à dire, que ce soit en amour comme en amitié. Le film nous interroge sur ce qui est nécessaire de savoir et sur ce qui est peut-être préférable de taire. Ceci devait, bien entendu, n’être que le sous-texte du film. Car « Le Jeu » est avant tout une comédie ludique qui dérape peu à peu vers des situations grinçantes et ce jeu se transforme en « roulette russe » : qui va recevoir une balle ? Qui sera épargné ?» Mais attention, les surprises viendront en masse, et n’épargneront aucun protagoniste. Des femmes et des hommes joués (c’est le cas de le dire) par des acteurs dirigés comme s’il s’agissait d’une troupe de théâtre, tous au diapason dans ce qu’il convient d’appeler une partition cinématographique sans aucune fausse note. Suzanne Clément, Roschdy Zem, Vincent Elbaz (présents dans la salle atour du réalisateur) ainsi que Stéphane De Groodt et Bérénice Béjo (déjà émouvants dans la pièce «Tout ce que vous voulez » donnée récemment au Théâtre du Gymnase de Marseille) ou encore Grégory Gadebois (absolument gigantesque rappelant Jean Renoir dans son rôle d’Octave de «La règle du jeu ») sont d’une finesse inouïe. Arrivant à nous faire passer du rire aux larmes (la scène où Vincent joué par De Groodt parle avec tendresse à sa fille par téléphone interposée est bouleversante), ils servent un texte aux allures de boulevard qui très vite s’envole par répliques qui font mouche du côté des comédies italiennes des années 1970. Et d’ailleurs, coïncidence heureuse, «Le jeu » est le remake d’un film italien à succès dont le réalisateur Fred Cavayé n’a rien dévoilé à sa troupe tout en lui interdisant de visionner l’œuvre initiale. C’est rythmé en diable, d’un instant à l’autre. D’ailleurs côté musique on est servi ! Aux commandes Christophe Julien, le compositeur de «Au revoir là-haut » a concocté une bande originale haut de gamme illustrant avec subtilité cette curieuse histoire de règlements de comptes à OK amis, où l’auteur s’abstient de juger. Et que l’on pourrait conclure (je vous laisse deviner pourquoi) par ces mots de la chanson d’Anne Sylvestre «Les gens qui doutent» que Christophe Honoré a intégré dans son dernier film : «Merci pour la tendresse, et tant pis pour vos fesses qui ont fait ce qu’elles ont pu.»
Jean-Rémi BARLAND