Publié le 4 novembre 2018 à 18h38 - Dernière mise à jour le 9 juin 2023 à 21h57
Raconter la vie d’Edmond Rostand, c’est entrer dans la pensée d’un homme bon, et généreux qui, durant toute son existence n’a cessé de penser aux humiliés, aux incompris, aux enfants perdus de la bohème, et qui leur rendant un vibrant hommage a signé des chefs-d’œuvres d’humanité. Bien sûr on connaît de lui la célèbre pièce «Cyrano de Bergerac», mais moins d’autres pépites (une dizaine environ) dont «Chanteclerc» où il faisait parler des animaux sur scène. Dans un spectacle où seul sur les planches, durant deux heures et quart, il joue différents personnages se grimant, enfilant leurs costumes successifs, allant dans un mimétisme assez incroyable jusqu’à prendre leurs voix, Philippe Car s’attèle à nous présenter un Rostand plus vrai que nature, à la fois mari, père, dramaturge, metteur en scène, citoyen du monde à l’écoute de ses semblables et de leurs souffrances. On dira d’abord de «La fabuleuse histoire d’Edmond Rostand» que l’acteur interprète -aux Bernardines de Marseille jusqu’au 18 novembre, (c’est une création) avant que de le donner à Velaux le vendredi 23 à l’espace Nova de Velaux, à Manosque le 27 au théâtre Jean le Bleu, et ensuite à Grasse et Alès fin novembre- que c’est un spectacle pédagogique au sens noble du terme, lisible par tous, très limpide dans ses intentions, lumineux dans sa présentation, et d’une haute tenue intellectuelle. Le fait de dérouler un récit qui épouse la chronologie enrichit le propos évite redondances et scories. On dira ensuite que c’est un hymne au théâtre et à ceux qui le font, où avec une force poétique assez rare Philippe Car énonce les principes fondateurs de chaque pièce de Rostand de la première «Le gant rouge» à «Chanteclerc» l’ultime jouée de son vivant, («La dernière nuit de Don Juan» que Philippe Car n’aborde pas sera créée en 1921 trois ans après la mort de son auteur). On ajoutera enfin que, si l’on ressort de «La fabuleuse histoire d’Edmond Rostand» totalement bouleversée c’est parce que Philippe Car prodigieux comédien éclaire l’ensemble avec la même générosité et humilité que celles montrées par l’auteur durant son parcours atypique. Loin de cabotiner quand il propose la tirade du nez de Cyrano, ou le célèbre «Non merci» de cette même pièce, Philippe Car donne à entendre et voir les œuvres de Rostand de l’intérieur de son être. C’est-à-dire depuis le cœur d’un écrivain qui douta sans cesse de lui et qui s’appuya pour avancer sur le regard des autres. Défilent sous nos yeux les parents de Rostand qui lui donnèrent naissance le 1er avril 1868 à Marseille, son épouse la poétesse Rosemonde Gérard (dont Lamartine était le parrain et Alexandre Dumas le tuteur), Sarah Bernhardt, à qui il présenta sa pièce «La princesse lointaine», et qui jouera «L’aiglon», l’acteur Coquelin, bon comme du bon pain, qui fut le premier «Cyrano», Lucien Guitry, le hautain «Chanteclerc» et d’autres comme les propriétaires des différents théâtres qui crurent au génie de Rostand. Magnifique et majestueux, présentant un Rostand «homme fait de tous les hommes» pour reprendre une formule de Sartre, être mélancolique et joyeux qui nous montra combien le bonheur doit s’édifier en nous («il est bon que de temps en temps le peuple réentende le son de l’enthousiasme», aimait-il à répéter) Philippe Car se démultiplie, ne perd jamais le spectateur en route et surtout joue pour lui, et non pour lui-même. Pas d’ego mal placé chez ce passeur de théâtre qui depuis quarante ans de carrière propose des spectacles populaires et exigeants. L’esprit de Jean Vilar en somme, avec l’humour en plus. Cela s’appelle la grâce, et forte de ses costumes festifs signés Christian Burle, de l’apport de sa musique que l’on doit à Vincent Trouble, de ses accessoires confectionnés par Bruno Montlahuc et Yann Nory, sa pièce coécrite et co-mise en scène avec Yves Fravega réjouit, rend heureux, émeut aux larmes notamment sur la fin où Philippe Car mentionne le combat d’Edmond Rostand contre la maladie et la guerre meurtrière de 1914. C’est aérien et inoubliable, et si l’on devait conclure d’un mot tiré de Cyrano on dirait de Philippe Car qu’il a ici du «Panache».
Jean-Rémi BARLAND
«La fabuleuse histoire d’Edmond Rostand» de Philippe Car aux Bernardines jusqu’au 18 novembre à 20h. Les mercredis à 19h, les dimanches à 15h. Réservations: lestheatres. A l’espace Nova de Velaux, le vendredi 23 novembre à 19h30. Réservations espacenova-velaux.com ou au 04 42 87 75 00. Au Théâtre Jean Le Bleu de Manosque le mardi 27 novembre à 20h30. Réservations au 04 92 70 35 21. Au Théâtre de Grasse, le vendredi 30 novembre et le samedi 1er décembre à 20 heures. Réservations au 04 93 40 53 00. Au Cratère d’Alès du 4 au 7 décembre à 20h30 sauf le jeudi 6 à 19h. Réservations au 04 66 52 52 64.