Théâtre du Gymnase de Marseille: Patrick Timsit voyage avec sensibilité dans “Le livre de ma mère” d’Albert Cohen
Publié le 14 novembre 2018 à 10h20 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 19h10
Patrick Timsit se glisse dans«Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte. Ce n’est pas une raison pour ne pas se consoler, ce soir, dans les bruits finissants de la rue, se consoler, ce soir, avec des mots.» Ainsi débute «Le livre de ma mère» le récit d’Albert Cohen (1895-1981) jeune juif né à Corfou, migrant à Marseille, alors qu’il a 5 ans et qui fut un ami intime de Marcel Pagnol. C’est en Angleterre, auprès de la France libre que ce maître du récit biographique apprend la mort de sa mère à Marseille justement le 10 janvier 1943. Il est loin d’elle, épris de chagrin, et sans la possibilité de lui faire un dernier adieu puisque les Allemands ont envahi la zone libre le 9 novembre 1943. Alors submergé par la douleur il écrit presque immédiatement un texte admirable «Un chant de mort» qu’il reprendra dix ans après en 1953 et qui deviendra dans sa version définitive «Le livre de ma mère». Paru en 1954, il est conçu de l’aveu même de l’auteur comme une réparation. «Je ne sais pas pourquoi je raconte la vie triste de ma mère. C’est peut-être pour la venger», écrit-il. La venger des autres et de sa propre personne se reprochant de ne pas avoir été assez tendre avec elle. Les 31 chapitres du livre semblent d’ailleurs avoir été construits autour d’une idée forte présenter en ces termes au chapitre 28 : «Fils des mères encore vivantes, n’oubliez plus que vos mères sont mortelles. Je n’aurai pas écrit en vain, si l’un de vous, après avoir lu mon chant de mort, est plus doux chaque jour avec sa mère, un soir, à cause de moi et de ma mère. Aimez-la mieux que je n’ai su aimer ma mère.» Ce sont ces quelques phrases qui ont nourri le projet scénique proposé par Patrick Timsit adaptant pour le théâtre ce texte solaire dans une mise en scène assez classique au demeurant signée Dominique Pitoiset où on le voit alterner lectures pures sur des feuilles séparées et vrais monologues. On saluera le travail assez remarquable de mémorisation et de découpage du livre qui fait alterner moments graves et plus drôles, plus intimes et plus ancrés dans l’Histoire du pays où vivent les parents d’Albert, et qui a pour grand intérêt de montrer le caractère circulaire du style de Cohen. Écrivain maniant l’art de la répétition, paragraphes commençant par « je veux… » ou « louange à vous » prenant la forme du kaddish Albert Cohen offre un livre-chant que la transposition par Timsit magnifie avec éclats. On entend aussi de la musique américaine, un extrait de la chanson d’Arno «Dans les yeux de ma mère» et on voit surtout des vidéos montrant… Patrick Timsit enfant. Manière pour l’acteur de se raconter aussi avec pas mal de subtilité reconnaissons-le. On sera moins convaincus par les images de Timsit adultes projetées sur l’écran où on voit l’acteur portant des lunettes noires récitant des extraits de Cohen, tandis que Patrick Timsit dos au public, assis derrière la longue table servant avec un fauteuil de seul accessoire, regardant l’ensemble défilant. Outre que cela ne sert pas à grand-chose, on peut regretter cette forme (sympathique certes) de narcissisme qui fait partir le spectacle sur une forme de complaisance qu’il n’a pas. Posant sa voix clairement, mais ponctuant ses phrases avec la même intention montante que lorsqu’il lit en version audio avec gourmandise certaines histoires inédites du Petit Nicolas, Patrick Timsit parvient à émouvoir très souvent. Très éloignée de la version intégrale plus sévère proposée par Gérard Desarthe pour «Écoutez lire» chez Gallimard, la promenade de Patrick Timsit dans le monde d’Albert Cohen fait entendre la poésie et la profondeur du texte initial et montre que sur scène le grand comédien qu’il est, l’acteur à l’imaginaire débridé qui me fait souvent songer au Jules Carette de «La règle du jeu» de Jean Renoir pose toujours sur ses semblables un regard profondément bon, proche de la résilience. Bien dans l’esprit de Cohen en tout cas ! Jean-Rémi BARLAND
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