Publié le 22 juillet 2023 à 21h40 - Dernière mise à jour le 3 août 2023 à 21h41
C’est sans doute le roman le plus autobiographique de Philippe Besson. Le synopsis en est simple : « De passage dans sa région natale, le narrateur, qui n’est autre que Philippe Besson, aperçoit au détour d’une rue une silhouette, un visage, dont la ressemblance avec son premier amour le frappe tel un coup de poignard. S’ensuit le récit de la rencontre, vingt-cinq ans plus tôt, entre deux adolescents que tout oppose : l’un, plutôt timide, est fils d’instituteur, élève studieux et lecteur chevronné ; l’autre est enfant de paysans, rebelle, charismatique et mystérieux, coqueluche des filles du lycée. Leur attirance est immédiate, sans équivoque. Leurs étreintes clandestines se déroulent dans un émerveillement teinté de culpabilité et de déni. Le secret qui les entoure n’en accentue que davantage l’intensité. Mais Thomas se montre incapable d’exprimer ses sentiments, d’accepter ce qu’il est. Il disparaît de la vie du narrateur aussi soudainement qu’il y était entré, laissant au jeune Philippe la blessure d’un premier amour au goût d’inachevé. Lorsque ce récit prend fin, des années après, l’auteur apprend avec une infinie tristesse que le Thomas si lumineux de sa jeunesse a passé sa vie à tenter de contrecarrer sa nature, à la dissimuler aux yeux de tous, précipitant ainsi sa fin tragique. »
Cette première incursion de Philippe Besson dans l’autofiction, est un roman bouleversant qui refuse tout raccourcis sommaires, tout jugement moral. Adaptée au cinéma par Olivier Peyon avec Guillaume De Tonquédec, Victor Belmondo, et Julien de Saint-Jean, cette œuvre puissante laisse le soin au spectateur de remplir les blancs laissés par le récit.
Mise en scène très chorégraphique de Valentin Nerdenne
« Ce livre a révélé des choses en moi », aime dire Valentin Nerdenne qui vient de mettre en scène ce texte de Philippe Besson pour le Festival off d’Avignon. Acteur lui-même, ancien ouvreur au théâtre du Chatelet, drag queen dans certains spectacles, il semble cultiver sa différence à l’aune de l’universalité des sentiments. Son adaptation de « Arrête avec tes mensonges » tient de l’équilibre narratif et d’un sens aigu de l’inventivité. Éloignée de toute volonté de choquer, se détournant de la vulgarité, la pièce qu’il vient de mettre en scène raconte l’histoire d’amour des deux personnages sans esprit communautariste.
Très chorégraphique, son travail insiste sur la danse des corps. La danse des corps contre les maux de l’esprit. L’engagement de soi dans le concert des vies, la lutte contre l’intolérance la bêtise, le spleen qui paralyse, autant de points d’ancrage de son travail. Idée formidable que d’avoir confié au jeune acteur noir Anthony Martine le rôle de Philippe Besson. Ce dernier a participé au projet « Les Enfants de Mars » de Damien Sobieraff -acteur que l’on a vu dans « Des gens qui doutent » la pièce de Paul Luneau dont le titre est un hommage à la chanson d’Anne Sylvestre, et qui signe en tant qu’auteur « Poissons rouges » à voir à la Chapelle des Italiens (Avignon) à 12 heures-, Anthony Martine joue, danse, surprend. A ses côtés Gaudéric Maléjac, repéré dans la série télé « Ultra loin » et le film « Comme des grands » avec Dylan Raffin, et Pauline Chalamet (la sœur de Timothée) lui donne plus que la réplique. Il lui permet d’illuminer le mystère de son personnage.
La force de la pièce ainsi montée vient aussi du fait que nous nous trouvons dans la tête des protagonistes. Notamment dans celle de Anne-Laure Ségla, actrice magique quand elle danse. Le sentiment de ne pas se sentir à sa place, l’absence du père, l’idée que l’on sait ce qu’on doit quitter pour ressembler à tout le monde, autant de pistes empruntées avec panache et élégance par Valentin Nerdenne qui lui aussi s’impose comme un acteur magnifique, et riche en subtilités. Du théâtre grand, beau, fort, digne et droit avec en prime la chanson de Barbara « A peine le jour s’est levé » qui comme la pièce tire les larmes.
Jean-Rémi BARLAND
Arrête avec tes mensonges, au théâtre du Rempart -56, rue du rempart Saint Lazare à 22h40 -Jusqu’au 29 juillet Relâche le 27, Tarifs : 20€/14€/12€- Réservations 04 90 85 37 48 – theatre-du-rempart.fr
