Publié le 20 juillet 2023 à 10h33 - Dernière mise à jour le 25 août 2023 à 10h17
C’est à bien des égards l’événement médiatique du Off 2023. Tout d’abord en raison du fait que c’est complet tous les soirs, jusqu’à la fin du Festival et que le Théâtre du Chêne Noir qui a programmé la pièce a organisé une liste d’attente d’environ cent personnes par jour. Ensuite parce que Benjamin Voisin le comédien qui joue le texte tiré du roman « Guerre » de Céline est une des jeunes stars qui monte. Il nous avait séduits dans « Été 85 » le film d’ Ozon. Il nous a impressionnés dans « Illusions perdues » de Xavier Giannoli et on l’attend avec impatience toujours au cinéma dans « L’esprit Coubertin » de Jérémie Sein où il partagera l’affiche avec Emmanuelle Bercot. Au théâtre il était venu déjà dans le Off… c’était en 2017 pour Un « Dom Juan », d’après Molière, dont il avait signé la mise en scène et qu’on avait applaudi au Théâtre des 2 galeries. Cette fois-ci il prend sur scène une nouvelle dimension et nous scotche littéralement à notre fauteuil.
Bardamu sauvé des bombes
On peut affirmer d’emblée qu’il n’a pas choisi la facilité en s’attaquant (le mot convient) à une adaptation pour le Théâtre de « Guerre » le roman retrouvé de Céline, adaptation de Bérangère Gallot et Benoît Lavigne ce dernier signant une mise en scène qui, si elle ne brille pas par son originalité, restitue à merveille le travail d’écriture de l’auteur du « Voyage au bout de la nuit » dont nous retrouvons ici le héros Ferdinand Bardamu que l’on définira comme sauvé non des eaux mais des bombes.
Le roman « Guerre » relate sa convalescence en tant que brigadier, du moment où il vient à reprendre conscience sur le champ de bataille jusqu’à son départ pour Londres (motif développé par Céline dans « Londres », autre manuscrit retrouvé et paru en octobre 2022). La boue des tranchées, la puanteur, le bruit strident nous les ressentons si concrètement, Benjamin Voisin n’ayant pas son pareil pour nous les rendre tristement familiers. L’adaptation se veut aussi une plongée dans un voyage amoureux celui-là au pays des femmes que Ferdinand (le narrateur, double de Céline) effectue avec des pulsions érotiques non feintes. Lors de scènes que l’on qualifiera de suggestives Benjamin Voisin mime les ébats avec ses conquêtes, et c’est parfois drôles voire burlesques, l’acteur prenant à ce moment-là une voix proche de celle de Jean-Paul Belmondo. Nous sommes alors « positivement charmés » pour reprendre une réplique célèbre du chef d’oeuvre « Un singe en hiver » mettant face à face , côte à côte Bebel et Gabin. Nous passons comme l’exige le roman du drame au rire, de l’effroi au sourire, et la standing ovation obtenue par Benjamin Voisin tous les soirs est plus que méritée.
Jean-Rémi BARLAND
Benjamin Voisin dans « Guerre » d’après Céline (Photo Clément Puig)
Théâtre du Petit Saint-Martin à Paris du 12 septembre au 21 octobre
