Le député Mohamed Laqhila, via une tribune, apporte sa contribution au débat sur l’interdiction du port de l’abaya.
Laissons les gens s’habiller comme ils le veulent et concentrons-nous sur l’apprentissage de nos futurs citoyens au lieu de faire de l’apparence un passeport pour la connaissance. Si l’on veut un marqueur vestimentaire pour l’école, revenons à l’uniforme qui donnera un débouché à l’esprit de la loi et atténuera les fractures sociétales et communautaires.
Les codes vestimentaires portent en eux une signification sociale, une norme non-écrite et tacite présente dans toutes les sociétés humaines, politiques ou religieuses. Ils servent de marqueur, une manière de reconnaissance ancrée dans nos cultures familiales. Ils ne définissent en aucun cas une identité exclue du domaine républicain.
La confusion entre les concepts d’identité et de culture entrave le débat sociétal et cette confusion est exacerbée lorsqu’il s’agit du port de vêtements comme l’abaya ou le voile. En 1905, la République s’est opposée à l’hégémonie du christianisme qui influençait l’éducation en imposant ses dogmes depuis des siècles. Des figures comme Jean Jaurès et Aristide Briand envisageaient l’égalité des droits uniquement dans un cadre laïque. Ainsi, il ne peut y avoir de religion d’État. La morale laïque a remplacé celle de l’Église grâce à l’école républicaine. Nous parlons ici de transmission de savoirs, de vérité scientifique, de connaissances, mais aussi de
valeurs, de morale, de philosophie, de théologie, d’émancipation et de liberté. Pas d’un simple morceau de tissu élevé au rang de symbole de religiosité.
Comment cette soif humaine de connaissance peut-elle être obscurcie, voire éteinte, par un simple morceau de tissu ? Comment un simple vêtement culturel, devenu cultuel par la volonté de certains, peut-il entraver cette mission générationnelle ? Il y a deux siècles, des individus voulaient imposer un récit religieux comme vérité absolue. Comment pouvons-nous concevoir qu’un simple bout de tissu culturel fasse de même ?
Les Églises ont été des instruments de pouvoir sur la société et l’histoire a montré que le monothéisme tendait vers l’absolutisme. La République a réussi à apaiser le conflit avec l’Église chrétienne, partageant maintenant de nombreuses valeurs communes. Elle doit à nouveau rassembler ses forces politiques et humaines pour promouvoir l’éducation et la connaissance au profit d’une véritable intégration des musulmans, en respectant leurs différences culturelles.
Le vivre-ensemble ne signifie pas uniformité, mais le respect des mêmes règles. L’obligation de l’instruction est un pilier au sein de notre république. Nous devons la défendre vigoureusement face à l’obscurantisme des idéologies qui risquent insidieusement de creuser des fractures sociales, religieuses et ethniques pour asseoir leur pouvoir. La République a tous les atouts pour construire une société française enrichie par la contribution d’un islam français laïque. Ne sacrifions pas cette vision à l’imposition d’un code vestimentaire.