Publié le 22 décembre 2018 à 21h45 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 20h42
«Le pire qui pourrait sans doute nous arriver c’est de perdre notre capacité d’indignation face à l’horreur. Et de l’accepter, telle une fatalité». Tel est le message transmis par Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles – Mémoire et Éducation, avant la minute de silence en mémoire des victimes des attentats de Strasbourg. Celle-ci précédait le vernissage de l’exposition « Ils défendent nos libertés» présentée au Camp des Milles jusqu’au 26 mai 2019 et la conférence «Les défenseurs des droits de l’Homme au XXIe siècle» organisés par le Camp des Milles en partenariat avec le Parlement Européen, dans le cadre des 70 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et des 30 ans du Prix Sakharov pour la liberté de l’esprit.
Cette exposition de photos constitue une immersion dans la vie quotidienne de deux femmes et deux hommes défenseurs des droits de l’Homme au Cambodge, en Tunisie, en Éthiopie et en Bosnie-Herzégovine. Alain Chouraqui a ainsi insisté sur les menaces extrémistes auxquelles sont confrontées nos démocraties et a appelé à la nécessité de résister face à ces engrenages qui peuvent nous mener au pire. «Ce sont des drames auxquels nous ne devons pas nous habituer». Au Camp des Milles, le thème de la résistance est intimement lié à la sauvegarde des Droits de l’Homme. «On le retrouve ainsi à chaque étape de la visite, sur le parcours s’achevant par un « Mur des Actes Justes » qui présente la diversité des actes de résistances face aux crimes génocidaires commis contre les Juifs et les Tsiganes mais aussi contre les Arméniens et contre les Tutsis. Ces actes individuels ou collectifs, courageux et désintéressés sont une invitation à l’ouverture aux autres, à la vigilance et à l’exercice actif de la responsabilité» insiste-t-il.
«Lorsque des personnes sont considérées comme des problèmes avant d’être considérées comme des personnes, cela rappelle de terribles souvenirs»
Les thématiques de résistances et de protection des droits humains, en France et dans le monde, ont été au cœur même de la conférence proposée par le Parlement Européen, lors de laquelle intervenaient, avec Alain Chouraqui, Sophie Beau, Cofondatrice et Directrice Générale de SOS Méditerranée, Geneviève Garrigos, ex-présidente d’Amnesty International France, responsable de la région Amériques et membre de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, et Marie-Christine Vergiat, Députée européenne, et membre de la sous-commission Droits de l’Homme. Chaque intervenant, faisant part de son expérience, a relevé les risques que prennent aujourd’hui les défenseurs des droits de l’Homme dans le monde.
«29 523 personnes ont été sauvées par l’Aquarius. Tous nous racontent l’enfer libyen : les camps, la torture, les viols massifs et systématiques… Le pilier de notre action est le droit maritime, l’obligation d’assistance aux personnes en danger en mer. Cette obligation d’assistance est remise en cause et criminalisée. Ce n’est jamais arrivé dans l’histoire du droit maritime. Nous sommes des marins et des humanitaires. Nous cherchons à sauver des vies ! C’est une action de sauvetage en mer. Or, ici, il y a une politisation extrême du droit à la vie, ce qui est intolérable», a affirmé Sophie Beau, tout en mettant l’accent sur la nécessité d’éduquer et de transmettre aux plus jeunes cette prise de conscience citoyenne. «Si l’objectif principal est de sauver des vies en mer, notre deuxième objectif est de transmettre, notamment auprès des jeunes, les valeurs fondamentales». «Les défenseurs des droits humains sont des individus, seuls, en groupe ou en associations qui défendent, protègent et promeuvent les droits humains. Il y a aussi des formes de menaces beaucoup plus insidieuses par l’utilisation du droit ; il y a une criminalisation directe ou indirecte des activités des défenseurs des droits», a pour sa part soutenu Geneviève Garrigos. Marie-Christine Vergiat a abordé la question des droits humains par le volet politique : «J’ai été tétanisée par le débat sur la déclaration de Marrakech dédiée aux questions migratoires. La façon dont des États de l’UE ont refusé de signer ce texte-là n’est pas acceptable. Il y a des choses qui ne peuvent plus être tues». «Lorsque des personnes sont considérées comme des problèmes avant d’être considérées comme des personnes, cela rappelle de terribles souvenirs. L’Aquarius fait écho au Saint Louis -un bateau avec des réfugiés Juifs fuyant le IIIe Reich en 1939- qui a tourné sur toutes les mers avant de retourner à Hambourg, port à partir duquel ces réfugiés furent envoyés à la mort. La mémoire est un outil essentiel pour montrer jusqu’où peuvent aller les engrenages. À travers le décryptage des mécanismes nous pouvons savoir où nous en sommes en France, en Europe et dans le monde », a poursuivi Alain Chouraqui. Une tragique expérience historique qui «sonne, plus que jamais, comme un appel à la responsabilité individuelle et collective face aux dangers qui guettent nos démocraties», conclut le président de la Fondation du Camp des Milles.