Marseille – Théâtre des Bernardines. Patrick Pineau impressionnant dans « John a-dreams » de Serge Valletti mis en scène par Sylvie Orcier

Il y  a quelques années l’acteur Patrick Pineau rêvait de jouer « Hamlet ». Et puis comme il le dit lui-même, cela lui a passé… Rebondissement … Le personnage de Shakespeare refait surface de la manière la plus imprévue possible. Un jour, après avoir vu une pièce de Beckett, il appelle son complice théâtral Serge Valletti et lui demande de lui écrire un texte : l’histoire d’un homme qui répète « Hamlet » dans sa cuisine, qui n’y arrive pas, et qui est tout le temps dérangé par sa mère au téléphone.

Destimed Patrick Pineau dans John a dreams Photo Paul Bourdel 1 copie
Patrick Pineau, tout un royaume pour Hamlet.. (Photo Paul Bourdel)

Bingo ! Serge Valletti saisit le projet au bond et se met à relire la pièce. « Je me suis aperçu qu’Hamlet est un peu velléitaire, qu’il est constamment envahi par ses fantômes et qu’il affirme : moi je ne suis pas comme John a-dreams. Finalement je trouve que ce personnage dont parle Halmlet était une bonne porte d’entrée pour ce monologue. Tout est parti de là…» Résultat une pièce crue, impressionnante de lyrisme, hymne au théâtre et à ceux qui le créent, ode à l’acteur qui, au service des rôles successifs qu’il interprète, s’emploie à faire sortir de lui tous les démons qui l’obsèdent. «On est tous le John a-dreams de quelqu’un », nous dit d’emblée le personnage créé par Serge Valletti.  Durant un peu plus d’une heure, il souffre et se plaint, éructe, délire, se souvient de l’enfant qu’il était, abusé sexuellement, et veut se venger en habitant « les marges, les limites, les confins». Avec des envolées poétiques : « Mon Dieu qu’il y avait longtemps que je n’en avais pas vu ainsi : pétales, rosées, linéaments, pédoncules, étamines bleutées, poudre de poils, symphonie de pollen accompagnant les débuts de lichens, atteinte de la lande, coussins de genêts sur les dunes, roseaux pour ce curer les ongles, liberté du rebord, joncs simples ». Le texte se veut très physique ancré dans la terre des hommes et les rêves que nous faisons pour qu’elle nous soit plus supportable. Dans la lignée des précédentes œuvres de Serge Valletti dont «Le jour se lève Léopold » créée sous l’impulsion de Dominique Bluzet donnée au théâtre du Gymnase du 16 au 24 janvier 2009 dans la mise en scène de Michel Didym avec (entre autres) Olivier Achard (Léopold) et Alain Fromager (Mérédick). Et où il était prouvé que la misère n’est pas moins pénible au soleil.

Mise en scène bondissante

Très foutraque au bon sens du terme « John a-dreams » multiplie les digressions, sans jamais perdre le spectateur. Si Patrick Pineau seul sur le plateau qui se démène avec tous ces mots, ces phrases qui déboulent en cascades et qui racontent une histoire de vengeance est absolument gigantesque d’inventivité et de génie créatif la mise en scène de Sylvie Orcier qui dit adorer l’auteur et l’acteur de « John a-dreams » ne surligne jamais mais offre un voyage lui aussi hallucinant d’intensité.

 

Une chaise, une table, un bureau, un coin de bibliothèque, un évier de cuisine, un lit au fond, un paravent où l’on passe d’un moment à l’autre soit que l’on est dans le présent ou dans les souvenirs du personnage central, le décor est lui aussi un acteur de cette farce macabre, drôle, tragique et loufoque. Spectacle total où il est écrit : « On est fait de moments, on est fait de restes, de résidus. Et au milieu il faut trier. On habite un tas d’immondices. On patauge dedans. »  la pièce « John a-dreams » dont le texte est édité chez L’Atalante est un régal pour les yeux comme pour l’esprit. Avec répétons-le un Patrick Pineau, hors normes et… inoubliable.

Jean-Rémi BARLAND

«John a-dreams» au Théâtre des Bernardines du mardi 17 au samedi 21 octobre à 20h. Sauf le mercredi 18 octobre à 19h. Plus d’info: lestheatres.net

Articles similaires

Aller au contenu principal