Publié le 6 septembre 2013 à 11h17 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h17
C’est devant un parterre où les jeunes sont très largement majoritaires que le Président allemand Joachim Gauck s’est exprimé ce jeudi 5 septembre au sein de la Villa Méditerranée à Marseille. Une courte intervention avant de répondre aux questions de six jeunes, trois Français et trois Allemands. Il explique que, pour lui « Il était important de venir à Marseille, une des plus anciennes villes d’Europe qui projette son regard au-delà de la Méditerranée et qui a le courage de l’innovation ». Puis de rappeler toute l’importance qu’il attache à cette rencontre avec les jeunes: « Je ne suis pas là en vieux grand-père venu d’Allemagne pour vous dire ce que vous devez faire. Je suis là pour vous écouter. On parle beaucoup du chômage. Est-ce que vous avez de l’espoir dans demain ? Est-ce que pour vous l’Europe est une chance ou une crainte alors que des partis populistes, en Europe, disent que l’Europe est un échec, qu’il vaut mieux rester chacun chez soi. Vous, qu’en pensez-vous ? Je suis très attentif à vos réflexions car je sais bien que c’est entre 16 et 26 ans que l’on réfléchit avec la plus grande intensité au but de la vie ».
« il faut de nouvelles idées, créer de nouveaux contacts »
Ajoutant: « Il faut se fixer des objectifs. Il faut de la passion, de l’enthousiasme. Et c’est la jeunesse qui est porteuse de cette dynamique ». S’il se réjouit des accords de Versailles, des liens entre les écoles, les universités, il avoue: « à côté de cela, il est des endroits où nous nous endormons, il faut de nouvelles idées, créer de nouveaux contacts ». Il en vient aux relations franco-allemande: « Nous avons des débats, comme dans une famille, mais personne en Allemagne ne veut une Europe où la France et l’Allemagne seraient opposées ».
La première intervenante apprécie les programmes européens qui permettent d’aller étudier à l’étranger et souhaite savoir si d’autres programmes sont envisagés. « Déjà, il est important qu’ils soient prorogés, ce qui devrait se faire. Après, lorsque l’on voit le taux de chômage qui touche la jeunesse, on doit tenir compte de votre question. Vous savez, après la réunification allemande, beaucoup de jeunes ont du aller à l’ouest. Et je pense que dans l’avenir nous assisterons à de plus en plus de migrations. J’espère encore plus de coopérations au sein de l’Europe ».
Le deuxième intervenant fait ses études entre Aix et Tubingen. Il plaide en faveur de la création d’un journal en ligne en plusieurs langues « afin que l’Europe ne reste pas qu’un projet d’élite, mais touche profondément la jeunesse ». Joachim Gauck acquiesce: « Un changement du paysage médiatique est important. Je rêve d’un Arte Plus, qui donnerait des reportages sur plusieurs pays européens. J’aimerais qu’une agora européenne voit le jour ».
« Non à l’Europe allemande »
Certes, mais William Irigoyen, le journaliste d’Arte qui anime le débat indique qu’un sociologue allemand, Ulrich Beck, vient d’écrire un ouvrage Non à l’Europe allemande, qui dénonce notamment la politique de Merkel et invite à la fois à plus d’Europe et plus de démocratie. Le Président de répondre: « Cette thèse ne repose pas sur la réalité et je ne partage pas les inquiétudes d’Ulrich Beck. Cette volonté hégémonique ne correspond en rien aux aspirations du peuple allemand. Et puis, il y a peu, j’ai vu le ministre polonais des affaires étrangères, il m’a expliqué que son inquiétude résidait d’avantage dans une Allemagne qui ne ferait rien plutôt que dans une Allemagne qui voudrait mettre en avant sa puissance.Vous savez, en Allemagne, nous avons fait énormément d’efforts. Mais, nous qui étions l’homme malade de l’Europe nous connaissons aujourd’hui un développement économique. Alors, lorsqu’il y a des débats en France sur la nécessité de réformer, que les uns disent il faut aller plus loin, les autres moins, dans ce contexte nous voulons juste apporter notre expérience, dire que nous avons fait des sacrifices et qu’ils ont été utiles ».
« Jeune, j’avais de la haine pour mon pays »
Il revient sur cette question de l’hégémonie: « J’ai tellement souffert de ce qui s’est passé en Allemagne. Jeune, j’avais de la haine pour mon pays, à cause de la guerre, de la Shoah. Et je n’étais pas le seul, nous étions nombreux dans la jeunesse à éprouver cela. Nous étions de notre ville et d’Europe, et c’était tout. Et nous n’avons pas changé, l’hégémonie est une notion qui nous est étrangère ».
L’intervenante suivante interroge: « Pensez-vous que l’Euro peut survivre sans une politique budgétaire commune ? ». Une question qui permet à Joachim Gauck de donner un rapide cours sur la politique allemande. « Vous savez le Président français a un rôle politique important, moi, comment dire ? Je suis là pour inaugurer les chrysanthèmes. Alors il ne m’appartient pas de dire au gouvernement ce qu’il doit faire, mais je pense effectivement qu’il faut avancer dans la direction d’une politique économique commune ».
Il lui est alors demandé: « Nous sommes dans une Europe de paix, d’échanges. Que diriez-vous à un jeune qui souhaite plus d’Europe ? » Le Président souligne : « D’abord une Europe de paix n’est malheureusement pas un acquis. Rappelons-nous, qu’il y a peu, il y avait une guerre dans les Balkans. Ensuite, si nous voulons être pris au sérieux il est clair que nous avons besoin d’un espace politique, mais aussi culturel, économique. Nous n’aurons pas un avenir heureux si nous retombons dans nos visions nationales ».
« Parfois il est important de faire le choix d’être minoritaire »
La question suivante surprendra quelque peu le Président : « Avez-vous dû aller contre vos idéaux dans votre vie politique ? ». Il réfléchit quelques instants, revient sur sa vie: « Je ne pense pas. Sur le plan politique, je suis issu d’une famille qui n’était pas aux affaires sous la dictature communiste. Ma famille était opprimée et je n’ai pas grandi avec les valeurs du communisme mais celles de la chrétienté et de l’humanisme. Dans un système qui bâillonnait, j’étais entouré d’hommes et de femmes qui rêvaient de voter. Et, jamais, je n’ai eu à plier au point de hurler avec les loups. Vous savez, on a toujours le choix. Parfois il est important de faire le choix d’être minoritaire ».
Le dernier intervenant est membre du Parlement européen des jeunes, il s’interroge sur une possibilité d’unifier encore plus l’Europe, de la voir devenir un État fédéral ? Joachim Gauck estime « que les prochaines étapes se feront lentement. C’est possible, mais si cela arrive vous aurez sans doute les cheveux blancs ».
Michel CAIRE
Michel Vauzelle : faire de la Méditerranée un espace de paix
Michel Vauzelle, le président du conseil régional Provence-Alpes Côte d’Azur a rendu hommage au Président de la République fédérale allemande, Joachim Gauck, en évoquant son parcours. « Nous connaissons votre engagement, votre courage, dans un État totalitaire, l’Allemagne de l’est, puis votre travail sur les archives de la Stasi afin de savoir exactement ce qui s’était passé. On sait que vous êtes un homme de paix, votre présence le 4 septembre à Oradour-sur-Glane en témoigne. Et c’est un honneur de vous accueillir dans ce lieu ». Il rappelle également que c’est un autre allemand, le Président du parlement européen, Martin Schulz, qui a inauguré cette Villa, « et, comme vous aujourd’hui, il avait alors rencontré des jeunes ». A propos de l’Europe, Michel Vauzelle de souligner: « Elle ne pourra pas se construire en tournant le dos à la Méditerranée. Et nous sommes ici, des militants d’une Méditerranée de paix. Nous avons l’espoir et l’espoir n’est jamais ridicule. Il y a un espoir dans la jeunesse. Au cœur de l’horreur du Nazisme il y avait les prémices de l’Allemagne d’aujourd’hui. Au cœur de la tragédie syrienne il y a l’espoir de la jeunesse. Mais il est évident que nous avons besoin de l’Allemagne en Méditerranée, nous en avons besoin pour la paix en Europe et en Méditerranée ».
M.C.