Christophe Castaner était l’invité de Eco for Sud, manifestation de la CPME Sud, l’ancien ministre et actuel président- bénévole- du Conseil de surveillance du Port de Marseille Fos a pu ainsi évoquer les questions relatives au Grand Port mais aussi à la sécurité, à la montée du racisme et de l’antisémitisme sans oublier le dossier des arrêts maladie et des congés payés.
Alain Gargani, le président de la CPME Sud, a rappelé que Eco For Sud est né de la volonté de permettre la rencontre de mondes qui ne se rencontrent pas. Il précise: «Permettre aux départements de la région de se rencontrer, permettre aux mondes politique, économique d’échanger.» Il évoque ensuite un dossier selon lui «sensible» : «Un de nos combats concerne les congés payés acquis pendant les arrêts maladie. En 1936 les premiers congés payés ont été donnés pour récompenser le travail. Là, donner des congés payés à quelqu’un en arrêt maladie depuis trois ans équivaudrait à un versement de 20 à 30 000 euros. Cette directive européenne est une épée de Damoclès sur la tête de toutes les TPE/PME ».
Christophe Castaner réagit : « Je comprends l’inquiétude que fait peser cette question. Je précise toutefois que les congés payés n’ont pas été donnés pour récompenser le travail mais pour vivre. Ceci dit, cette directive est un vrai problème… qui date de 2003. Et, depuis 2005, la France est régulièrement condamnée par l’Europe sur cette question sans que les mondes politique et économique ne réagissent. Et, en septembre, la Cour de Cassation a dit qu’il fallait appliquer cette mesure avec effet immédiat. Mais on ne peut pas dire que nous n’étions pas au courant et, maintenant, il va falloir chercher des solutions, avec le risque de créer des polémiques parce que nous sommes dans l’urgence. Ceci étant il faut sanctionner les abus, durcir le code du travail quand c’est nécessaire, sans ignorer que ce code qui protège le salarié et l’employeur est nécessaire pour avoir un cadre».
« Je suis persuadé que le monde économique se porte mieux quand on lui fiche la paix »
Alain Gargani pose ensuite la question de la simplification administrative et des charges. Christophe Castaner répond : « Je suis persuadé que le monde économique se porte mieux quand on lui fiche la paix. Et, en plus, cela coûterait moins cher en demande de subventions. Et, c’est vrai, on a peu avancé sur les simplifications. Il y a le droit à l’erreur, mais l’administration ne l’a toujours pas bien compris. Alors le président de la République vient encore de parler de simplification, raison pour laquelle le ministre de l’Économie vous a sollicités ».
Concernant les charges, il considère que la situation va un peu moins mal. « Nous ne sommes plus le premier pays d’Europe en matière de charges, l’Italie est passée devant nous. Mais c’est un vrai sujet. On fait porter la protection sociale sur le travail et non sur le capital, résultat le capital est toujours peu taxé alors que le travail l’est trop ». Il en vient au PME : « On a 150 000 PME à potentiel de développement en France, 5 500 ETI (entreprises de taille intermédiaire) contre 10 000 en Allemagne. Il est clair qu’il nous faudrait plus d’ETI, une taille qui permet d’investir dans la recherche, dans l’exportation. Or en France on est bon pour les petits, les moyens et les très gros tickets, pas sur les gros qui seraient utiles pour les ETI ». Il n’entend pas réduire aux seules aides et réductions de charges les enjeux de développement économique : «On ne peut pas penser l’écosystème économique si on ne pense pas territoire. Il faut des infrastructures routières, du logement, des écoles, des crèches…Et on ne le pense jamais, comme on le voit à Fos-sur-Mer qui reste enclavé ».
Alain Gargani met en avant « des nuages noirs. Nous avons des problèmes pour recruter, pour garder nos salariés et, d’autre part, nous constatons une montée d’un phénomène d’insécurité avec des explosions de violence comme celle que nous avons connu en juillet dernier ».
« Les jeunes ne sont pas des feignasses »
Christophe Castaner estime pour sa part: « Le climat n’est pas si mauvais puisque, pour la quatrième année consécutive, nous sommes le premier pays européen en termes d’attractivité pour les investisseurs étrangers. La France est d’autre part reconnue pour la qualité de sa formation. Concernant les apprentis nous avons accompli une révolution, l’État a repris cette compétence aux régions et les résultats sont là : on est passé de 380 000 à un million d’apprentis en peu de temps ». Concernant les problèmes d’emplois, il juge : «Les jeunes ne sont pas des feignasses. Mais il y a eu un effet Covid tout autour de la planète. Le rapport au travail a changé et les jeunes générations sont en quête de sens. Le salaire n’est plus le premier élément d’attractivité. A l’entreprise de montrer qu’il y a du sens à tous ses niveaux ». Il fait, à ce propos, un aparté sur les retraites. «Ce qui m’a choqué dans ce débat c’est que certains ont pu dire que l’on retirait deux ans de vie. Comme si le travail c’était la mort. Mais c’est faux, le travail c’est une forme de vie sociale ».
« Il faut se lever l’âme pour ce trésor »
Puis, Christophe Castaner en vient au Grand Port. Il précise immédiatement : « Le vrai patron c’est le président du directoire. Moi, j’ai, aux côtés du directoire, une fonction de facilitateur. 80% de ce rôle concerne Marseille alors que 80% de l’activité est sur Fos ». Il considère qu’« il faut se lever l’âme pour ce trésor ». Il Appuie son propos en précisant : « Près de 10% de la masse salariale des Bouches-du-Rhône est liée au port ». Il signale : « C’est la première fois que nous avons un président de la République qui se mobilise autant pour Marseille ». Revient au grand port : «Ce n’est pas un État dans l’État, c’est l’Etat en capacité de faire des choses. L’enjeu auquel nous sommes confrontés concerne la décarbonation sachant que 50% de la carbonation de notre pays provient de Marseille-Fos, Dunkerque et le Havre ». Rappelle que le Grand Port a connu «une première révolution voilà 60 ans avec le fret pétrolier, une deuxième il y a 40 ans avec la pétrochimie et puis plus rien.» Or, poursuit-il: «On sait tous qu’à moyen terme le pétrole c’est fini. Nous travaillons donc sur une autre logique, 11 milliards vont être investis sur dix ans dont 90% pour la décarbonation. Cette dynamique va créer 15 000 emplois. L’objectif est de devenir un hub de l’éolien en mer, de l’hydrogène vert, de nouveaux carburants. Un autre enjeu concerne l’électrification à quai sachant que nous faisons déjà parti des 18 ports au monde qui proposent une telle offre. Il ne faut pas en rester là mais on peut mesurer le chemin parcouru. Par ailleurs Marseille est le 5e hub mondial en matière de câbles sous-marins ce qui nous connecte à 140 pays dans le monde. La France a des connexions par la Méditerranée et l’Atlantique c’est un enjeu de souveraineté nationale ». Et, il insiste par ailleurs sur la nécessité d’ouvrir le Grand port sur la ville.
Christophe Castaner aborde ensuite le tourisme portuaire. « Il y a des critiques d’élus sur la pollution, elles sont totalement légitimes. La Région Sud a lancé le plan zéro fumée avec des résultats, l’effort doit se poursuivre, Marseille s’y est joint. Puis, il y a le type de tourisme lié aux croisières. Il y a un tourisme low coast avec des résultats exceptionnels, 2,5 millions de croisiéristes qui feraient vivre, selon des études, 4 000 personnes et qui permet des requalifications. On va se balader dans le Panier, je ne suis pas sûr que c’était le cas voilà 15 ans. Maintenant il s’agit de développer la petite croisière qui dépense en moyenne 1 500 euros avant de rembarquer».
« A Marseille les chiffres ne sont pas si mauvais sur les cambriolages »
L’ancien ministre de l’Intérieur est, également, interrogé sur l’insécurité : « On compte une augmentation de 74% des faits de délinquance avec 1 128 faits dont 500 au moment des émeutes, de la révolte liée à la mort de Nahel puis il y a eu une délinquance d’opportunité ». Des faits qui, selon lui, peuvent se reproduire. Il reprend : « A Marseille les chiffres ne sont pas si mauvais sur les cambriolages, les vols de voiture, en revanche les atteintes violentes aux personnes augmentent parmi lesquelles il y a les violences intra-familiales ». Il signale que, depuis 2019 « Marseille qui était sous dotée a bénéficié du recrutement de 436 policiers supplémentaires, de magistrats, d’une excellente Préfète de police…». Au sujet du trafic de drogue, il note des avancées mais aussi une mutation du milieu des trafiquants : « Avant il y avait une organisation, des règles, aujourd’hui on assiste à un affrontement entre deux quartiers. C’est anxiogène et cela arrive dans d’autres villes que Marseille mais quand il y a un mort à Marseille cela suscite une émotion nationale. Alors il faut continuer le pilonnage, monter en puissance sur les saisies »
Concernant le conflit entre Israël et le Hamas, Christophe Castaner indique avoir conseillé au président de la république de ne pas se rendre à la marche. «Je comprends l’émotion que cela a pu produire mais la place d’un Président, pour moi, n’est pas dans la rue. Il se devait, et il l’a fait, de condamner avec la plus grande fermeté l’attaque des terroristes du Hamas et de dénoncer la montée de l’antisémitisme ». Il importe aussi selon lui de ne pas ignorer la montée du racisme : «Des millions de musulmans se sentent rejetés. Il y a une stigmatisation des musulmans qui est dangereuse ». Il juge également que « l’échec du phénomène migratoire c’est l’échec de l’intégration. Être jeune musulman en France c’est difficile ». Il avoue : « Je suis très inquiet, la France peut basculer. L’enjeu c’est la reconquête républicaine. Il faut du policier car la République c’est l’ordre, le vivre-ensemble mais, pour cela, il ne faut pas que du policier il faut de l’éducation, de la République, de l’émancipation».
Michel CAIRE