Publié le 29 janvier 2019 à 19h57 - Dernière mise à jour le 29 novembre 2022 à 12h30
Aujourd’hui près de la moitié des Français considère l’impôt comme injuste. «Où va notre pognon ?» De cette phrase naissait le mouvement contestataire des « gilets jaunes », jetant l’opprobre sur une des mesures qui pourtant est la plus juste : l’impôt ! Or l’impôt n’a pas à être populaire ou impopulaire, l’impôt est nécessaire. Le ras-le-bol exprimé par certains Français tient de ce que l’on a oublié à quoi il sert et que l’on ne sait pas vraiment où il va. La conception actuelle que l’on se fait de l’impôt correspond essentiellement au prix d’un service rendu par l’institution (État, collectivités locales…). Dès lors, le citoyen-contribuable comme un usager-client qui estime ne pas en avoir pour son argent, ne veut plus payer. Il est vrai que la France a un recours important aux impôts et cotisations (45,3 % du PIB) et que la dépense publique est parmi les plus élevées des pays développés (56,5 % du PIB) mais il n’en est pas moins vrai que les prélèvements obligatoires sont le mode légitime de financement de l’intérêt général, des politiques publiques au service de la collectivité et de la solidarité sociale. Prenons l’exemple de l’impôt sur le revenu, pour 1 000 euros d’impôt, ce sont 250 euros alloués à l’éducation et à la recherche, 200 euros à la défense et la sécurité, 130 euros au développement des territoires, 110 euros à la solidarité, 110 autres correspondent à la charge de la dette, 100 euros répartis entre l’Union européenne et le soutien à notre économie, et enfin les 100 euros restants alloués à la politique de la ville, à la transition écologique, aux transports, à la vie citoyenne et à la culture. Sur 1 000 euros de dépenses publiques, 575 euros financent la protection sociale, 143 euros dans les dépenses sectorielles (dont affaires économiques, transports et équipements collectifs, culture, environnement et infrastructures) ; 119 euros sont fléchés vers l’éducation et la recherche, 60 euros sont affectés au régalien (défense, sécurité, justice) et 66 euros aux administrations publiques (services des impôts, mairies et autres, collectivités territoriales, préfectures, ambassades-consulats, caisses de sécurité sociale).
«Où va notre pognon ?»
De cette phrase naissait la défiance des Françaises et des Français envers les représentants de la Nation. Pour mettre en perspective les ordres de grandeur susmentionnés, rappelons simplement que sur 1 000 euros de dépenses publiques, l’ensemble des dépenses relatives à l’Assemblée nationale, au Sénat et au gouvernement représente 1 euro…
La France, championne du monde de la redistribution !
La majorité des Français dit trop gagner pour bénéficier d’aides sociales mais pas assez pour vivre décemment. Ce sentiment pointe du doigt notre système de redistribution. Or, avec des dépenses sociales publiques à hauteur de 31,2% du PIB, la France reste la plus généreuse des pays du monde en termes de dépenses sociales. En France, pour réduire les inégalités, l’administration réalise des prélèvements sur les revenus des ménages (cotisations sociales, impôt sur le revenu…) et reverse des prestations sociales, comme les allocations familiales, les aides au logement ou encore la prime d’activité.
L’objectif est d’assurer plus d’équité au sein de la société. Entre l’argent prélevé sur les revenus et les aides reversées, les 40% des ménages français les moins aisés voient, après cette « redistribution », leur niveau de vie moyen augmenter, autrement dit l’administration leur reverse plus que ce qu’elle ne leur prélève. Pour les ménages dont les revenus se situent dans une fourchette intermédiaire (au dessus des 40% les moins aisés et en dessous des 40% les plus aisés), les prélèvements deviennent en effet supérieurs aux aides versées. Ce système dit de la «redistribution monétaire» est certes le plus visible, mais pas le seul. Et si les Français ont le sentiment de percevoir moins d’aides directes que d’impôts qu’ils payent, c’est parce que les ponctions faites ne financent pas seulement des prestations sociales. En effet, les prélèvements réalisés sur les revenus des Français ne servent pas uniquement à payer les aides reversées directement mais couvrent des champs d’intervention bien plus larges et sont reversés dans des secteurs qui touchent tous les français. Ces aides sont moins visibles en ce qu’elles ne sont pas financières mais en nature.
En France, l’école est gratuite. En France, les soins de santé sont pris en charge (partiellement ou totalement). Il serait intéressant d’avoir une évaluation précise des effets de ces aides en nature sur la vie des ménages, mais le calcul est complexe. Néanmoins, l’impact de ces transferts en nature sur la réduction des inégalités est très important. La dernière étude de l’Insee sur le sujet (concentrée sur les deux postes les plus importants en termes de Budget que sont l’éducation et la santé) remonte à 2009, elle permet toutefois d’avoir un ordre d’idées. A titre d’exemple, la scolarité d’un élève de primaire coûte 5 300 euros l’année à l’État et 13 000 euros pour un élève de BTS ou de classe préparatoire. Ces sommes, les parents n’ont pas à s’en acquitter, quels que soient leurs revenus. En moyenne, le transfert en nature lié à l’éducation représente 4 935 euros par an pour un couple avec deux jeunes enfants dont les revenus sont situés au niveau intermédiaire (au-dessus des 40% les moins aisés et en dessous des 40% les plus aisés). Pour eux, cela représente un gain de revenu net (autrement dit après prélèvement des cotisations sociales) de 12,5%. Le rapport entre le niveau de vie moyen des 20% les plus riches et des 20% les moins aisés est réduit de moitié avec les aides mais quand on prend en compte les transferts en nature, il est quasiment divisé par trois, selon l’Insee. Éduquer, garantir la défense du pays, rendre la justice, soutenir les entreprises, développer les territoires, venir en aide aux plus démunis… par ces chiffres on constate que l’impôt est redistribué à tous les pans de notre société ! Pour réconcilier les Français avec leur devoir fiscal et retisser un lien clair et lisible entre ces derniers, la fiscalité et l’État, il faut cesser cette éternelle fuite en avant qui consiste à promettre «moins d’impôts» mais tenir un discours de vérité et entreprendre un véritable travail de pédagogie envers les Français !
Mohamed Laqhila est Député LREM des Bouches-du-Rhône