Aix-en-Provence. «Bérénice» dans une mise en scène de Muriel Mayette-Holtz avec Carole Bouquet et Frédéric de Goldfeim au jeu de Paume jusqu’au 16 décembre

Muriel Mayette-Holtz met en scène Carole Bouquet au Jeu de Paume dans une version courte de « Bérénice » de Racine. A voir jusqu’au 16 décembre.

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Carole Bouquet et Frédéric de Goldfeim dans Bérénice. (Photo Virginie Lançon)

Comme souvent le résumé d’une grande œuvre tient dans la main. Celui de « Bérénice » de Racine peut se présenter en ces termes : « Titus et Bérénice sont amoureux de longue date. Titus a même promis le mariage à sa reine de Palestine. Mais dès qu’il monte sur le trône, à la mort de son père Vespasien, Titus comprend que Rome n’acceptera jamais une reine étrangère pour régner à ses côtés. Il doit donc choisir entre amour et pouvoir et renonce à Bérénice. Antiochus, l’ami de Titus est amoureux en secret de Bérénice depuis longtemps, avoue son amour à la reine et décide de quitter Rome. Mais Titus lui demande de la soutenir et de l’accompagner, ce qui redonne un espoir vain à Antiochus. Cette tragédie est une histoire d’amour sans issue. Nos deux protagonistes accepteront héroïquement de suivre leur destin sans se donner la mort. »

Pièce magistrale d’un homme qui finira par abandonner le théâtre pour devenir aux côtés de Boileau l’hagiographe de Louis XIV (la pièce de Jacques Forgeas « L’adieu à la scène » le raconte avec émotion), « Bérénice » que l’on peut voir au Jeu de Paume d’Aix dans une version épurée est centré sur les rapports de l’héroïne avec celui dont elle est farouchement éprise.

Bérénice ou le désir d’une femme pour un homme

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Carole Bouquet et Frédéric de Goldfeim dans Bérénice. (Photo Virginie Lançon)

Dans un décor moderne, et un positionnement tout à la fois contemporain et intemporel Muriel Mayette-Holtz (dont on ne dira jamais assez qu’elle dirigea avec une honnêteté exemplaire la Comédie-Française) propose de réduire le nombre de personnages (cinq seulement) en redécoupant le texte en principalement une série de monologues. Ses intentions sont claires : « J’ai déjà mis en scène ce chef-d’œuvre de Racine il y a quelques années à la ComédieFrançaise», dit-elle. « Le plaisir était de raconter une grande histoire d’amour, le défi était de partager la puissance des alexandrins… Mais cela ne fut pas suffisant, c’est un texte que l’on voudrait remonter chaque année pour y traquer les infinis lapsus, la contradiction des sentiments : comment dire ce que l’on tait ? Comment réfléchir avec le cœur ? Comment chanter en susurrant et jouer jusqu’à l’évanouissement ? Racine propose une caresse brutale de mots échangés, « J’ai tout fait pour l’amour » ou « J’étouffais pour l’amour »… Mettre en scène la pièce signifie chercher dans l’indicible et ne pas se perdre en musique, tout en étant mélodieux ; c’est du son que surgissent les vrais sens. Il s’agit surtout de mettre en lumière la différence des deux héros, l’un se retranche derrière le devoir et l’autre aime ! Bérénice ou le désir d’une femme pour un homme. »

Musique omniprésente

Sur scène cela donne un duo d’interprètes d’exception. Carole Bouquet en tête campe une Bérénice emplie d’une rage contenue et d’une affliction extrême qui, comme c’est souvent le cas dans les grandes douleurs demeure muette. Pas d’effets non plus chez Frédéric de Goldfiem incarnant un Titus sobre prêt à tout sacrifier pour son amour. Ils forment l’un et l’autre le même instrument (style Stradivarius) d’une partition élégante, très très classique, dont on dira cependant qu’elle manque peut-être d’un peu de folie. Inouï de force et de présence, Jack Ido est un Antiochus assez peu vu dans les mises en scène précédentes de la pièce. Augustin Bouchacourt (Paulin) et Eve Prieur (Phénice), dans des rôles assez réduits apparaissant comme des témoins du drame. On peut dire qu’ils sont le regard du spectateur.

Reste une musique omniprésente et qu’on peut juger inutile. Les alexandrins de Racine suffisant amplement et, ce, d’autant plus qu’ils sont donnés dans une diction claire, très Comédie-Française, et dits d’un ton homogènes par les comédiens. Au final un spectacle qui fait aimer le théâtre et l’œuvre de Racine en particulier. Les nombreux lycéens présents au Jeu de paume ne s’y sont pas trompés, qui, écoutant l’ensemble comme le reste de la salle dans un silence absolu ont fait une ovation à Carole Bouquet et les siens.

Jean-Rémi BARLAND

Au Jeu de Paume d’Aix-en-Provence   vendredi 15 décembre à 20h et  samedi 16 décembre à 15h. Plus d’info et réservations sur  lestheatres.net

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