Du rire aux larmes, on passe à travers toutes les émotions avec « 4211 km », la distance entre Téhéran et Paris à vol d’oiseau. Cette pièce relate l’épreuve du déracinement vécu par le couple Farhadi. Des réfugiés politiques iraniens, arrivés à Paris en 1980.
« Quand retournera-t-on au pays »
Paris, c’est là où naît leur fille Yalda. Elle interroge ses parents, Mina et Fereydoun, sur l’Iran. Découvre qu’ils ont lutté contre le Shah avant de se voir voler leur révolution par la dictature islamique et de fuir en France. Les appels au pays où on parle fort dans le combiné pour être sûrs d’être mieux entendus ; l’arrivée d’autres réfugiés accueillis pour des semaines voire des mois dans le studio ; les moments de fête… Yalda nous balade entre ses deux mondes : sa famille, et la société française dans laquelle elle cherche désespérément sa place. Elle nous livre sa quête d’identité. Yalda traduit son sentiment du devoir de mémoire, sa colère, ses angoisses. Elle interroge : «Quand pourra-t-on retourner en Iran ?», «Bientôt», répond son père, rassurant. La metteure en scène a vécu cela. Aïla Navidi confie : « J’ai grandi avec l’espoir de mes parents de rentrer en Iran, cette envie incommensurable de retourner au pays. » Mais cet espoir, ce transitoire que devait être Paris, durera des décennies.
« Cette pièce est un cri »
« Cette pièce est un cri, un cri que j’avais en moi depuis toujours», livre l’autrice, Aïla Navidi. Elle réussit à nous le faire partager et nous entraîne dans plusieurs espace-temps grâce à une mise en scène efficace. On ressent la nostalgie des parfums, des fleurs de Téhéran comme la dureté de la vie et les joies dans l’immeuble HLM de la banlieue parisienne. 4211 km, c’est l’histoire d’un héritage que l’on aime et que l’on déteste. L’histoire d’hommes et de femmes qui cherchent à se frayer un nouveau chemin avec le passé greffé au cœur. Le témoignage poignant de milliers d’Iraniens qui ont fui après la Révolution islamique et qui ont vu les leurs parfois tomber sous les balles.
Au fond des choses
Alors qu’on ne parle plus qu’à travers un narratif et des mots superfétatoires destinés à caresser l’auditoire, cette pièce fait du bien. On sent qu’elle est vraie. Pas de faux-semblants dans les propos de Yalda et de sa famille. L’espace scénique restitue les drames mais aussi ce désir de vivre à fleur de peau. On y célèbre la lutte, la mémoire et la liberté. Elle nous questionne sur notre liberté d’action. Que ferions-nous si notre pays basculait aux mains d’extrémistes ? Que deviendrons-nous si nous devions nous exiler ? 4211 km est un témoignage fort, touchant sur la difficulté d’assumer sa mosaïque identitaire.
Le public debout
A la fin de la représentation le public, debout, applaudit longuement. La metteure en scène propose de regarder un petit film avant de se séparer. On découvre la longue liste des victimes iraniennes depuis le meurtre de la jeune Mahsa Amini en septembre 2022.
« 4211 km », Théâtre Marigny à Paris jusqu’au 2 mai – Plus d’info et réservations : theatremarigny.fr