Surprendre : c’est la volonté de Pierre Audi, directeur général du Festival d’Aix-en-Provence, qui a vu son bail renouvelé jusqu’en 2027. En cette année 2024 la manifestation animera l’été culturel provençal du 3 au 23 juillet ; la location est ouverte depuis une semaine pour les abonnements et les places à l’unité seront disponibles dès ce 1er février.
Gabriel Dussurget (avec Roger Bigonnet puis Jean Bertrand), Bernard Lefort, Louis Erlo, Stéphane Lissner, Bernard Foccroulle et désormais Pierre Audi : autant de directeurs qui, au long de 76 ans, ont donné et renouvelé ses lettres de noblesse et d’intérêt culturel au Festival d’Aix-en-Provence, lui permettant d’être aujourd’hui le meilleur festival d’Opéra au monde, distinction qui lui a été attribué en 2023 et qui suivait plusieurs autres prix décernées ces dernières années.
Gabriel Dussurget, l’historique fondateur, fit entrer Mozart dans sa nouvelle demeure aixoise en même temps que dans le cœur des mélomanes français qui ne connaissaient pas grand chose, à l’époque, des œuvres du Salzbourgeois ; Bernard Lefort, ensuite, ouvrit la porte du festival au bel canto et c’est avec Louis Erlo que le baroque est arrivé sous le ciel aixois ; à Stéphane Lissner l’on doit la réalisation du Grand Théâtre de Provence puisqu’il avait subordonné sa prise de fonction à la création de cette infrastructure qu’il estimait être vitale pour les finances du festival. Quant à Bernard Foccroulle, compositeur, organiste, homme de grande ouverture intellectuelle et d’une belle humanité il a su établir des ponts entre Aix-en-Provence et les rives de la Méditerranée… C’est désormais Pierre Audi qui fait fructifier l’héritage de ses prédécesseurs tout en apportant sa touche personnelle, développant, entre autres, la part des musiques actuelles avec un volet « Incises » spécifique aux rendez-vous qui leur sont consacrés.
Mini Mozart et maxi Gluck
Il n’y aura pas, cette année, de production avec mise en scène consacrée à une œuvre Mozart. Tout juste une « mise en espace » pour « La Clémence de Titus », one shot proposé au Grand Théâtre de Provence, avec le duo Pene Pati / Karine Deshayes dirigé par Raphaël Pichon ; on entendra aussi la symphonie « Paris » accrochée au programme d’un concert dirigé par Klaus Mäkelä et point-barre pour les œuvres de Wolfgang-Amadeus ! Un minimum syndical que Pierre Audi ne doit avoir aucun mal à assumer, avec son désir de ne pas tomber dans la routine et sa volonté de surprendre.
Des surprises, donc, il y en a ! A commencer par l’ouverture, le 3 juillet au Grand Théâtre de Provence, avec les tribulations d’Iphigénie en Aulide et en Tauride, les deux œuvres de Gluck étant données l’une à la suite de l’autre, soit quatre heures et demie de musique entrecoupées par un entracte d’une heure et demie. Comme écrit dans la note d’intentions, Dmitri Tcherniakov « Animera les personnages dans le décor unique d’une maison atemporelle, structure évidée tour à tour opaque ou transparente, à même d’abriter -ou plutôt d’enserrer-, à vingt ans de distance, les mésaventures sacrificielles et familiales d’un mythe qui universalise la violence intime. » Après son huis-clos diversement apprécié du « Cosi » donné à l’Archevêché l’été dernier on attend d’apprécier, ou non, le résultat du travail du metteur en scène russe ! Côté musique, Emmanuelle Haïm dirigera son Concert d’Astrée ainsi qu’une luxueuse distribution menée par Corinne Winters qui incarnera Iphigénie tour à tour en Aulide puis en Tauride.
Le « Samson » de Rameau réinventé
L’événement de cette 76e édition sera, sans aucun doute, la « libre création » du « Samson » de Rameau et Voltaire demeuré dans les limbes de l’opéra pour cause de censures du livret. La partition ne sera jamais publiée et Rameau l’utilisera par bribes dans plusieurs ouvrages. Claus Guth et Raphaël Pichon ont décidé en 2022 de réinventer l’œuvre, le premier en écrivant un scénario original à partir du livret de Voltaire et le second en collectant les extraits d’opéras de Rameau susceptibles de provenir de la partition perdue ou de servir musicalement la dramaturgie de ce « Samson » qui sera donné au théâtre de l’Archevêché par l’ensemble Pygmalion et une distribution prometteuse vocalement qui sollicitera également le talent d’Andréa Ferréol, la comédienne aixoise incarnant pour la circonstance la mère de Samson, rôle essentiel de cette restitution.
Gluck, Rameau et, pouvait-il en être autrement, Monteverdi. L’an dernier, Pierre Audi avait confié que si l’opéra baroque n’était pas présent au programme 2023 il le serait bien l’année suivante. Et c’est le cas avec une troisième production du genre musical, « Le Retour d’Ulysse dans sa patrie» doublé du retour à Aix-en-Provence de Leonardo Garcia Alarcon à la tête de sa Capella Mediterranea. L’occasion pour le directeur du Festival, qui est aussi metteur en scène, de travailler à nouveau sur l’œuvre de Monteverdi après l’avoir déjà abordée en 1990 à Amsterdam.
Puccini, Debussy, Verdi et nos contemporains
Réaffirmant sa volonté de poursuivre la programmation d’œuvres jamais données au Festival, en cette année de commémoration du 100e anniversaire de la mort de Puccini, c’est le drame de « Madame Butterfly » qui habitera le plateau du théâtre de l’Archevêché avec la Cio-Cio-San d’Ermonela Jaho, une distribution séduisante ainsi que le chœur et l’orchestre de l’Opéra de Lyon placés sous la direction de Daniele Rustioni. Il y aura aussi la reprise du « Pelléas et Mélisande » mis en scène par Katie Mitchell au Grand Théâtre de Provence en 2016, et dirigé l’été prochain par Susanna Mälkki avec Huw Montague Rendall et Julia Bullock dans les rôles-titre. Quant aux opéras en concert « mis en espace », outre « La Clémence de Titus » évoqué plus haut, il y aura aussi «Les Vêpres siciliennes » de Verdi. Quant au théâtre musical il sera bien présent avec « Songs and Fragments », qui proposera des œuvres de Peter Maxwell Davis et György Kurtag au théâtre du Jeu de Paume ainsi que « The Great Yes, The Great No » de William Kentridge, une commande Luma Foundation en partenariat avec le Festival qui, c’est logique, sera donné dans les installation de Luma à Arles.
Au-delà des opéras
Les présences d’orchestres et d’ensembles instrumentaux de renom, celles de directeurs musicaux et de solistes lyriques et instrumentistes ont aussi permis de construire une série de concerts et récitals qui, de la période baroque aux musiques d’aujourd’hui ont pour ambition de satisfaire les mélomanes. Il y aura aussi Aix en Juin, ce prélude tant attendu au Festival de juillet, ouvert à tous les publics et entièrement gratuit avec ses rendez-vous bien installés, notamment Parades sur le cours Mirabeau composé avec les plus belles pages du romantisme français et italien ou encore les voix de Silvacane avec, entre autres, la prestation de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône dirigée par Samuel Coquard. Structurée autour de trois résidences: voix, instruments et pluridisciplinarité, l’Académie offrira cette année encore un espace d’échange unique et stimulant à ses participants et concrétisera ses travaux par le biais d’une série de concerts, récitals et autres performances rassemblés dans la programmation d’Aix en Juin. L’activité du réseau Passerelles sera aussi mise en avant. Quant à l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, il fêtera son 40ef anniversaire et la session symphonique sera dirigée par Evan Rogister qui succède à Duncan Ward. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Michel EGEA
Le programme complet et toute l’actualité en temps réel sur le site du festival-aix.com
les réservations de places à l’unité sont ouvertes à partir du 1er février à 10 heures