Publié le 25 février 2019 à 19h45 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 20h48
Le 1er octobre 1932, au Théâtre Mogador à Paris, c’est Fernand Charpin qui offrait ses traits à Napoléon Bistagne pour la création de l’adaptation française de «L’Auberge du Cheval Blanc». D’un marseillais à l’autre, ce dernier week-end, Antoine Bonelli incarnait, à l’Odéon, avec la faconde qu’on lui connaît, le négociant de la rue Saint-Ferréol, créateur de la combinaison «Napoléon». Faconde, mais sans excès, pour une prestation réjouissante et réussie. On dit souvent que cette opérette de Ralph Benatzky est l’une des plus populaires ; l’assertion ne s’est pas démentie pour la reprise marseillaise avec guichets fermés pour les deux représentations… Pour le plus grand plaisir de Maurice Xiberras, le directeur général de l’Opéra et de l’Odéon, qui se mettait à rêver d’un succès similaire pour «Le Petit Faust», l’opéra bouffe de Hervé programmé ici dans quelques jours. Souhaitons que le public titille sa fibre de la découverte pour venir en nombre assister aux représentations de cette œuvre peu connue et des plus intéressantes. Mais revenons à nos moutons ou, plutôt, à notre Cheval blanc qui, cabré, orne aujourd’hui la façade de l’hôtel-restaurant de Saint Wolfgang im Salzkammergut bordant le lac Wolfgang en Autriche. Un établissement et un gros bourg qui doivent tout de leur fréquentation touristique record à cette opérette populaire. Musique simple et directe, intrigue basique mais efficace, de la bonne humeur en permanence et happy end un tantinet moralisateur : ce sont les ingrédients du succès. Et lorsqu’ils sont travaillés avec talent, les représentations sont ponctuées de multiples rappels comme ce fut le cas dimanche. Dans la fosse, sous la direction de Bruno Conti, les musiciens font oublier qu’ils ne sont que dix-huit pour faire pétiller et donner de belles couleurs à une partition des plus joyeuses. Sur scène, les décors « à l’ancienne », toiles peintes et contreplaqué, accueillent la mise en scène de Jack Gervais agrémentée des chorégraphies d’Estelle Lelièvre-Danvers. Mais le spectacle est partout, et même dans la salle où chaque «tube» est fredonné avec plus ou moins de talent et de justesse par une partie du public. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, c’est bien connu… Et les chuchotements ne durent pas longtemps, les interprètes subjuguant rapidement les candidats à la seconde voix ! Jennifer Michel campe une Josepha puissante et généreuse, Charlotte Bonnet une Sylvabelle élégante et, elle aussi, vocalement très présente, Priscilla Beyrand est une Clara « zozotante » et mutine à souhait et Perrine Cabassud une Kathy avec qui on irait volontiers faire un tour au Walhalla pour voir si la Valkyrie postière est aussi redoutable que ce qu’elle en a l’air ! Du côté masculin de la distribution, outre l’excellent Bistagne d’Antoine Bonelli, Grégory Benchenafi trouve en Léopold un terrain de jeu, et de voix, qui lui convient parfaitement, Marc Larcher et son beau ténor, excelle en avocat séducteur et Vincent Alary est le Célestin idéal. Un mot particulier pour le jeune Lothaire Lelièvre, d’une assurance et d’une présence exceptionnelles dans le rôle de Picollo. Claude Deschamps donne une légitime souveraineté à l’Empereur, Dominique Desmons campe un Professeur Hinzelmann tout droit sorti du film de Gérard Oury, « Rabbi Jacob » diffusé le soir même par France 2, Michel Delfaud étant, lui un imposant Garde général des forêts et Jean Goltier un guide très suivi… Comme à l’habitude, le chœur phocéen, bien préparé par Rémy Littolff, est l’un des artisans du succès tout comme les danseuses et danseurs Laura Delorme, Magali de Lenclos, Mylène Mey, Laia Ramon, Evgeny Kupriyanov, Serge Malet, Gérald Neeb et Sullivan Paniaglia. Un grand bravo à toutes et à tous qui ont superbement donné vie à ce Tyrol d’opérette. Place désormais au «Petit Faust » que nous découvrirons avec délectation les 16 et 17 mars prochains.
Michel EGEA