Opéra de Marseille. « La Traviata » casse la baraque !

2024 est l’année du centenaire de l’Opéra de Marseille, Phénix qui renaissait de ses cendres le 6 décembre 1924 après l’incendie du Grand Théâtre en 1919. La saison prochaine sera celle de l’anniversaire et son programme sera dévoilé dans quelques semaines. Pour l’heure, la fête c’est avec « La Traviata » qu’elle se vit ces jours-ci. Les cinq représentations de l’ouvrage de Verdi affichant complet.

Destimed Traviatta copie
Julien Dran (Alfredo) et Ruth Iniesta (Violetta) héros d’une « Traviata » qui fait l’unanimité. (Photo Christian Dresse)

Il paraît que l’opéra n’est pas un genre populaire ! Depuis le 6 février c’est le contraire qui est démontré à Marseille avec le « carton » de la Traviata devant des salles archicombles emplies d’un public ou les jeunes côtoient les cheveux blancs et ou les classes sociales se croisent au foyer et se saluent sur les sièges. Et ça fait un siècle que ça dure. Alors oui, cette Traviata, dans un contexte que l’on sait délicat, voire difficile, est une bouffée d’air frais qui rappelle, en outre, que la cité phocéenne fut une terre d’accueil pour les Italiens et que l’âme transalpine vit ici, souvent, à travers le succès des opéras de Verdi, Puccini ou Rossini…

Pour ce rendez-vous marseillais, c’est la production très classe de Renée Auphan, l’ex-directrice de l’opéra, créée en 2014 puis reprise quatre ans plus tard qui est proposée aux mélomanes. Et c’est Yves Coudray qui, après avoir mis en scène à l’Odéon « La Grande duchesse de Gérolstein » il y a quelques semaines, s’est chargé de réinstaller la Traviata sur le plateau de l’Opéra. On retrouve avec bonheur l’élégance chère à Renée Auphan tant pour les décors de Christine Marest que pour les costume signés Katia Duflot.

Ruth Iniesta magnifique

Pour incarner la courtisane, le choix de Maurice Xiberras, le directeur général, s’est judicieusement porté sur la soprano espagnole Ruth Iniesta; et la jeune femme n’a pas laissé passer l’occasion d’enflammer les planches. Pas encore quarantenaire, sa Violetta déborde de passion et d’émotion. Des qualités de jeu qui donnent le frisson et titillent les glandes lacrymales. Si on ajoute une ligne de chant sans faille, des aigus maîtrisés, une diction parfaite et une projection assurée, on obtient un modèle de Traviata qui, elle, obtient un triomphe absolu à l’issue de chaque représentation. Aux côtés de la « dévoyée » magnifique, Laurence Janot est une Flora sensuelle et bien en voix dont la plastique électrise, sur scène, les soirées parisiennes et ne laisse pas indifférente la salle. Quant à Svetlana Lifar elle est une discrète Annina.

Au fil des représentations, Jérôme Boutillier, qui embrasse ici le rôle pour la première fois, affirme son Germont. Réservé au soir de la première il développera par la suite avec sincérité l’ambiguïté de son personnage avec une belle présence vocale. Julien Dran est un Alfredo sur la réserve -un peu trop ? – qui manque de crédibilité au moment d’outrager Violetta. Cette retenue scénique ayant une légère répercussion sur le travail de la voix qui, si elle ne souffre pas de défaut, aurait à notre sens mérité un peu plus de puissance à quelques reprises. Ce qui ne l’empêche pas de recueillir des brave mérités tout comme ceux reçus par son père. Carl Ghazarossian (Gastone), Jean-Marie Delpas (Douphol), Frederic Cornille (le marquis) et Yuri Kissin (le docteur) sont des comprimari de luxe par leur prestance et leur jeu de qualité. Actifs participants à l’action, les membres du choeur se sont aisément  pliés aux rigueur de la mise en scène et, vocalement, à la beauté de l’ensemble.

Quant à la maestra Clélia Cafiero, qui dirigeait l’œuvre pour la première fois, elle nous avait confié avoir étudié la partition manuscrite de Verdi, en prélude à son travail à Marseille, et son désir de la respecter. Bien lui en a pris car à la tête d’un orchestre qui sonne parfaitement et dont les couleurs sont idéales pour servir ce répertoire verdien, la jeune femme a offert une direction lumineuse, sensible et chargée d’émotion en adéquation parfait avec le drame. Du grand art salué comme il se doit au final !

Michel EGEA

Dernière représentation à guichets fermés ce jeudi 15 février à 20 heures. Plus d’info: opera.marseille.fr

 

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