Publié le 7 mars 2019 à 12h47 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 20h49
Avec L’Institut Pythéas-Observatoire des Sciences de l’Univers, les Universités et les Centres de Recherche associés la région Provence regroupe un pôle en astrophysique particulièrement efficace. Par ailleurs, l’Observatoire de Haute-Provence est un joyau à découvrir sans faute ! Le site est superbe, les découvertes et explorations faites en divers domaines méritent vraiment d’être connues du grand public. Plus de 200 lycéens y effectuent chaque années des stages en coupole en collaboration directe avec des chercheurs mais, il n’est pas nécessaire d’être étudiant ou scientifique reconnu pour pouvoir découvrir ce site. Pour le grand public et les scolaires, des «parcours» découvertes sont réalisés. Y compris sur le site du grand télescope – le seul qui soit visitable en France- et qui a été le premier en 1995 à détecter une exoplanète.
Les exploits de « Sophie »…
Nouvelle consécration pour l’observatoire de Haute-Provence : 14 ans après cette première mondiale, par deux chercheurs : Michel Mayor et Didier Queloz, une certaine «Sophie» qui n’est autre que le dernier spectrographe installé sur ce même télescope de 1,93 mètre de diamètre (T193), vient d’offrir à une équipe internationale une exoplanète comme tous en recherchent ! Celle-ci, distante de 8 années-lumière, est l’une des trois plus proches de notre système solaire à ce jour découverte. Probablement rocheuse, on évalue sa masse à trois fois celle de la terre. «Il est crucial aujourd’hui et pour les années à venir, de comprendre, de caractériser les exoplanètes les plus proches de nous, de découvrir qui sont nos proches voisins », souligne Xavier Delfosse (IPAG, Université de Grenoble). À commencer par les «naines rouges» qui représentent 80% des étoiles de notre galaxie.
3991 exoplanètes identifiées à ce jour, de quoi se poser des questions…
Astrophysicienne au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM), Isabelle Boisse, avec la doctorante Melissa Hobson (LAM) sous sa direction, Xavier Delfosse (IPAG), et Rodrigo F.Diaz (Université de Buenos Aires) font partie de l’équipe européenne qui a découvert cette nouvelle exoplanète. Elle nous en livre ses caractéristiques et la place qu’elle occupe désormais dans la myriade des autres exoplanètes découvertes ces 25 dernières années.
Destimed: Depuis la première exoplanète trouvée en 1995, on en a recensé 3 991 à ce jour. En 2019, on s’attend à en découvrir une tous les 5 jours… Comment expliquez-vous une telle abondance? Par l’arrivée de nouveaux instruments, une meilleur connaissance?
Isabelle Boisse : Cette abondance que l’on observe nous montre que les planètes se trouvent presque autour de toutes les étoiles. On peut dire que c’est un produit de la formation stellaire. Très souvent, en effet, l’étoile se forme avec son cortège de planètes. Cela dit, il nous reste néanmoins encore beaucoup à comprendre sur les planètes que l’on peut trouver, et leurs caractéristiques et diversités. Techniquement si on en trouve maintenant beaucoup, c’est essentiellement parce que la première exoplanète a été trouvée seulement en 1995. Depuis les instruments au sol se sont spécialisés et largement améliorés. Et puis il faut prendre en compte des missions spatiales qui ont été lancé (CoRoT de l’ESA, Kepler et TESS de la Nasa, et prochainement CHEOPS de l’ESA). Tout cela a contribué à faire que le domaine
de l’exoplanétologie agrège de plus en plus de chercheurs de provenances diverses (spécialistes des planètes du système solaire, de l’activité des étoiles, etc.) Chaque domaine apportant aux caractéristiques de chaque exoplanète sa connaissance particulière. Cela dit, au niveau du partage des connaissances, il reste encore aujourd’hui, sur les sujets les plus passionnés, la concurrence des débuts ! Néanmoins, la foison de nouvelles données a permis de mettre en place de plus en plus de collaborations européennes et internationales. Et ça, c’est très positif.
Faut-il être une «naine rouge» pour être une étoile «intéressante» pour les chercheurs d’exoplanètes ? Et si oui pourquoi ?
Non, pas particulièrement. Mais il est vrai qu’elles sont assez à la mode en ce moment. En effet, pour découvrir et caractériser une planète tellurique dans la zone habitable de son étoile, il est beaucoup plus facile de le faire autour d’une petite étoile. Et les naines rouges sont deux à dix fois plus petites que notre Soleil. Elles sont aussi plus froides -c’est pourquoi elles émettent dans le rouge-. D’autre part, il faut savoir que 80% des étoiles de notre Galaxie sont des naines rouges. Et il se trouve aussi que les étoiles qui sont les plus proches de notre soleil sont des naines rouges. De fait, après avoir fait beaucoup de recherches autour d’étoiles ressemblant à notre Soleil -et cela continue-, de nouveaux instruments ont été construits afin de mieux observer les naines rouges et déterminer si des planètes orbitent autour d’elles.
On dit que cette dernière exoplanète découverte à l’Observatoire de Haute-Provence -dont le nom est G1411b- mais appelée aussi « Lalande » est l’une des 3 plus proches de notre système solaire. Mais à quelle distance ?
Cette exoplanète aussi appelée Lalande 21185, est située dans la constellation de la Grande Ourse. En fait que ce soit Lalande ou Gliese (Gl), elles portent les noms
des astronomes qui les ont compilées. Dans ce cas précis, c’est juste que certaines étoiles peuvent avoir été consignées dans plusieurs catalogues, héritant ainsi de plusieurs noms. Cette étoile est à 8 années-lumière de nous. Et la planète que nous venons de détecter tourne autour de cette étoile en 13 jours. En comparaison avec notre système solaire, elle est cinq fois plus proche de son étoile que Mercure du Soleil. Néanmoins, comme l’étoile naine rouge, Gl411, est beaucoup plus froide que le soleil, il ne fait pas si chaud sur cette planète….
Quelles différences majeures entre cette nouvelle «élue» et Proxima Centauri b? Quelle est sa taille ? La chaleur qu’elle reçoit de son étoile est-elle comparable à notre énergie solaire…?
Gl411b reçoit plus d’énergie par son étoile à sa surface que la Terre du Soleil. Elle est à une distance ressemblant plutôt à celle de Vénus. Proxima b est, elle, complètement dans la zone habitable. Cette dénomination correspond aux distances à l’intérieur desquelles on considère que l’insolation reçue par la planète permet de conserver de l’eau liquide à la surface. Ce calcul ne s’appuie alors que sur le type d’étoile autour de laquelle la planète orbite et, en considérant qu’une partie de cette lumière doit être réfléchie comme on l’observe sur la Terre ou Vénus. Néanmoins, nous n’avons alors aucune idée de la composition atmosphérique et cela change grandement les conditions. Pour continuer la comparaison, la masse minimale de Gl411b est de 3 fois la masse de la Terre tandis que Proxima b est, à priori, moins massive, 1,3 fois la masse de la Terre. En revanche, on ne connaît les rayons d’aucune de ces deux planètes, car aucune n’est connue en transit.
Quel rôle tient en Europe l’Observatoire de Haute-Provence ? Sa situation pour les astronomes -ciel dégagé- et le climat de la Région sont-ils des atouts supplémentaires?
Le site de l’Observatoire de Haute-Provence a été choisi parce que la qualité du ciel de Forcalquier est excellente. Il a été fondé en 1937 dans le contexte de la redynamisation de l’astronomie française et une année après la création du CNRS. Le lieu a été un grand centre de recherche européen. Maintenant, seul le télescope de 1.93 m est un instrument national (comme le télescope de 2 m à l’Observatoire du Pic du Midi). Et si les astronomes européens profitent des conditions d’observation du ciel de l’hémisphère sud dans le désert du Chili grâce à l’Observatoire Européen Austral (ESO), sur le sol européen, l’OHP (l’Observatoire de Haute Provence) reste un des seuls observatoires importants avec les télescopes sur les îles Canaries. D’autres recherches remarquables ont aussi lieu sur le site : centre important de l’observation des composants de l’atmosphère, et écologie avec l’étude de la forêt de chêne. Autre atout de ce site d’observation du ciel nocturne est d’être accessible à tous grâce au Centre d’Astronomie au village qui est ouvert au grand public. Il est à noter que récemment l’État a pris un arrêté afin de limiter la pollution lumineuse sur tout le territoire et tout particulièrement autour de l’OHP. Si chacun fait attention à ce que ce que la loi soit respectée, les nuits vont être encore plus belles ! Le télescope de 1.93m avec le spectrographe « Sophie » a encore de beaux jours devant lui. Cet instrument est en effet d’envergure mondiale grâce à la précision avec laquelle il mesure la vitesse des étoiles, et permet donc de caractériser les exoplanètes. La découverte de Gl411b en est un bel exemple. De plus, « Sophie « et le télescope de l’OHP seront un des nombreux instruments nécessaires pour faire le suivi de la mission « Plato » de l’agence spatiale européenne qui doit être lancée en 2026. Cette mission a pour objectif de chercher des planètes en transit similaires à la Terre, cette fois autour d’étoiles ressemblant à notre Soleil.
Propos recueillis par Christine LETELLIER
Parcours « Découverte » pour le grand public et les scolaires Durant l’été le site est ouvert trois demi-journées par semaine avec à la clé différentes activités qui vont de la visite du fameux télescope de 1,93 mètres de diamètre qui a permis de découvrir en 1995 la première planète (l’exoplanète 51 Peg) en dehors de notre système solaire. C’est aussi le seul télescope en activité en France à être visitable. En astronomie, l’OHP est reconnu pour son excellence dans la recherche des exoplanètes, dont la première a été découverte en 1995 avec le fameux télescope équipé à l’époque avec le spectrographe Élodie. Doté ces dernières années d’un spectrographe innovant « Sophie » il a recensé déjà plus de 200 exoplanètes et surtout la dernière évoquée par l’équipe d’Isabelle Boisse. En Écologie, un observatoire de la forêt de chênes pubescents étudie l’évolution de la biodiversité soumise aux changements climatiques. L’OHP est doté d’une station d’observation en Physique de l’Atmosphère, qui appartient à un important réseau international pour l’étude de la couche d’ozone, dont il a été le précurseur mondial. Le site participe également au bilan carbone de la planète avec la Tour ICOS haute de 100 mètres, et permettra de mesurer ainsi l’impact des gaz à effet de serre sur le climat. Très actif au niveau de la formation et de la diffusion des connaissances, l’Observatoire accueille toute l’année des étudiants de l’enseignement supérieur, des scolaires et le grand public. Pour les visiteurs, a été notamment créé un parcours pédestre sur un sentier écologique ponctué d’expériences. Et d’une façon générale, l’été est propice aux conférences, aux expositions, etc.. Quelles tutelles ? L’Observatoire de Haute-Provence fait partie de l’Observatoire des Sciences de l’Univers (OSU) « Institut Pythéas ». Il est rattaché au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), à l’AMU (Aix-Marseille Université) et à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement). Quelques chiffres pour l’OHP : -Environ 700 étudiants par an -Environ 7 500 visiteurs dont : 2 200 scolaires et 5 300 visiteurs du grand public (dont 2 500 environ durant l’été) -L’Observatoire de Haute-Provence est situé dans le Sud-Est de la France, près du village de St.Michel l’Observatoire, à une centaine de kilomètres au Nord de Marseille, sur un plateau calcaire boisé de chênes dont l’altitude moyenne est de 650 mètres.Tél : 04 92 70 65 40. Plus d’info: http://www.obs-hp.fr/visites/index.shtml |