Publié le 20 février 2024 à 14h56 - Dernière mise à jour le 21 février 2024 à 20h42
C’est une quête et un pèlerinage sur les traces de Missak et Mélinée Manouchian. Leur petite-nièce, Katia Guiragossian, les fait revivre à travers l’écran. Elle retrace subtilement le parcours d’un couple exceptionnel, sans hagiographie. Héros de la résistance, Missak et Mélinée entrent au Panthéon ce mercredi 21 février 2024.
« L’Affiche rouge », un devoir de mémoire
On connaît Missak Manouchian à travers la tristement célèbre « Affiche rouge » placardée à 15 000 exemplaires notamment dans le métro parisien en février et mars 1944. Rouge pour forcer le trait sur cette armée du crime. Une affiche de propagande avec 10 portraits, soigneusement choisis, au sein des immigrés. Elle vise à présenter les libérateurs emmenés par Manouchian comme une bande de criminels étrangers, ennemis de la France. 22 seront exécutés le 21 février 1944.
Deux survivants du génocide arménien
Missak et Mélinée sont deux survivants du génocide arménien, devenus militants communistes puis des figures de premier plan de la Résistance intérieure française, FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans -Main d’œuvre immigrée). Katia Guiragossian a voulu « les rendre vivants pour que leur histoire rentre dans le cœur de chacun d’entre nous. Que leur combat pour la liberté ne s’efface jamais de notre mémoire collective. Mélinée a dédié sa vie à Missak et au combattant ». La réalisatrice a réalisé ce film en entrant par la porte de l’intime, avec des documents, des lettres, des messages, ces journées passées avec Mélinée, pour raconter la grande histoire. « On a besoin de se retrouver autour de figures emblématiques aussi belles, fortes et droites que l’ont été Missak et Mélinée. cela a été un travail de mémoire incessant », confie la réalisatrice. Pour elle, il y aura un moment très important au Mont Valérien. Comme un symbole, Missak va retourner sur ces lieux, là où il a été abattu. Son corps va passer la nuit dans la crypte avant d’entrer au panthéon. « Il a gagné, il a gagné », indique sobrement Katia.
« On est encore inspirés »
« 80 ans après, Missak nous inspire encore », explique Hasmik Manouchian, la petite-nièce de Missak. « J’ai beaucoup de respect pour cet homme qui est mort plus jeune que je ne le suis et qui a fait tant de chose en l’espace de quelques années ». Avec ce film tout se bouscule, c’est confus dans la tête d’Hasmik : « C’est très émouvant, cela fait quelques semaines que je vis dans les années 40. Pour moi, c’est différent d’une histoire d’amour ou de résistance. On a un regard particulier, c’est une histoire familiale qui ressurgit ».
Naturalisation refusée
Par deux fois Missak Manouchian a demandé sa naturalisation. Refusée ! L’histoire ne dit pas si ce passeport français l’aurait sauvé au regard des actions menées contre les nazis. En revanche il n’aurait jamais été sur « l’Affiche rouge » au titre d’ennemi de la France. A un policier qui l’interrogeait avant son exécution il aurait indiqué qu’il n’avait pas hérité de la nationalité française comme son bourreau, mais que lui, il l’aurait méritée.
Hommage aux Étrangers
Missak Manouchian faisait partie de ces immigrés capables de crier vive la France, les yeux grands ouverts, avant de tomber. Lors de son entrée au Panthéon avec sa femme, le président de la République saluera, dans un vibrant hommage, le sacrifice de ces Étrangers qui ont combattu pour sauver la France du nazisme, combattu pour la liberté. Mais on ne pourra pas s’empêcher d’être troublés entre cet hommage aux immigrés qui ont défendu, au prix de leur vie, les symboles de la République et des lois de plus en plus restrictives à l’égard des Étrangers.
Lettre touchante
Avant d’être exécuté Missak adressera cette lettre à sa femme qui ne la recevra que plusieurs mois plus tard. « Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée, dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps. Je m’étais engagé dans l’Armée de la Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense… »
La lettre est signée Manouchian Michel, comme un pied de nez à cette naturalisation qu’il n’a pas obtenue.
Reportage Joël BARCY
« Missak et Mélinée Manouchian », diffusion ce jeudi 22 février sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’azur à 22h40.