L’Atelier de la langue française est un lieu dédié à la parole. Un lieu d’échanges, de rencontres où sont reçus de grands intellectuels, artistes et écrivains français. Alexandre Lacroix par exemple y viendra parler de philosophie le 28 mars prochain de 18 heures à 20h30. Pour l’heure c’était l’Aixois Bruno Raffaelli qui était convié à venir lire un texte autour de Sade.
« L’Atelier de la langue française c’est une histoire d’amitié et de confiance. Nous avons commencé, nous n’étions rien », raconte Hugo Pinatel qui dirige depuis sa création la programmation culturelle qui ajoute: « Mais certains nous ont accordé d’emblée leur confiance.» Bruno Raffaelli, de la Comédie-Française, ancré sur le territoire aixois, fut un de ceux-là, et a porté la création de « 50 nuances de Sade» «lors d’une lecture incarnée, lumineuse.» Ce texte écrit par Hugo Pinatel, d’une grande érudition et très précis, a donc été repris 10 ans après en une lecture vivante pour deux soirs dans un Atelier de la langue française archicomble.
La voix est précise, faisant comme toutes les grandes interprétations respirer les silences, avec humilité, talent. Bruno Raffaelli ne semble pas lire mais jouer tout entier au service du texte et entièrement tourné vers le public. Il faut dire que Hugo Pinatel a bâti autour de Sade et de son œuvre un texte véritablement virtuose qui fait le point sur une vie et un contenu littéraire d’une grande richesse.
La vision de Roland Barthes
« J’ai écrit « 50 nuances de Sade » en lisant les textes de l’écrivain et en découvrant ce qu’on a écrit sur lui », explique Hugo Pinatel. « Durant ce travail je suis tombé sur un texte de Barthes intitulé « Sade, Fourier, Loyola » qui se présente comme une analyse générale de l’œuvre de Sade ». Ce que l’on découvre ici, que Hugo Pinatel a mis en évidence, « c’est combien le mode sadien repose sur la maîtrise de la parole qui différencie les bourreaux des victimes. Pour Barthes, Sade exprime la volonté de ne céder au monde aucun ineffable, ce qui veut dire que la littérature a le droit de tout dire et ne pas le faire en termes moraux. Reprocher à Sade ce qu’il écrit, c’est comme reprocher à Nabokov d’avoir écrit « Lolita » », tient à dire Hugo Pinatel.
Et avec souvent beaucoup d’humour comme lorsqu’il cite cet oxymore sadien : « C’est le cul le plus blanc et l’âme la plus noire » Bruno Raffaelli exprime ici l’idée que le seul monde sadien c’est l’univers du discours. « Sade au final est un réfractaire qui ne renonce pas à sa liberté, c’est un homme pudique. Sade n’excite pas il délire ». Un Bruno Raffaelli maître artificier de la parole de Sade que l’on retrouvera sur France 2 les 4 et 11 mars prochains dans « La peste » de Camus réalisée par Antoine Garceau et tournée en partie à Aix. L’acteur y joue le maire de la ville. Ajoutons que Bruno Raffaelli sera à l’affiche de la prochaine production du Comte de Monte Cristo. Il y incarne l’armateur monsieur Morel. Comme quoi avec lui le talent comme le facteur du roman sonne toujours plusieurs fois.
Jean-Rémi BARLAND