Publié le 16 mars 2019 à 15h19 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h47
Jean-François Vinciguerra est-il un grand malade ? La question mérite d’être posée après avoir vu, et entendu, «Le Petit Faust» d’Hervé qu’il met en scène à l’Odéon de Marseille. Deux heures et des poussières d’un spectacle ébouriffant et ébouriffé dont on sort avec des crampes dans le ventre d’avoir trop ri, fou rire et rire aux larmes. Alors, si Jean-François Vinciguerra est malade, qu’il le reste ! Et pour longtemps. Pour toute médecine il se contentera d’enfiler le tutu de Larina Filipievna, la première ballerine du Théâtre Impérial de Manitogorsk et livrera, avec une lourde grâce et une élégance épaisse bienvenues, entrechats et pas chassés ; avant de redevenir Valentin, le frère de Marguerite, et d’agoniser, pour notre plus grand bonheur «Ainsi que tout commence, il faut que tout finisse… / Je m’en vais retrouver monsieur de la Palisse.», percé par la dague de Faust. Ce dernier, au demeurant, ne percera pas grand chose d’autre puisqu’il sera devancé, dans son lit nuptial où s’ébat sa fleur promise, par toute une joyeuse troupe de soldats, ecclésiastiques et autres pages ; sacrée Marguerite ! Et ce avant que le spectre de Valentin, une tête dans une soupière, ne vienne transporter son petit monde aux enfers… Entre les lignes de sa partition, avec cette parodie, Hervé porte quelques coups de griffes au «Faust» de Gounod, tout en réjouissant son public. Il use avec talent de toutes les ficelles de l’opéra-bouffe et le public ne s’y trompera pas qui réservera un grand succès à cette pièce grivoise et réjouissante. En programmant ce «Petit Faust» d’Hervé en regard du «Faust » de Gounod donné à l’Opéra il y a quelques jours, Maurice Xiberras, le directeur général des établissements lyriques, a remarquablement réussi son coup. Mais nul besoin, qu’on se rassure, d’avoir vu le «grand» Faust ou d’avoir lu Goethe pour venir se délecter du «Petit Faust». On comprend tout ! Il faut dire que le casting, réuni sur le plateau, pour cette production est remarquable et met un point d’honneur à pratiquer la langue française, mâtinée, pour quelques un(e)s d’accents teutoniques, de façon audible et compréhensive ; histoire que le public jouisse pleinement d’un texte souvent désopilant. Si elle a la cuisse légère, la Marguerite de Cécile Galois n’est pas en manque de personnalité avec une voix qui porte, droite et sans faille. Le Faust de Jacques Lemaire est impayable, d’un comique irrésistible avec ce timbre si particulier, mais toujours juste et ici bienvenu, qui seyait aux comiques troupiers. On se laisserait bien damner, il faut l’avouer, par le Méphistophélès de Karine Godefroy, voix souple et veloutée, tout comme on irait volontiers donner quelques cours d’anatomie au quatuor de charme composé de Carole Clin, Priscilla Beyrand, Lovénah L’Huillier et Périne Cabassud, saintes-nitouches aux belles lignes… De chant ! Le Siébel travesti d’Yvan Rebeyrol est d’anthologie et Dominique Desmond, qu’il soit pion ou cocher, est égal à lui même, c’est à dire excellent. Un mot, une fois de plus, pour saluer la performance des membres du Chœur Phocéen, filles et garçons qui, outre leurs qualités vocales, sont mis, avec bonheur, à contribution dans une mise en scène échevelée. Pour terminer, grâce soit rendue à Bruno Membrey qui profite des qualités de l’orchestre maison pour mettre en valeur la musique d’Hervé qui, à de multiples reprises, ne manque pas d’intérêt. Ceci dit, et écrit, il ne vous reste plus qu’une chose à faire : prendre vos jambes à vos cous et vous rendre ce dimanche en haut de la Canebière, à l’Odéon (14h30) pour assister à l’ultime représentation du «Petit Faust». Il y a encore des places à la vente !
Michel EGEA