Le baromètre du Conseil régional de l’ordre des experts-comptables (Croec) Provence-Alpes-Côte d’Azur, présenté par son président, Nicolas Férand, montre que malgré un 4e trimestre en baisse (0,9%), le chiffre d’affaires des TPE-PME de la Région enregistre une hausse de 2,2% sur l’année écoulée.
La région se positionne au 13e rang du classement national avec un résultat légèrement inférieur (-0,9%) au niveau de la moyenne française. Nicolas Férand, précise immédiatement : « Cette baisse fait suite à 11 trimestres consécutifs de hausse ». Alors, pour lui : « Si la hausse du chiffre d’affaires est honorable la baisse du 4e trimestre invite à la prudence pour 2024 et demande de la clairvoyance aux chefs d’entreprises et à leurs conseils ». Et, dans le contexte actuel il importe à ses yeux « de mobiliser les créances pour consolider la trésorerie des entreprises ». Il explique : « On voit les délais de paiement augmenter. On passe de 30 jours à 45, 50. Il s’agit là sans doute d’un phénomène de protection mais, de ce fait, les entreprises ont besoin de plus d’énergie pour recouvrer leurs créances et les TPE ne sont pas équipées pour cela ». Face à cela il préconise « de faire appel à de l’affacturage. Solution de financement qui permet aux entreprises de bénéficier d’un paiement anticipé de leurs créances avant la date de l’échéance. Un système qui permet de gérer l’ensemble des contrats voire seulement certains.»
Une fois cette proposition avancée Nicolas Férand revient sur l’année 2023 et le 4e trimestre. Il signale que les départements de Provence-Alpes-Côte d’Azur, à l’exception des Hautes-Alpes, voient leur activité ralentir par rapport au 4e trimestre 2022. Les entreprises des Hautes-Alpes affichent une croissance de leur chiffre d’affaires de +1,3% en valeur. A l’inverse, celles des Bouches-du-Rhône (-0,5%) et des Alpes-Maritimes (-0,8%) voient leur activité légèrement diminuer. Les structures du Vaucluse (-1%), du Var (-1,8%), et des Alpes-Maritimes affichent des performances inférieures à la moyenne régionale (-0,9%).
Un bilan touristique positif, proche des niveaux d’avant Covid
Les structures de l’hébergement et de la restauration ont enregistré une hausse de leur activité de 4,2% en 2023. Cette croissance s’explique grâce au bilan touristique positif de l’année, lié au retour des clientèles européenne et internationale. Cette tendance s’est confirmée au niveau national, puisque d’après une note d’Atout France, les recettes du tourisme international ont atteint près de 59 milliards d’euros, soit +12% par rapport à 2019. Le retour de la clientèle européenne mais aussi la forte croissance des clientèles d’Amérique du Nord, le retour des marchés asiatiques justifie ce résultat. Il note aussi l’impact positif de la Coupe du monde de rugby . « On aurait pu attendre plus pour cet événement mais l’échec de la France a refroidi les envies de se retrouver au café où chez soi ce qui a eu un impact négatif sur la consommation ».
Une année marquée par l’inflation
« Cette année, annonce Nicolas Férand, est marquée par l’inflation. Elle a progressé significativement depuis la fin 2021.» Et d’après les résultats de l’Insee,« les prix à la consommation ont augmenté de 3,7% entre décembre 2022 et décembre 2023». En moyenne annuelle l’Insee indique « un taux d’inflation de 4,9%en 2023 après +5,2 en 2022. Les prix de l’énergie ont augmenté moins rapidement qu’en 2022 tandis que la hausse s’est accélérée dans l’alimentation et plus modérément pour les produits manufacturés. Elle est restée stable dans les services.»
Une année difficile pour le logement neuf
Si la construction affiche une hausse de chiffre d’affaires de 3% en 2023, ce n’est que lié à l’effet prix. La Fédération française du Bâtiment révèle que l’activité du logement neuf est proche de son niveau historique le plus bas : -7,8% sur un an. Au 4e trimestre, la hausse des prix ne compense plus la baisse d’activité du secteur de la construction. Celui-ci affiche une baisse de 0,9%. En cumulé sur l’année, les entreprises régionales de maçonnerie affichent, quant à elles, une hausse de 2,5%. La montée des prix porte cette croissance en valeur mais l’activité continue de se réduire.
Les TPE-PME du secteur sont les premières touchées par l’écroulement du segment du résidentiel neuf selon la Capeb (artisanat du BTP). «On note toutefois de la résistance du côté de la production en non résidentiel neuf avec une hausse de 0,4% tandis que l’entretien-amélioration ressort en hausse de 2,6% en 2023. »La Capeb évoque une activité en légère baisse (-0,6%), plombée par le résidentiel neuf mais soutenue par les travaux d’amélioration-entretien. Nicolas Férand considère que «l’augmentation des prix, les taux jugés trop chers ne suffisent pas à expliquer cette situation. Il faut voir que nous revenons à des chiffres standards. Après force est de constater que sur le neuf la situation ne va pas s’arranger puis qu’il est de plus en plus difficile d’avoir un permis dans notre région ».
Les consommateurs contraintes de faire des arbitrages
Avec la hausse des prix, les consommateurs ont nécessairement adapté leurs habitudes de consommation ou réalisé des arbitrages quant à leurs dépenses. Les TPE-PME des transports de fret de proximité ont ressenti les effets de l’inflation sur leur activité. La baisse de consommation des ménages a pesé sur la demande de transport de marchandises. À cela, s’est ajouté le prix élevé des carburants qui a impacté les marges et la trésorerie des entreprises du secteur. Au 4e trimestre, les entreprises régionales des transports de fret de proximité affiche un troisième trimestre de baisse de leur chiffre d’affaires de 1,7% et une diminution de 0,9% sur toute l’année écoulée.
Le secteur de la restauration dans la région, qui n’a pas échappé à l’augmentation des prix, a constaté également une baisse de son activité de 1,9% en valeur au 4e trimestre 2023 par rapport au 4e trimestre 2022. «Les clients ont pu être découragés par cette hausse, et remettre à plus tard leurs sorties au restaurant. Néanmoins, malgré une activité en repli au 4e trimestre (-1,3%), les restaurants traditionnels de la région enregistrent une hausse de leur chiffre d’affaires sur l’année de 3,5%.»
Si l’activité des entreprises de coiffure reste en hausse de 1,7% (en valeur) en moyenne sur l’année, elle a été particulièrement impactée par le changement des habitudes de consommation. Dans un contexte inflationniste nécessitant des arbitrages budgétaires, mais également depuis le Covid, avec l’essor du télétravail les clients tendent à espacer les visites et à réduire les dépenses. Par ailleurs, «le contexte concurrentiel s’intensifie avec un développement des réseaux d’enseigne d’un côté, celui de la coiffure à domicile de l’autre, et au milieu les salons indépendants qui peinent à tirer leur épingle du jeu.»
2024 : des chefs d’entreprises pas spécialement inquiets
Concernant 2024, Nicolas Férand constate: « Les chefs d’entreprises ne sont pas spécialement inquiets car ils ont maintenant une carapace, ils se sont adaptés au changement et je pense que les années 2024 et 2025 vont ressembler à 2023 avant que nous sortions pleinement de la turbulence Covid.» Il en vient aux JOP 2024 : « Cela va mettre notre pays sous les projecteurs avec tous les effets positifs que l’on peut en attendre mais ces projecteurs sont aussi une menace avec les risques que cela fait planer en termes de menaces de cyberattaques. Il importe de bien se préparer pour y faire face et après croisons les doigts pour que nos athlètes brillent car cela crée de l’engouement.»
Michel CAIRE