C’est dans le cadre d’une politique de référé que la Carsat a poursuivi l’Entraide sur le dossier du Roy d’Espagne. Elle demande au tribunal « de respecter son obligation contractuelle de ne pas céder sous quelque forme que ce soit la résidence Roy d’Espagne pendant la durée des conventions qui la lient à la Carsat ».
Un argument que plaideront tour à Me Arthur Bœuf et le Bâtonnier Marc Bollet ce qui poussera Me Jean-Claude Bensa, avocat de l’Entraide de lancer : «La position de la Carsat ne doit pas être si solide pour envoyer face à mon humble personne deux éminents confrères » avant de demander «à ce tribunal de l’évidence d’appliquer le contrat ». Il rappelle également que dans ce dossier ce qui est en jeu c’est « le risque de voir l’Entraide fermer cela conduirait à mettre à la rue les 841 personnes actuellement accueillies dans les établissements et mettre au chômage 720 personnes.»
Me Arthur Bœuf rappelle que la Carsat Sud-Est est un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public qui intervient dans les régions Paca et Corse. Il précise qu’elle apporte notamment son concours financier, « par des prêts à taux zéro ou des subventions », en direction de projets visant notamment à améliorer la vie sociale et le cadre de vie des personnes retraitées autonomes dans les lieux de vie collectifs. « C’est dans ce cadre que depuis 2015 elle apporte son concours financier à l’Entraide pour plus de 1,3 million d’euros », précise-t-il avant d’ajouter : « Cet argent public doit servir au service du public. Or l’Entraide, dans la convention qu’elle a signée s’engage à ne pas vendre pendant toute sa durée. Car l’objectif de la Carsat est de financer des travaux pour le bien-être des usagers, pas pour céder à un promoteur. Et l’Entraide ne conteste pas avoir violé cet engagement à ne pas vendre ».
Le bâtonnier Marc Bollet souligne: «La partie adverse avance le risque de fermeture de l’Entraide». Il entend relativiser en indiquant : « Mais elle n’a rien dit sur ce risque pendant plusieurs semaines ». Et d’insister : « Nous avons un organisme, la Carsat, qui gère dans des conditions précises. Nous prenons toutes les précautions avec notre argent et cette interdiction de cession s’inscrit dans ce cadre. Dans ce dossier j’ai écrit trois fois à l’Entraide pour trouver une solution, sans réponse ». Puis aborde un autre point celui où la Carsat accuse l’Entraide d’avoir signé une promesse de vente avec la Sifer, alors que le document a été signé avec la SCI Gestimur. Le bâtonnier Bollet ne considère pas cela comme un problème « puisqu’il s’agit d’une filiale de Sifer ». Il insiste encore sur le fait que l’Entraide n’a pas le droit de vendre pendant la durée des conventions qui la lient à la Carsat. Carsat qui demande au tribunal d’enjoindre à l’Entraide de dénoncer le compromis de vente portant sur le Roy d’Espagne ; assortir cette injonction d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision ; interdire à l’Entraide de signer tout acte authentique de vente portant sur la résidence Roy d’Espagne…
Il n’est nulle part écrit dans les contrats que la Carsat peut demander l’interdiction d’une vente
Me Bensa ne nie pas que l’Entraide s’est effectivement engagée à ne pas vendre et qu’après des épisodes tels que le Covid elle a été contrainte de signer une promesse de vente récupérant ainsi une somme qui lui a permis de sauver la structure. Mais, signale-t-il: «Nous sommes devant le tribunal de l’évidence et l’évidence veut que l’on respecte la convention signée entre les deux parties ». Convention selon laquelle « les parties conviennent de rechercher une solution amiable à tout différend qui pourrait survenir dans le cadre de la présente convention. Or la Carsat s’est abstenue de toute médiation ou recherche de solution amiable, les lettres adressées n’étant que des mises en demeure ». Me Bensa demande donc sur ce point au tribunal de se reconnaître incompétent et de renvoyer la Carsat à saisir tout médiateur ou arbitre.
Et, il met surtout en exergue le fait que « nous sommes liés par des contrats de subventions ou de prêts. Et le contrat fait la loi des parties. Il prévoit effectivement de ne pas vendre et il prévoit les sanctions. La convention signée entre les deux parties stipule ainsi : « En cas de non-respect par le bénéficiaire desdits engagements la caisse pourra résilier la présente convention et ramener son aide au montant des sommes déjà versées sans autre formalité que l’envoi d’une notification par lettre recommandée. (…). Dans le cas ou une partie du prêt aurait été versée un nouvel échéancier de remboursement du prêt à hauteur des sommes perçues sera notifié au bénéficiaire ». Elle pourra également demander le remboursement des sommes versées. Il n’est nulle part écrit dans les contrats que la Carsat peut demander l’interdiction d’une vente. Une interdiction de vente qui conduirait, au nom d’une bonne gestion, à un dépôt de bilan.»
Une fois ceci posé Me Bensa rappelle que le Roy d’Espagne a toujours eu du mal à faire le plein « car, mal desservi en transport en commun il ne permet pas aux résidents de sortir autant qu’ils le voudraient ». Il ne manque pas de signaler l’impact tragique du Covid : « Cela a conduit la résidence qui devait avoir un taux de remplissage de 79 personnes pour être rentable à n’accueillir que 51 résidents et 5 aujourd’hui ». Il précise que «ce sont le commissaire aux comptes et le cabinet KPMG qui ont conclu qu’une vente s’imposait pour éviter un dépôt de bilan à l’Entraide». Il note par ailleurs : « C’est une somme totale de 763 923 euros au titre de prêt et subvention qui devait être débloquée par la Carsat pour l’exécution de travaux imposés (mise en conformité), le montant versé à ce jour s’élevant à 588 662 euros, soit un solde à débloquer au profit de l’Entraide, de 175 261 euros ». Sachant que les subventions et aides financières « ont permis de réaliser la totalité des travaux prévus ». Il signale enfin d’une part que l’Entraide est une association à but non lucratif et, d’autre part que, à la suite du Covid, 35 établissements pour seniors ont fermé dans le département.
Michel CAIRE