Publié le 31 mars 2024 à 22h04 - Dernière mise à jour le 2 avril 2024 à 8h00
La longue allée qui rejoint un lycée et un hypermarché porte désormais le nom de Mireille Knoll, assassinée à Paris par son jeune voisin, parce ce que juive. « Une promenade douce, comme était notre mère », diront ses fils. Cette plaque rend hommage à l’octogénaire en mentionnant ses nom, prénom et date de décès, mais sans autre explication, ce que regrette la famille.
Une cérémonie émouvante
Les deux fils de Mireille Knoll sont présents à cette cérémonie en hommage à leur mère, torturée, poignardée puis brûlée alors qu’elle avait encore un souffle de vie. « Les conditions dans lesquelles elle a péri sont abominables. Je n’ai même pas pu l’embrasser dans son cercueil », dira Allan Knoll. Mireille avait échappé à la rafle du Vel d’hiv mais elle n’a pas survécu aux mains de son bourreau. Un jeune islamiste à qui l’octogénaire ouvrait la porte de son petit appartement sans hésitation et qui l’a tuée pour voler l’argent qu’elle n’avait pas. Faute d’aveu, il l’a poignardée en criant « Allahu Akbar ». Il a été condamné à la perpétuité.
« C’est une victoire contre l’antisémitisme et le racisme »
« Chaque fois qu’une allée porte le nom de notre mère, c’est une victoire contre l’antisémitisme et le racisme », analyse Daniel Knoll. « Pour nous il est primordial qu’on se souvienne des victimes et qu’on oublie tous les assassins». la célèbre chanson « A Yiddish Mame » qui rend hommage à la mère juive, la mère-courage, a accompagné cette cérémonie au son déchirant des violons.
« Il y a le nom mais pas la raison de l’assassinat »
Les deux fils de Mireille sont heureux de voir une plaque avec le nom de leur mère mais ils regrettent sont dénuement. «Il y a le nom mais pas les raisons de l’assassinat », constate Allan Knoll. « Ça je le déplore parce que dans d’autres villes sur les plaques commémoratives nous avons pu préciser : assassinée, parce que juive, par un islamiste. Là les gens qui vont passer vont lire le nom mais sans connaître l’histoire ».
« Mireille ne se résume pas à l’assassinat »
La mairie justifie ce choix. « Mireille Knoll est connue malheureusement par son assassinat mais la réduire à cela ne correspond pas à l’hommage qu’on voulait lui rendre », explique Audrey Gatian, adjointe en charge de la politique de la Ville . « Ce n’est pas le terme islamiste qui pose problème. Elle a eu un parcours de vie et on ne voulait pas la réduire à cet assassinat. On aura sur cette allée une plaque avec un texte sur sa vie et sur sa mort où on mentionnera que cet assassinat a été barbare avec un caractère antisémite ».
Défendre la République
Après avoir rappelé l’augmentation des actes antisémites à la suite du 7 octobre 2023, Anne-Marie d’Estienne d’Orves, maire des 9e et 10e arrondissements de Marseille citera Robert Badinter : « Au soir de ma vie, je retrouve, hurlés par des fanatiques, les mêmes mots que je voyais, enfant, inscrits à la craie sur les murs de mon lycée parisien, avant la guerre. » Pour la maire de secteur, le combat contre l’antisémitisme doit être une priorité « car celui-ci n’est pas le problème seulement des juifs, n’est pas l’affaire de quelques-uns mais bien notre combat à tous parce que c’est un combat pour défendre la République».
Mises en garde
Politiques et famille ont multiplié les mises en garde lors de leurs interventions. « Prêtre, enseignants, journalistes, militaires musulmans, des dizaines jeunes dans un concert et bien sûr des juifs, tous assassinés… Mais dans quel pays vivons-nous ? Est-ce bien la France ?» s’interroge Daniel Knoll lors de l’hommage à sa mère. Le député (Renaissance) des Bouches-du-Rhône Lionel Royer-Perreaut dénonce ce terreau de haine qui gangrène nos institutions : « Voir que nous ayons au Parlement des partis politiques qui assument publiquement cette haine du juif c’est sortir du champ des valeurs républicaines ». « Nous sommes aimants, nous sommes tolérants, mais la tolérance ne peut être la faiblesse. Si nous n’agissons pas avec vigueur nous ne verrons peut-être pas l’avenir », ajoute Allan Knoll.
« Que son nom rayonne »
L’association Mireille Knoll espère pouvoir donner le nom de l’octogénaire dans plusieurs villes et établissements scolaires en France. « C’est important que son nom résonne dans la deuxième ville de France et que son nom rayonne pour faire vivre sa mémoire et lutter contre toutes les haines également », mentionne Mickaël Szeman, membre de l’association Mireille Knoll. « On espère qu’avec l’aide la mairie de Marseille cette cérémonie créera des vocations et qu’on puisse avoir d’autres lieux dans la ville ».
Allan Knoll conclut la cérémonie avec un hommage. « Ma mère ne faisait aucune distinction entre les gens et les recevait avec plaisir. Qu’elle ait son nom dans une allée passante ça lui fait certainement très plaisir ».
Reportage Joël BARCY