CCI Marseille-Provence. Grand débat national: des entrepreneurs qui entendent indéniablement être « Tous Acteurs »

Publié le 9 avril 2019 à  9h59 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  23h38

1 000 contributions et 20 propositions prioritaires présentées le 3 avril dernier au Palais de la Bourse : « Tous Acteurs », la démarche de consultation lancée par la CCI Marseille-Provence dans le cadre du Grand débat national auprès des entrepreneurs du territoire, a porté ses fruits. Mais il importe maintenant d’enclencher la seconde et de faire en sorte que cela ne reste pas lettre morte. A la faveur de futures réunions en préfecture, comme l’a proposé Pierre Dartout ?

Alain Dousse, Ely de Travieso et Jean-Luc Chauvin sont revenus sur les propositions des entreprises ayant participé à Tous Acteurs, en présence de Pierre Dartout (Photo Robert Poulain)
Alain Dousse, Ely de Travieso et Jean-Luc Chauvin sont revenus sur les propositions des entreprises ayant participé à Tous Acteurs, en présence de Pierre Dartout (Photo Robert Poulain)

L’élément principal qui marquera les esprits, à la suite de la restitution, le 3 avril dernier, des échanges émanant des 25 réunions de concertation organisées dans le cadre de Tous Acteurs, c’est le grand désir de l’être, justement. Acteur, non pas passif ou suivant simplement le fil des mouvements inspirés par l’équipe gouvernementale. Sans conteste, les près de 710 entreprises participantes de cette consultation et les représentants des principales organisations économiques et patronales ont à cœur cette volonté d’être force de proposition, de marquer le territoire de leur empreinte et d’être autonome. Voilà le premier enseignement à tirer des quelque 1 000 contributions recueillies ce mois dernier, un chiffre qui montre à lui seul l’importance de la mobilisation. Mais pas seulement, explique le président de la CCIMP Jean-Luc Chauvin, revenant sur le mouvement des Gilets Jaunes. «Il n’est pas anodin. On le sait en croisant et en discutant avec nos collaborateurs, qui pour certains bouclent difficilement leur fin de mois. Et c’est la même chose pour les retraités, voire même les dirigeants de TPE, commerçants, artisans, qui prennent des risques, galèrent, parfois même renoncent à se verser un salaire. En filigrane, le sujet central, c’est celui de la valeur travail dans notre société. C’est un problème : si toute sa vie, on travaille sans parvenir à vivre décemment, alors il n’y a plus de raison de travailler ! Et c’est ainsi que l’on met notre société en danger, un danger de cohésion sociale. C’est probablement pour cette raison que quatre mois plus tard, on a toujours du monde dans les rues ». Mouvements qui de fait, se répercutent sur l’activité des commerces de centre-ville, qui ont connu une baisse de 30 à 40% de leur chiffre d’affaires, précise le président, déplorant cette prise d’otage. «Il faut donc agir vite, d’autant que l’on est légitime à porter des solutions, tant au niveau du local que du national », conclut-il.

Une Assemblée nationale «peu enthousiaste»

Et agir, force est de constater que les instances patronales et économiques de Marseille Provence le font déjà, rappelle Ely de Travieso, 1er vice-président de la CPME 13. «Nous n’avons pas attendu l’État pour impulser des actions ! Telle celle orchestrée par notre vice-présidente artisanat Audrey Lucchinacci, qui a fait circuler un minibus avec les divers services de l’État dans les zones d’urgence. Soixante dossiers ont été traités.» Même élan dynamique chez Alain Dousse, président de l’UPE 13 sur Aubagne-Gémenos-La Ciotat, qui espère une «prise en compte en haut lieu du résultat de ces concertations». Mais ce dernier manie plutôt l’euphémisme… et ne se berce pas d’illusions : «Je suis très inquiet du manque d’assiduité à l’Assemblée nationale. La première phase de restitution n’y a pas soulevé l’enthousiasme !» C’est pourquoi le Président a pris les devants et opté pour des restitutions in situ, en dehors de l’Assemblée nationale, auprès des députés du territoire. «Au niveau de l’UPE 13, il y a eu des remontées pragmatiques. Il faut que l’on arrive à faire tourner un certain nombre de projets en local». Car lui aussi prône une prise en mains des rênes décisionnels par les acteurs économiques et notamment les instances patronales. En pointant du doigt cette nécessité de garder des corps intermédiaires, chambres, élus, syndicats : «Nous devons continuer à être des relais d’infos». Et de souhaiter que le Président de la République «ne continue pas à manager seul en direct 67 millions de râleurs».

Fiscalité : transparence, simplification et stabilité

Et quid du contenu de cette restitution, alors? On peut faire émerger plusieurs points. Tout d’abord, ce souhait de pouvoir être davantage à la manœuvre, qui transparaît dans plusieurs des 20 propositions prioritaires évoquées lors de la restitution du 3 avril. Et ce, quel que soit le thème (rappelons pour mémoire que le gouvernement en a fixé quatre, pour structurer ce débat national : transition écologique, organisation de l’État et des services publics, fiscalité, citoyenneté et démocratie). Mais pour Jean-Luc Chauvin, cela tombe sous le sens, puisque «l’entreprise est la première cellule sociale française». Voilà pourquoi les entrepreneurs réclament par exemple un «droit à innover» (et une capacité d’être soutenu financièrement pour cela), tant dans le domaine environnemental -Ely de Travieso reviendra notamment sur la nécessité pour les PME de développer une politique RSE, qui apparaît comme un enjeu»- que dans celui de la citoyenneté. Ils avancent également qu’ils ont leur mot à dire en termes de gestion publique : ils souhaiteraient en effet participer aux choix financiers stratégiques de la collectivité métropolitaine, en particulier pour l’utilisation de la ressource fiscale… D’aucuns évoquent aussi leur intention de gérer seuls leurs propres déchets. «Oui, mais alors, qu’on nous exempte de la taxe sur l’enlèvement des ordures ménagères», soulèvera dans la salle un participant à la restitution. Et justement, la fiscalité, c’est bel et bien ce qui a cristallisé le plus de propositions et de participations, de la part des entreprises. Lesquelles réclament, pour «retrouver confiance en l’impôt», davantage de simplification, de transparence, de stabilité. Entre autres propositions, renforcer la collecte et le fléchage des impôts payés par les entreprises, afin de savoir où va l’argent. Renforcer aussi le poids des préconisations de la cour des comptes, dont elles espèrent une action plus coercitive. Jean-Luc Chauvin reviendra également sur le souhait d’une fiscalité «moins punitive et plus incitative, pour encourager et non pas sanctionner». Le souhait de simplification se retrouve par ailleurs dans la thématique organisation de l’État et des services publics, avec un total plébiscite de la fusion Métropole-Département. En filigrane, la volonté «de réduire le mille feuilles administratif, de gagner en rythme et en efficience».

«Surmonter les contradictions», pour Pierre Dartout

Aux Côtés de Jean-Luc Chauvin, le préfet Pierre Dartout a pris bonne note des propositions du monde économique, il entend impliquer encore l’entreprise dans de futures séances de travail (Photo Robert Poulain)
Aux Côtés de Jean-Luc Chauvin, le préfet Pierre Dartout a pris bonne note des propositions du monde économique, il entend impliquer encore l’entreprise dans de futures séances de travail (Photo Robert Poulain)

Bref, un ensemble intéressant pour le préfet Pierre Dartout, présent dans la salle : «Nous allons nous nourrir de ce que vous apportez pour émettre des propositions. Car il faut toujours être à l’écoute des entreprises, et je suis à 150% d’accord pour les impliquer». Le préfet met néanmoins en garde contre ce qu’il appelle «les demandes contradictoires. Il faut qu’en toutes choses, il y ait une analyse, puis la recherche du bon équilibre». Et de prendre l’exemple de la fiscalité, élevée certes en France, mais pour la bonne cause, selon le représentant de l’État : «Notre pays a un certain nombre de dépenses, des services qui correspondent à des missions. Exemple avec l’enseignement supérieur, dont les coûts pour l’étudiant sont peu élevés, par rapport à ce qui est pratiqué dans d’autres pays. C’est un choix de société ! Nous considérons que l’accès à l’enseignement supérieur doit être assumé par l’État, non pas par les familles». Pierre Dartout évoquera aussi la question du train de vie de L’état, regrettant qu’«il n’y ait pas de document pédagogique pour expliquer ce qu’est son budget, quels sont ses principaux postes de dépense». Appuyant, pour sa défense, sur les efforts concédés dans certains domaines, comme «la diminution progressive du nombre de fonctionnaires, mouvement constant depuis 2008». Encore faut-il que ces suppressions ne se fassent pas au détriment de la qualité du service public, surtout dans certains domaines vitaux, tel que celui de la santé… mais c’est un autre débat, non abordé ce 3 avril. Enfin, il fait aussi amende honorable, notamment sur la question de la demande de stabilité sur la réglementation, et sur la simplification des procédures, «un long combat… mais on progresse !» Ainsi, même s’il n’est pas d’accord avec tout, Pierre Dartout reconnaît «la très grande qualité de ce qui a été rendu». Pour preuve, il se déclare preneur de nouvelles séances de travail, afin de revenir sur certains sujets évoqués lors de cette restitution.
Carole PAYRAU

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