Publié le 13 avril 2019 à 23h05 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 23h38
Mon inconnue de Hugo Gélin
Le Frank Capra de «La vie est belle» a désormais un successeur. Il est Français et s’appelle Hugo Gélin. Réalisateur de «Mon inconnue», il signe une comédie romantique à l’anglo-saxonne chargée d’émotion où le merveilleux côtoie le réalisme, où se mélangent ces deux composantes qui en général ne font pas bon ménage dans le cinéma français. Pas ici. Avec tact, intelligence, et un sens inné de l’écriture le réalisateur multiplie les angles d’accès aux deux personnages principaux que sont Raphaël (François Civil) et Olivia (Joséphine Japy). Du jour au lendemain le jeune homme se retrouve plongé dans un monde où il n’a jamais rencontré la femme de sa vie. Comment va-t-il reconquérir Olivia, qu’il aime sans aucune restriction ? C’est tout l’enjeu du scénario qui nous promène dans des mondes féériques et ordinaires, où Raphaël fera tout pour que son amoureuse d’antan ne soit plus son inconnue d’aujourd’hui. Sens du rythme, beauté de la photo, le film se déploie avec charme, grâce, efficacité. Et une grande importance accordée à la musique Olivia étant une pianiste aimant les chansons de Sylvie Vartan. Notons à ce sujet le clin d’œil à la virtuose Khatia Buniatishvili que l’on voit surgir quelques secondes dans une scène assez prenante. On entend aussi un air interprété par Sylvie Vartan justement. Bon choix s’il en est même si une autre de ses chansons aurait également tout à fait bien convenu, à savoir «L’amitié», écrite par le tandem Bourgeois et Rivière, les mêmes qui ont signé «Il suffirait de presque rien» chef-d’œuvre donné à Serge Reggiani. L’amitié en effet, un des thèmes centraux irriguant les films d’Hugo Gélin, -dont l’extraordinaire «Comme des frères»- et qui s’incarne, ici, en Benjamin Lavernhe, de la Comédie-Française, le copain-confident de Raphaël qui offre d’ailleurs une scène d’anthologie à mourir de rire. Ce même rire qui secoue le couple des amants hélas désunis par le mauvais sort dans un dîner au restaurant qui n’est pas sans rappeler celui de Michèle Morgan et Serge Reggiani dans «Le chat et la souris» de Claude Lelouch. On rit donc beaucoup dans «Mon inconnue». On est émus souvent, l’apport au scénario de la plume de David Foenkinos n’y est pas étranger. Et puis il y a les deux principaux comédiens : Délicieuse Joséphine Japy évoque dans ses courses au bord de l’eau la grande Anouk Aimée, mais tout au long du film on songe à Vivien Leigh, ou Anna Hataway, (excusez du peu) pour sa fraîcheur intelligente et sa beauté qui fait chavirer les cœurs. On comprend aisément donc que François Civil en pince pour elle. François Civil qui explose en cette année 2019 dans pas moins de trois films sortis (hasard du calendrier) presque coup sur coup. Venu présenter «Mon inconnue» en avant-première au cinéma Cézanne d’Aix-en-Provence en compagnie également de la comédienne Joséphine Japy, Hugo Gélin n’a pas tari d’éloges le concernant : « Je voulais, a-t-il expliqué en aparté, un acteur pour qui l’empathie est immédiate pour ne pas entamer le potentiel de sympathie du spectateur pendant le peu de temps du film où son personnage se comporte mal. François Civil s’est imposé comme cet acteur-là». Et ce dernier de préciser qu’il a bien sûr pris beaucoup de plaisir à tourner ce film et que Benjamin Lavernhe son ami à la scène comme à la ville l’a beaucoup amusé sur le tournage, et qu’il a adoré participer à des scènes de science fiction. «Gageons qu’avec de telles qualités votre « Inconnue » ne le restera pas longtemps lance un spectateur aixois subjugué d’ailleurs par le jeu exceptionnel de Joséphine Japy. Parions qu’il aura vu juste.
«Le chant du loup» d’Antonin Baudry
François Civil incarne un militaire à l’oreille aguerrie dans «Le chant du loup» le film d’Antonin Baudry où aux côtés de Reda Kateb, Mathieu Kassovitz, et Omar Sy, il est projeté dans une aventure militaro-policière du style «Octobre rouge». Il y incarne un jeune homme qui a le don rare de reconnaître chaque son qu’il entend. A bord d’un sous-marin nucléaire français, tout repose sur lui. Il est l’Oreille d’Or. Réputé infaillible, il commet pourtant une erreur qui met l’équipage en danger de mort. Il veut retrouver la confiance de ses camarades mais sa quête les entraîne dans une situation encore plus dramatique, puisque dans le monde de la dissuasion nucléaire et de la désinformation, ils se retrouvent tous pris au piège d’un engrenage incontrôlable. C’est assez efficace, et même si l’histoire d’amour y est ici totalement tartignole malgré la présence de la belle Julia Beer, on savoure ce thriller techniquement irréprochable et réalisé comme l’aurait monté un grand cinéaste anglo-saxon.
«Celle que vous croyez» de Safy Nebbou
Trois François Civil… sinon rien l’acteur est également à l’affiche du très beau «Celle que vous croyez» de Safy Nebou, partageant l’affiche avec Juliette Binoche (qu’il n’a pas eu le droit de rencontrer sur le plateau avant les scènes qu’ils tournèrent ensemble, et, ce pour des soucis de cohérence avec l’histoire) et avec Nicole Garcia, émouvante psy experte en l’art de la compassion. Pour épier son amant Ludo, Claire Millaud, 50 ans, (Juliette Binoche) crée un faux profil sur les réseaux sociaux et devient Clara une magnifique jeune femme de 24 ans. Alex, (François Civil), l’ami de Ludo, est immédiatement séduit. Claire, prisonnière de son avatar, tombe éperdument amoureuse de lui. Si tout se joue dans le virtuel, les sentiments sont bien réels. Une histoire vertigineuse où réalité et mensonge se confondent qui tirée d’un roman de Claire Laurens a séduit la réalisatrice lui rappelant immédiatement «Rashomon» d’Akira Kurosawa, où chacun, tour à tour, raconte sa version des faits. Un zeste du «Vertigo » d’Hitchcock, un brin des «Fausses confidences» de Marivaux, un peu des «Liaisons dangereuses» de Laclos, pas mal de Borges ou Pirandello, voilà un grand film absolument surprenant où Juliette Binoche et Nicole Garcia tirent les larmes, et où François Civil montre une fois de plus qu’il est un grand acteur. Et comme l’ont signalé des spectateurs présents au Cézanne « désormais incontournable, et qu’on aura plaisir à retrouver souvent ». Dont acte !
Jean-Rémi BARLAND
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