En l’emportant la semaine dernière face à Mont-de-Marsan (46-22) et en disposant facilement ce vendredi de Valence-Romans (43-8) tout en bénéficiant de la défaite de Béziers face à une formation grenobloise revenue du diable vauvert pour jouer l’accession, les Noirs se sont assurés l’une des deux premières places synonyme de demi-finale directe à l’issue de la phase régulière. Victoire d’un collectif, certes, mais aussi d’un coach, Mauricio Reggiardo, l’Argentin providentiel.
Souvenez-vous : il est arrivé comme le messie le 22 mars 2021 pour tenter d’éviter une chute des Noirs en National. Fabien Cibray, pourtant travailleur acharné, n’était pas parvenu à maintenir la tête hors de l’eau d’une équipe au sein de laquelle il ne faisait peut-être pas l’unanimité. Disponible, Mauricio Reggiardo était alors appelé au secours et réussissait la mission ! Une embellie pour lui, et une grosse épine retirée du pied de Denis Philipon, très généreux président du club, qui ambitionnait un destin aussi prospère pour son équipe de rugby que pour sa société voyageprivé.com. Beaucoup reprochaient à ce dernier, à l’époque, d’avoir évincé le Canadien Cudmore, pour des raisons jamais véritablement mises en avant, et d’avoir confié les rênes sportives de Provence Rugby au deuxième couteau de Jamie, Fabien Cibray, sur le papier moins expérimenté, mais qui avait de l’ambition et, il faut le reconnaître, une énorme capacité de travail ; le hic semblant être son relationnel avec certains joueurs et avec une partie de ceux qu’il était appelé à côtoyer, notamment les journalistes. Il restera en place jusqu’en mars 2021 où tout part en biberine : ambitions et investissements. Alors Zorro est arrivé ! Pas le Zorro avec sa cape et son grand chapeau… Son nom, il ne l’a pas signé du Z emblématique et du bout de l’épée mais tout simplement du R d’un Reggiardo manager écoutant et conseillant, en motivant et en étant bienveillant. Car à l’heure de sauver la peau des Noirs, l’emploi de la trique n’était pas adaptée. L’épopée aixoise de l’Argentin pouvait débuter…
L’homme est d’un abord sympathique, assez cool et souriant. Un plaisir, quoi, dans un monde de muscles ! Il est aussi un travailleur ambitieux et Denis Philipon lui propose alors plus qu’un one shot, plus qu’une aventure sans lendemain, un vrai challenge : arriver à l’étage où la montée en top 14 se dispute sur un ou deux matchs.
Reggiardo se sent bien en Provence : il fait chaud, à ses côtés sa famille est heureuse et il est plus agréable de relever le défi ici qu’ailleurs où le ciel est plus gris et où les moyens ne sont pas sûrs d’être mis en œuvre. Mais la route est longue et les objectifs ne s’atteignent pas d’un coup de baguette magique. Former, construire, solidifier : des mots comme un credo pour le manager général qui se voit aussi confier les clés d’un outil extraordinaire dédié à l’entraînement.
Une structure qu’il avoue être digne des plus grands clubs de rugby au monde. Alors il ne va pas gâcher. Conférence de presse après conférence de presse, pendant deux saisons, il va rabâcher le même discours : « Je travaille pour un projet, il faut laisser le temps aux choses de se faire ». Match après match, déceptions après satisfactions, satisfactions après déceptions, l’édifice se construit. Mauricio Reggiardo s’affirme sans faire de bruit, toujours souriant hors du groupe, peut-être un peu moins en interne, mais jamais adepte de la violence verbale. Il sait aussi mettre les points sur les « i » comme au lendemain de la déroute à Grenoble en janvier dernier ; pointer le mal pour le soigner. On lui impute beaucoup de choses, même cette saison. Des approximations dans le jeu, des défaites lorsqu’il y avait la place de gagner; certains vont même jusqu’à douter de ses capacités professionnelles. Mais lui, adepte du « bien faire et laisser braire », confiant en sa méthode, savait à ces moments là, qu’il poussait les pions dans la bonne direction.
Cette saison, Denis Philipon – qui cet hiver a prolongé son contrat, c’est dire si le Président est sûr du talent du manager général – lui avait demandé de conclure la première phase du championnat à l’une des six premières places. Reggiardo a fait beaucoup mieux puisque Provence Rugby est assuré de terminer à l’une des deux premières, s’évitant ainsi « un quart roulette russe » où il aurait fallu se sortir les tripes. Les Noirs se sont offerts le luxe de pouvoir aborder les deux dernières rencontres de la phase régulière en mode training et de disposer de quelques semaines pour gérer au mieux la forme du collectif et le fond de son jeu en vue de la demi finale. Que rêver de mieux ? Entouré d’un staff dont il ne faut pas négliger le travail et l’investissement, composé notamment du trio Delmas, Ladauge, Dupuy, mais aussi de nombreuses petites mains très actives, Mauricio Reggiardo a gagné, quoiqu’il advienne désormais, son pari. Avec la victoire de son système, les Provençaux sont sur la bonne voie et les mauvaises langues se sont tues !
Michel EGEA