Marseille. On a vu au Gymnase « L’école des femmes » magnifiée par Stéphane Braunschweig

Publié le 18 avril 2019 à  13h14 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h47

Claude Duparfait et Suzanne Aubert absolument formidables autant qu’émouvants (Photo Simon Gosselin)
Claude Duparfait et Suzanne Aubert absolument formidables autant qu’émouvants (Photo Simon Gosselin)
Claude Duparfait, (Arnolphe), Suzanne Aubert (Agnès), Glenn Marausse (Horace), trio gagnant pour une
Claude Duparfait, (Arnolphe), Suzanne Aubert (Agnès), Glenn Marausse (Horace), trio gagnant pour une

Parmi tout ce qui caractérise Stéphane Braunschweig, il y a cette faculté de ne jamais rater un spectacle. Et de se fondre avec une élégance et une harmonie confondantes dans l’œuvre jouée. En raison tout d’abord de sa volonté de partir du texte, de le servir en artisan du théâtre, sans plaquer sur lui un quelconque présupposé de principe. Non Stéphane Braunschweig n’utilise pas la scène à des fins personnelles, où comme tremplin pour satisfaire son ego, mais comme vecteur d’une écriture particulière, d’une pensée ou d’un projet qui n’est pas au départ le sien. Cela donne des mises en scène toujours somptueuses, d’une beauté visuelle qui ne laisse jamais indifférent. Pour preuve en 2017 son incursion dans «Soudain l’été dernier» de Tennessee Williams donné au Gymnase de Marseille dont nous avions salué la finesse. Aussi attendions-nous avec impatience sa conception de «L’école des femmes» de Molière présentée encore au Gymnase et qui fut un grand succès public. Dans des costumes modernes, et une mise en scène qui montre l’aspect intemporel de la pièce, Stéphane Braunschweig tourne le dos aux poncifs habituels qui font d’Arnolphe un vieux crétin voulant faire de la jeune Agnès sa femme et qui affirmant «épouser une sotte est pour n’être point sot» se montre machiavélique afin d’y parvenir. Sous les traits de Claude Duparfait, dont la prestation dans ce rôle relève de l’exceptionnel, il donne à voir un homme certes peu sympathique mais touchant car étranglé de la douleur de se sentir vieux, et accablé d’une tristesse d’âme infinie. Comme Alceste, ou Orgon, l’Arnolphe décrit ici un être malade de la peur que les femmes lui inspirent. Peur aussi de son désir aliénant, qui le conduira à élaborer un stratagème désespéré autant que désespérant. Il y a un peu sous le regard de Braunschweig du «Lolita» de Nabakov dans ses rapports avec Agnès jouée divinement par Suzanne Aubert, qui fait de son personnage une fille point du sotte, qui souhaite vivre tout simplement sa jeunesse sans entraves, sans être dominé par quiconque, devenant finalement une sorte de sœur de cœur de la Célimène du «Misanthrope». Nous disions que le metteur en scène casse les codes du genre et tord le cou aux généralités en vigueur dans «L’école des femmes». Dans la gestuelle, les costumes, et les décors (on est au départ dans une salle de sports où l’on voit Arnolphe s’entretenir avec son ami Chrysalde de son projet de mariage, sur un vélo d’entraînement). Dans sa façon également dont il présente Horace, l’amant d’Agnès, bien éloigné de l’image de stupide bélitre dont on l’affuble habituellement et qui ressemble en général à Tragicomix le fiancé de Falbala dans «Astérix légionnaire». Stéphane Braunschweig opte pour donner une densité à ce presque adolescent, qui aimant une fille de son âge, se bonifie à son contact, et se transforme en un être totalement moral dévoué à sa cause. Glenn Marausse qui interprétait Georges Holly, le frère de Catherine dans «Soudain l’été dernier» de Williams donne à son personnage d’Horace une densité aussi réjouissante qu’inhabituelle. Acteur intelligent, subtil, et doté d’une large palette de jeu il contribue à rendre Agnès encore plus farouchement libre. Au final un beau moment de théâtre.
Jean-Rémi BARLAND

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