Publié le 23 avril 2019 à 10h05 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 11h43
C’est un débat de haut niveau que vient de proposer Lionel Canesi, Président du Conseil régional de l’Ordre des Experts Comptables (Croec) Marseille-Paca dans le cadre du Club Ethic-Eco où il a été question, à la Commanderie, le centre d’entraînement de l’OM de «Sport, Éthique et Entrepreneuriat». Un débat auquel participait Jacques-Henri Eyraud, le Président de l’OM, qui n’a pas manqué d’alerter sur les dérives du sport, mais aussi évoqué Spinoza et l’éthique de la joie, dénoncer le racisme et l’homophobie, mis en exergue l’exigence éthique de l’OM en matière de recrutement, de formation: «Nous avons 100% de réussite au Bac». Il a également évoqué la tension entre une stratégie à moyen terme et la nécessité de gagner le match à venir et, d’argent avec la crainte du Président de l’OM de voir une Ligue des Champions quasi-fermée se mettre en place. Également présent Jérôme Fernandez, un monument du sport avec ses 390 sélections en équipe de France, quadruple champion du Monde, double champion olympique, triple champion d’Europe… Aujourd’hui entraîneur du PAUC (Pays d’Aix Université Club handball), il se réjouit de voir son sport, le handball, se développer économiquement: «Sans qu’il y en ait trop car on se rend compte que beaucoup d’argent modifie le comportement de l’être humain et rarement dans le bon sens».
«le projet collectif passe avant l’entraîneur, les joueurs»
Mohamed Laqhila, président d’honneur du Croec Paca, fondateur du club Ethic-Eco rappelle que l’objet de ce dernier «est de former un cercle de points de vue afin de bousculer les certitudes». Tandis que Lionel Canesi se souvient avec émotion avoir porté en amateur le maillot de l’OM. Le sport qui, pour lui, «développe l’esprit d’équipe, la coopération, la définition d’objectif commun. Et il n’y a rien de plus beau que la réalisation d’objectif commun» faisant ainsi le lien avec le monde économique avant de considérer que «l’expert-comptable est un coach de l’entreprise.» Pour Jérôme Fernandez «quand on aime le sport on le pratique pour ses valeurs». Des valeurs qu’il transmet dans sa nouvelle carrière d’entraîneur à ses joueurs à Aix-en-Provence, y compris au niveau de la formation. «On parle de respect, poursuit-il, il commence en dehors du terrain» et considère que «le projet collectif passe avant l’entraîneur, les joueurs». Jacques-Henri Eyraud évoque Spinoza, l’éthique de la joie. «Pour lui, la joie et la tristesse sont les critères du bien et du mal. Plus on est heureux et plus on adopte une morale de l’action. Or, agir c’est vivre. Et qui rend plus heureux que l’OM dans cette Ville, même s’il m’arrive de provoquer de la tristesse, et c’est une responsabilité pour moi». Et, pour montrer qu’il ne s’agit pas de simples mots convenus il raconte avoir rencontré un ex-urgentiste «qui constatait une corrélation entre les défaites de l’OM le dimanche et les visites aux urgences le lundi matin». Preuve pour lui «de la dimension sociale de l’OM. Il est pour nous essentiel de nous impliquer dans la vie de la cité, ce que nous accomplissons à travers OM Fondation». L’OM entend, à travers cette dernière, transformer la passion de ses supporters, l’implication de ses collaborateurs et le pouvoir de sa marque en un vecteur de développement culturel, d’opportunité économique et de responsabilité sociale, notamment auprès des communautés défavorisées. Il indique: «Nous avons fait réaliser un sondage, au niveau national pour savoir quel élément symbolisait le mieux Marseille, le Vieux-Port arrive en un, avec 68% des réponses, l’OM en deux avec 50%. La deuxième question portait sur l’élément qui contribuait le plus au rayonnement de Marseille à l’international. Le Vieux-Port, se classe toujours premier, 54% et l’OM deuxième 51%. Et, enfin, 81% des personnes interrogées pensent que l’OM est connue internationalement, soit deux points de plus que la ville de Marseille».
«Des enfants de moins de dix ans sont pourchassés par de sombres individus qui promettent monts et merveilles aux parents»
Le club se veut, se doit donc d’être exemplaire et entend laisser derrière lui les temps où il faisait la Une de l’actualité judiciaire: «Pour cela il suffit d’adopter des attitudes permettant d’éviter les dérives et de mesurer à quel point le sport n’est jamais que le reflet de la société». Jacques-Henri Eyraud dénonce: «On trouve chez les agents la face sombre de notre sport. Des enfants de moins de dix ans sont pourchassés par de sombres individus qui promettent monts et merveilles aux parents. C’est la peste. Alors nous avons décidé d’aller jusqu’à accepter de passer à côté de talents si toutes les conditions du respect des règles ne sont pas réunies. Et tel n’est pas le cas dans tous les clubs, y compris en France». Il met en exergue une autre menace, les progrès de la technologie: «Le sport du XXIe siècle va être impacté par cette révolution. On aura des sportifs augmentés. Il existe d’ailleurs déjà des greffes de tendons synthétiques. Va alors se poser la question de l’amélioration et du dopage». Et que dire lorsqu’il raconte: «Un joueur n’a pas plus de trois secondes pour passer le ballon, la question de l’anticipation est essentielle. Alors des clubs n’hésitent pas, pour développer la plasticité du cerveau d’envoyer des décharges électriques dans certaines partie du cerveau». Il s’interroge: «le FC Barcelone a décrypté le génome de Lionel Messi. Demain va-t-on demander son génome à un joueur avant de le recruter? ».
«Le Top 15 européen a des budgets de plus de 400 millions d’euros»
Place est donnée au débat, Philippe Deveau, président de la fédération du BTP 13 demande: «Comment avec cette philosophie, l’OM peut-il être dans la course permanente au résultat». Jacques-Henri Eyraud rappelle: «Nous sommes dans un monde qui évolue et dans lequel les inégalités se creusent, où le Top 15 européen a des budgets de plus de 400 millions d’euros et où celui du Barça va dépasser le milliard. Alors ce qui m’intéresse c’est que nous nous battions afin que le club soit le plus haut possible. D’où l’importance de mettre la main sur le stade d’une part et, d’autre part, de devenir un club formateur en n’oubliant pas de faire de nos jeunes des hommes de qualité». Isabelle Savon, conseillère régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur, pose la question de l’accompagnement à la reconversion des joueurs, témoigne que la Région a des outils pour aider dans ce domaine. Jacques-Henri Eyraud répond: «Le défi, en ce domaine, est que le joueur est extrêmement encadré pendant sa carrière et cela peut donner des individus perdus à la fin de celle-ci. Le sportif est dans l’excellence, dans le contrat d’après et, trop souvent, il ne prépare pas suffisamment tôt sa reconversion. Attention, cela ne veut pas dire que le sportif n’a pas de qualités humaines et professionnelles, il y a d’ailleurs aussi de remarquables exemples de reconversion. Si la Région veut s’impliquer elle doit le faire dans l’accompagnement du joueur sur la durée et être d’autre part exigeante dans les centres de formation».
Jérôme Fernandez revient sur le handball: «Nous sommes très à cheval sur le parcours scolaire. Quand un jeune handballeur commence à entrer dans le haut niveau il rejoint un pôle fédéral d’excellence s’il a un bon dossier scolaire. Et il ne rejoint un centre de formation qu’après le lycée et on a l’obligation d’avoir un double projet: sportif et post-bac. Et, en ce qui me concerne, j’ai envie, dans mon club, qu’un joueur ne devienne pro qu’après avoir obtenu un diplôme universitaire. L’économie du hand est très bonne mais elle ne permet pas de vivre de ses rentes. Il faut travailler après sa carrière, nous nous projetons donc tous vers un métier. Le salaire moyen tourne en effet autour de 50 000 euros par an cela permet de vivre bien sans être déconnecté de la société», un véritable épicurien. Un autre intervenant évoque l’arrivée du e-sport. «C’est un concurrent pour le sport traditionnel», juge Jacques-Henri Eyraud qui reconnaît: «Le football est extrêmement conservateur, il souffre d’un sentiment de supériorité. Il est vrai qu’il suffit d’une boule de papier pour y jouer alors il ne fait aucun effort pour devenir plus attractif».
OM: c’est le « OM » boudhiste et « OM » c’est la mère en arabe
La question suivante concerne la pression du résultat. «C’est difficile, reconnaît Jacques-Henri Eyraud, mais je l’ai voulu et je m’y étais préparé. Je comprends la colère des supporters lorsque les résultats ne sont pas là, l’OM c’est leur vie. D’ailleurs nous maintenons un tarif d’abonnement très bas dans les virages: 170 euros pour l’ensemble des matchs de championnat». Jean-Daniel Beurnier, vice-président de la CCI Marseille-Provence revient à l’éthique et s’inquiète du racisme et de l’homophobie. Le Président de l’OM constate une nouvelle fois: «Le foot est le reflet de la société et il ne va pas la changer. Mais c’est vrai, il faut être inflexible sur ces questions, certainement plus que sur les fumigènes qui, certes, peuvent gêner les diffuseurs, mais qui sont moins néfastes que l’utilisation du sport à des fins politiques. Il faut une tolérance zéro avec une dissuasion lourde. C’est la seule solution. Et, il faut le dire, heureusement Marseille est à l’abri de ces dérives ». Comment pourrait-il en aller autrement lorsqu’un intervenant note: L’OM est un élément consensuel de Marseille. OM, c’est le « OM » boudhiste et « OM » c’est la mère en arabe. Hervé Liberman, le président du Comité régional olympique Provence-Alpes-Côte d’Azur, de conclure en se réjouissant d’avoir participé à un débat «qui permet de sortir le sport des casses dans lesquelles on veut le laisser. En oubliant qu’à Olympie les jeux étaient ouverts par des déclamations de poèmes. Et toutes les interventions ont bien montré l’importance du sport dans la vie. Mais alors pourquoi le sport a-t-il le plus petit budget au niveau de l’État? Pourquoi les Villes et les collectivités sont-elles celles qui soutiennent le plus le sport pour tous… ».
Michel CAIRE