A l’Opéra Grand Avignon : Sabine Devieilhe, stratosphérique « Lakmé »

Publié le 21 mars 2016 à  7h59 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  22h05

Aux saluts, Sabine Devieilhe entourée de Nicolas Cavallier (à g.) Florian Laconi et Christophe Gay (à dr.) (Photo M.E.)
Aux saluts, Sabine Devieilhe entourée de Nicolas Cavallier (à g.) Florian Laconi et Christophe Gay (à dr.) (Photo M.E.)

«Elle est stratosphérique… » Le qualificatif, qui veut bien dire ce qu’il veut dire, c’est Nicolas Cavallier qui nous l’a glissé à l’oreille après la première représentation de «Lakmé», l’opéra de Léo Delibes, dimanche en fin de journée au cœur du foyer de l’opéra du Grand Avignon.
Lui-même, brillant dans son incarnation de Nilakantha, le brahmane et père de l’héroïne, ne tarissait pas d’éloges à l’endroit de la jeune soprano française, allant presque jusqu’à justifier son niveau et sa performance vocale du fait de sa présence à ses côtés ! Ceci expliquant cela : «stratosphérique». En fait, elle justifie à elle seule cette production de l’œuvre. Nous sommes ici sur des ressorts dramatiques quasiment identiques à ceux de «Butterfly», colonisation, exotisme, choc de cultures mais la densité de la partition de Delibes est loin, très loin, de celle de Puccini, même si elle contient quelques airs somptueux passés à la postérité. Mais force est de reconnaître que c’est le rôle-titre qui, pendant trois actes, porte à bout de voix le spectacle. Grâce soit donc rendue à Sabine Devieilhe d’incarner la jeune indienne avec son talent hors du commun. Déjà, à l’Opéra Comique, où cette production a été donnée il y a deux ans, Sabine Devieilhe avait subjugué public et critiques au sein d’une distribution excellente qui comptait aussi le chœur Accentus dans ses rangs, Les Siècles se trouvant dans la fosse avec leur directeur musical, François Xavier Roth, au pupitre.
Deux ans plus tard, l’effet Sabine Devieilhe est fascinant; peut-être plus qu’en 2014. Ici, la jeune femme atteint une dimension… Stratosphérique; dans le jeu et dans le chant. Comédienne sensible et sensuelle, elle incarne une Lakmé post-adolescente émouvante, juvénile, avide de vivre. Dès qu’elle est sur scène, elle irradie au point de faire le vide autour d’elle, les regards ne pouvant se détacher de son visage angélique. Puis il y a la voix, exceptionnelle ! Elle se promène avec une aisance déconcertante au milieu des notes et des airs jusqu’au contre mi qu’elle maîtrise parfaitement. Le son est d’une précision extrême, direct, pur, avec une projection remarquable. Sabine Devieilhe est aujourd’hui à un niveau de chant majuscule dans sa tessiture et n’est pas sans nous rappeler l’une de ses brillantes devancières dans le registre, aujourd’hui tournée vers le théâtre… A ses côtés, c’est Nicolas Cavallier qui se taille une belle part du triomphe, à juste titre. Dans le rôle de Nilakantha, il travaille une tessiture plus proche de celle du baryton basse que de la basse profonde. Il maîtrise sans problème ce registre et les aigus qui vont avec et donne à son personnage toute sa consistance, parfois inquiétante, mais tellement humaine aussi. Le rôle de Gérald, soldat britannique amoureux de Lakmé, est dévolu à Florian Laconi. Fort ténor, maîtrisant bien la partition nous aurions aimé l’entendre vocalement plus nuancé aux côtés d’une belle dont les charmes et la sensibilité méritaient assurément un peu moins de puissance et un peu plus de délicatesse. Appréciée, aussi, la Malika de Julie Boulianne, très présente dans le duo des fleurs. Julie Pasturaud, gouvernante so british, Ludivine Gombert, Miss Ellen un peu naïve et Chloé Briot, craquante et rouquine Miss Rose, de même que Christophe Gay, Frédéric assuré et Loïc Félix, excellent Hadji complétaient de façon très homogène ce plateau. Belle présence, enfin, du chœur préparé par Aurore Marchand, tous étant placés sous la direction efficace de Laurent Campellone à la tête de l’orchestre régional Avignon-Provence. Sans oublier les trois danseuses du ballet transformées pour la circonstance en divinités fort agréables. Rien de spécial à dire sur la mise en scène (mais y en a-t-il vraiment une) de Lilo Baur. Pour tous ceux qui râleront de ne pouvoir assister à cette «Lakmé», signalons que la production sera reprise, avec Sabine Devieilhe dans le rôle-titre, à l’Opéra de Marseille la saison prochaine… Un peu de patience. Quant à Sabine Devieilhe, nous la retrouverons dès l’été prochain au Festival d’Aix-en-Provence, de même que Chloé Briot.

Michel EGEA

Pratique – « Lakmé » de Léo Delibes à l’Opéra Grand Avignon, mardi 22 mars à 20h30. Réservations : 04 90 14 26 40 – operagrandavignon.fr

Articles similaires

Aller au contenu principal