A l’Opéra de Marseille, le maestro Carminati dynamise une « Gioconda » séduisante et bien en voix

Publié le 2 octobre 2014 à  17h15 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h12

La scène finale : la Gioconda vient de se donner la mort avant que l’infâme Barnaba ne la possède au terme d’un pacte salvateur pour Enzo et Laura (Photo Christian Dresse)
La scène finale : la Gioconda vient de se donner la mort avant que l’infâme Barnaba ne la possède au terme d’un pacte salvateur pour Enzo et Laura (Photo Christian Dresse)

C’est l’opéra d’Amilcare Ponchielli qui ouvre la saison à l’Opéra de Marseille. Une production très classique, signée par Jean-Louis Grinda, de cette « Gioconda » servie par une distribution assez homogène dans la qualité, mais aussi par un orchestre qui sait donner le meilleur de lui même sous la baguette du maestro Fabrizio Maria Carminati, son premier chef invité. Accueil chaleureux du public au soir de la première.

Tiré de l’œuvre de Victor Hugo «Angelo, tyran de Padoue», le livret un tantinet abracadabrantesque de cette «Gioconda» est signé Arrigo Boito. A Venise, la chanteuse des rues Gioconda aime Enzo, Génois proscrit à Venise. Enzo aime Laura, la femme d’Alvise Badoero, le chef de l’inquisition. L’espion Barnaba aime Gioconda. Laura va sauver la vie de la Cieca, mère aveugle de Gioconda que Barnaba fait passer pour sorcière et Gioconda, surmontant sa jalousie, sauvera Laura et Enzo avant de se donner la mort pour éviter d’être possédée par Barnaba qui vient de noyer la mère de la chanteuse… Ouf ! Il faut suivre.

Sur ce livret, Ponchielli compose une œuvre qui est une transition entre le romantisme verdien et le vérisme puccinien. Une composition ample, à l’architecture solide, aux nuances subtiles. De plus il offre un rôle aux six tessitures majeures : soprano, mezzo, contralto, ténor, baryton et basse. Cette dernière particularité étant l’une des raisons pour lesquelles cette Gioconda est peu donnée car c’est une gageure, pour un directeur d’opéra, d’afficher six noms de haut niveau en même temps.

Puis il faut savoir que les plus grandes voix, de la Callas à di Stefano, de del Monaco à Cossotto, s’y sont essayées avec bonheur.
Maurice Xiberras, le directeur général de la maison lyrique marseillaise n’a pas hésité, lui, à relever le défi, et bien lui en a pris. En choisissant la production très esthétique de Grinda qui a le mérite de la parfaite lisibilité et qui livre quelques tableaux de grande beauté, Maurice Xiberras possédait déjà un atout majeur. Les autres, il allait les tirer un à un de sa manche en composant un casting de haute volée.

Avec Micaela Carosi dans le rôle-titre, tout d’abord. La dame a de la puissance et monte aisément dans les aigus. Elle semble un peu plus en délicatesse dans le registre moyen, passant plus difficilement. A ses côtés, Béatrice Uria-Monzon est au top de forme. Elle campe une Laura séduisante ; la voix est assurée, facile, dans un rôle assez physique dont elle se sort parfaitement. Une très belle prestation.
La Cieca, elle, est incarnée par Qiu Lin Zhang, impressionnante en vieille aveugle, voix sombre et puissante, presque voix d’outre-tombe, qui s’exprime pleinement même lorsque la mise en scène ne lui facilite pas la tâche. Elle obtiendra un beau triomphe.

Du côté des hommes, Riccardo Massi incarne un Enzo jeune et amoureux. La voix, bien placée, mériterait cependant un peu plus de brillant et de lyrisme. Barnaba, lui, a les traits et la voix de Marco di Felice. Un rôle odieux et une voix parfaite. Le baryton est en pleine forme et livre un sans faute qui lui vaudra un bel accueil final totalement mérité. Kostantin Gorny, lui, campe un Alvise Badoéro crédible, mais moins sombre vocalement que ce qu’il pourrait être. Delpas, Piccone et Berry complétant idéalement la distribution. Passés les décalages du démarrage, les chœurs sont en place et les enfants de la Maîtrise des Bouches du Rhône font un passage remarqué et apprécié.

Puis il y a l’orchestre, superbe, éclatant de lumière et de couleurs sous la baguette d’un maestro Carminati au meilleur de sa forme. Une à une il révèle les nuances de la partition, joue avec la puissance et la délicatesse, laisse le drame s’exprimer en l’accompagnant à chaque seconde. Tout comme il accompagne, épaule, soutient les artistes du plateau avec attention et bonheur. Un grand moment de musique et, ici aussi, un beau triomphe au soir de la première. C’est Ponchielli qui doit être content. Et si le cœur vous en dit, il reste trois représentations…

Michel EGEA

Pratique
Autres représentations le samedi 4 octobre à 14 h 30 puis les 7 et 10 octobre à 20 heures. Réservations : 04 91 55 11 10 ou 04 91 55 20 43. Opera de Marseille

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