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< >Adaptation et réactivité pour l’ensemble de la filière agricole
mardi 20 avril 2021
La pandémie mondiale a créé une nouvelle donne, obligé toute la société à se remettre en question et à revoir son fonctionnement. Il a fallu jongler entre restrictions de liberté, angoisse sanitaire et nécessité d’avancer et de continuer à vivre. L’annonce du confinement le 17 mars 2020 a raisonné comme un coup de tonnerre pour de nombreux professionnels qu’ils soient producteurs, hébergeurs, restaurateurs... mais aussi pour les consommateurs qui dans un premier temps craignaient de ne plus pouvoir se ravitailler.
- ©Agriculture et territoires
Il a fallu quelques jours à tout le monde pour reprendre ses esprits et commencer à s’organiser pour trouver des solutions pour pallier la fermeture des marchés et des restaurants individuels ou collectifs, principaux canaux de distribution pour de nombreux producteurs alpins. Dans un premier temps les appels un peu affolés ont afflué vers les chambres d’agriculture des Hautes- Alpes et des Alpes-de-Haute- Provence. Très rapidement les équipes se sont mises à pied d’oeuvre pour orienter et soutenir les producteurs. Le calendrier 2020 a été perturbé et ralenti mais pas totalement interrompu avec le maintien de nombreuses manifestations avec un protocole sanitaire adapté. Les personnels se sont mis à la disposition des agriculteurs pour répondre à toutes leurs questions notamment concernant la réglementation spécifique par exemple à propos des déplacements, des produits commercialisables, des modes de commercialisation existants, etc.
Un grand nombre d’entre eux ont dû réinventer leurs canaux de commercialisation. « Nous avons été obligés de revoir notre façon de travailler, explique Amandine Long du service Filières et territoire de la chambre d’agriculture des Hautes-Alpes. Nous avons participé aux cellules de crise hebdomadaires et bimensuelle organisées par la préfecture, ainsi qu’à celles de la chambre d’agriculture régionale. Nous avons organisé deux réunions d’information en partenariat avec la préfecture concernant les embauches de saisonniers et des travailleurs étrangers avec les contraintes sanitaires. Nous avons pris contact avec tous les agriculteurs haut-alpins par téléphone et nous avons poursuivi cet accompagnement au moment du plan de relance. »
La nécessité de pallier l’absence des marchés
La chambre d’agriculture s’est aussi faite l’intermédiaire avec toutes les grandes surfaces haut-alpine afin que celles-ci référencent des produits locaux ou permettent aux producteurs de s’installer dans leurs locaux. Une initiative qui a été un succès puisque certaines de ces implantations ont survécu aux confinements et sont devenues pérennes. Le département des Hautes-Alpes a également mis en place lors du premier confinement un programme baptisé SoliAgri né du constat que les producteurs rencontraient des difficultés à vendre leurs denrées tandis que les banques alimentaires ne parvenaient plus à se fournir. Le Département s’est donc fait l’intermédiaire entre ces partenaires et a financé l’acquisition de ces denrées par les banques alimentaires.
Un programme que le Département a souhaité pérenniser dans le cadre de son Programme alimentaire territorial (PAT). Un PAT qui a été soutenu par l’État dans le cadre du Plan de relance et qui permettra au cours des trois prochaines années un investissement de plus d’un million d’euros dans 40 projets concrets ayant pour vocation de proposer une alimentation saine et locale à tous les Haut-Alpins. Dans les Alpes-de-Haute-Provence, un seul marché de producteurs a pu rester ouvert pendant tout le premier confinement à Aiglun près de Digne-les-Bains. Là aussi, les producteurs se sont tournés vers la chambre d’agriculture pour savoir comment écouler leurs produits, souvent périssables quand ils ne disposaient pas de point de vente directe.
Marinette Gonzalez, chargée de mission Circuits courts–Agritourisme et animatrice du réseau Bienvenue à la Ferme explique qu’une enquête a été lancée auprès des producteurs afin de mettre en place une base de données qui listait l’ensemble des problématiques auxquelles ils se heurtaient. « Cette étude a montré qu’il y avait un manque au niveau de la commercialisation en ligne donc nous avons apporté notre soutien à ceux qui voulaient mettre en place des sites Internet, précise-t-elle, nous avons également établi un partenariat avec une plateforme de vente en ligne créée par une entreprise locale : OMonDrive.fr. »
Un engouement pour les produits locaux
Les marchés de producteurs ont heureusement pu reprendre partout et ont notamment connu une belle affluence estivale avec la mise en place d’un protocole sanitaire spécifique : signalétique, sens de circulation, gel hydroalcoolique, port du masque obligatoire, etc. Ainsi, dans les Alpes-de-Haute- Provence Bienvenue à la ferme a organisé 23 marchés paysans avec en moyenne une dizaine de producteurs. Dans les Hautes-Alpes, 39 marchés ont été organisés l’été dernier en soirée sur huit sites avec 48 producteurs. Cet hiver, malgré la fermeture des remontées mécaniques 23 dates ont été organisées dans les stations de ski avec des horaires adaptés au couvre-feu et ont réuni 22 producteurs.
Parallèlement un site Internet recensant les producteur haut-alpins a été mis en ligne : saveurshautalpines.fr. L’été 2021 s’annonce sous les meilleurs auspices dans les deux départements avec, même, de nouvelles implantations pour répondre à l’attrait du public pour les produits locaux. Durant l’année écoulée de nombreux producteurs ont, par ailleurs, mis en place des drives ou des points de vente directe qui ont répondu à un engouement pour les produits locaux qui s’est clairement dessiné au sein de la société française à l’occasion de cette crise sanitaire. Le Réseau mixte technologique (RMT) Alimentation locale a réalisé une étude sur ces nouvelles habitudes de consommation intitulée « Manger au temps du coronavirus ».
L’ensemble des contributions qu’ils ont recueilli a permis de souligner « deux faits particulièrement marquants : l’importance prise par l’alimentation, dans toutes ses dimensions (sanitaire, hédonique, sociale, relationnelle, économique,…), laissant présager que les régimes alimentaires n’en sortiront pas indemnes ; et la capacité des circuits alimentaires territorialisés à répondre quasi-instantanément à une explosion de la demande, conjuguant croissance du nombre de clients et augmentation du panier moyen. La réponse a reposé sur le renforcement des dispositifs existants et l’éclosion de nouveaux dispositifs. »
Des impacts disparates selon les activités
Autre enquête assez révélatrice de l’impact de la crise sanitaire sur le monde agricole celle menée auprès des adhérents du réseau Bienvenue à la ferme qui visait à mesurer l’impact économique et humain lié à la crise sur les activités d’accueil à la ferme, comprendre les besoins des agriculteurs et les accompagner lors de la reprise des activités, à l’approche des vacances d’été. Une étude à laquelle ont apporté leur aide les chambres d’agricultures départementales en interrogeant leurs ressortissants concernés. En effet, dès le mois de mars, les activités pédagogiques et d’accueil à la ferme (ferme auberge, ferme pédagogique, gîtes et chambres d’hôtes) et notamment les événements prévus initialement dans le cadre du Printemps à la ferme ont été suspendus.
L’enquête a révélé que bien que certains agriculteurs aient pu compenser par la vente directe de produits fermiers (39 %), ceux vivant en grande partie de l’agritourisme ont vu leurs revenus chuter brusquement, mettant à mal leur activité. L’enquête a été réalisée auprès de 600 agriculteurs pratiquant au moins une activité d’agritourisme (sur 2 300 adhérents pratiquant l’agritourisme au sein du réseau) révèle que 70 % des exploitations ont été impactées sur leur chiffre d’affaires mensuel sur la période mimars à juin. Fermes équestres, fermes pédagogiques, fermes auberges, activités d’hébergement ou de visites à la ferme ont été fortement perturbées. Au total 40 % des exploitations interrogées ont connu des pertes supérieures à 5 000 euros par mois, dont 12 % des pertes supérieures à 20 000 euros selon les activités (voir infographie).
Un impact économique conséquent qui s’accompagne d’un impact sur l’emploi au sein des exploitations : 25 % des répondants ont eu recours à la suppression d’emploi et 20 % à la mise en chômage partiel de leurs salariés. Ainsi, 40 % des répondants de l’enquête ont estimé être en danger ou incertains quant à la pérennité de leurs activités en agritourisme pour les mois à venir. Un état de fait qui n’a pas évolué puisque la situation n’a toujours pas changé, à ce jour. Les hébergeurs, quant à eux, ont réalisé une bonne saison 2020-2021 mais avec des changements d’habitude et un public différent (voir ci- contre).
Les magasins de producteurs tirent eux-aussi leur épingle du jeu avec une affluence record durant le confinement qui s’est souvent matérialisée par une pérennisation d’une frange de ces nouveaux clients qui ont changé leurs habitudes de consommation de manière durable même si beaucoup ont repris le chemin des grandes surfaces une fois la crainte de manquer estompée. Le secteur agricole a montré son agilité et son adaptabilité durant cette période où toute la société a été impactée et a dû revoir sa manière de consommer. Les premiers indicateurs semblent montrer que l’alimentation locale et le monde rural a bien sorti son épingle du jeu et pourrait profiter de cette situation inédite.
AG pour L’Espace Alpin

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