Afrique du Sud: Bloom et The Green Connection s’opposent au projet gazier offshore de TotalEnergies

Publié le 26 octobre 2022 à  12h55 - Dernière mise à  jour le 9 juin 2023 à  22h24

En Afrique du Sud, TotalEnergies s’apprêterait à déclencher une nouvelle bombe climatique, malgré les recommandations spécifiques des experts du climat de ne plus développer de nouveaux projets dans les énergies fossiles. Le 5 avril 2022, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a insisté sur le fait qu’«investir dans de nouvelles infrastructures de carburants fossiles est une folie morale et économique».

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Des opérations de forage dans les eaux profondes sud-africaines

Le 5 septembre 2022, TotalEnergies a déposé une demande de licence de production pour exploiter deux importants gisements gaziers, pouvant contenir jusqu’à un milliard de barils d’équivalent pétrole, situés au large de la côte méridionale d’Afrique du Sud [[En juillet 2022, TotalEnergies avait déjà déposé une demande d’évaluation de l’impact sur l’environnement en vue du forage de cinq puits d’exploration sur un secteur vierge, situé en eaux profondes au large de l’Afrique du Sud, entre le Cap et le Cap des Aiguilles. En outre, depuis mars 2022, la société participe à de multiples études sismiques au large de la côte ouest.]]. TotalEnergies s’apprête ainsi à investir trois milliards de dollars pour lancer des opérations de forage dans les eaux profondes sud-africaines, au détriment des petits pêcheurs et d’une biodiversité spectaculaire.

Aujourd’hui, deux lauréates du prix Goldman, Liziwe McDaid (The Green Connection – Afrique du Sud) et Claire Nouvian (Bloom – France) s’unissent pour lancer la campagne #OceanTotalDestruction. Elles appellent TotalEnergies à renoncer à ses désastreux projets d’exploitation pétrolière et gazière offshore en Afrique du Sud et à faire une annonce responsable avant la COP27.

« L’exploitation du pétrole et du gaz dans nos océans est incompatible avec les ambitions climatiques »

Alors que le dérèglement climatique et l’extinction massive des espèces animales menacent la survie de l’humanité, les lauréates du prix Goldman Liziwe McDaid et Claire Nouvian ajoutent que «le projet de TotalEnergies en Afrique du Sud est une imposture conceptuelle qui tente de dépeindre le passage du charbon au gaz comme une « transition énergétique verte »». En juillet 2021, l’Agence internationale de l’énergie a souligné qu’«au-delà des projets déjà engagés en 2021, il n’y a pas de nouveaux champs pétroliers et gaziers dont le développement est approuvé dans notre trajectoire» [[ International Energy Agency (2021) Net zero by 2050. A roadmap for the Global Energy Sector]].

Liziwe McDaid, pour The Green Connection, a déclaré : «L’exploitation du pétrole et du gaz dans nos océans est incompatible avec les ambitions climatiques de l’Afrique du Sud. Malgré l’abondance des ressources solaires et éoliennes, nos océans sont menacés par des compagnies pétrolières comme Total, qui semblent déterminées à ignorer la crise climatique et à extraire jusqu’au bout les derniers profits des énergies fossiles. En 2021, Total a renoncé à sa tentative d’exploration. Pourquoi sont-ils de retour ? Compte tenu des pénuries de gaz en Europe, ce ne peut être que pour augmenter leurs profits, mais les communautés de pêcheurs côtiers ne bénéficient pas des profits pétroliers et elles subissent de plein fouet les catastrophes comme les marées noires.»

L’ignorance catégorique des recommandations claires du GIEC et de l’Agence internationale de l’énergie

Après des années de «greenwashing» et de création de doute pour retarder la prise de conscience et l’action en faveur du climat, TotalEnergies est maintenant passé à une nouvelle phase : l’ignorance catégorique des recommandations claires du GIEC et de l’Agence internationale de l’énergie. Claire Nouvian de Bloom a déclaré : «TotalEnergies incarne le visage du Mal au XXIe siècle. Son obsession pour le profit met l’humanité en danger. La mobilisation citoyenne doit empêcher des entreprises aussi irresponsables de détruire notre avenir. Nous appelons les citoyens du monde entier à signer notre pétition contre les projets dangereux de TotalEnergies en Afrique du Sud. Nous avons besoin d’exercer un maximum de pression citoyenne avant la prochaine COP sur le climat en Égypte pour que Total laisse enfin les carburants fossiles enfouis sous terre.»

La major française du pétrole et du gaz développe sciemment son projet d’exploitation dans une zone de courants extrêmement forts et à la biodiversité spectaculaire : un «corridor bleu» pour la migration de milliers de baleines ainsi qu’un site d’alimentation ou de ponte pour les phoques, les manchots, les pétrels, albatros ou les tortues luth, menacées d’extinction. Ces eaux abritent également d’importantes populations de poissons tels que le snoek (famille des maquereaux) ou la grande sériole (famille des carangues) sur lesquels reposent les économies côtières des pêcheurs artisanaux.

Christian Adams, pêcheur artisanal sur la côte ouest, dont la famille pêche depuis des générations déclare : «Les pêcheurs de toute la côte sud-africaine se dressent contre ces compagnies pétrolières. Nos moyens de subsistance sont en jeu et nous appelons le public français à nous soutenir. L’océan est dans notre sang. Nous sommes convaincus que l’exploration pétrolière et gazière est incompatible avec une pêche durable pour l’avenir».

Lors d’une conférence de presse qui s’est tenue à Paris, Bloom, The Green Connection et les petits pêcheurs sud-africains étaient soutenus par des députés de l’Assemblée nationale (François Ruffin, LFI) et du Parlement européen (Raphaël Glucksmann, Place Publique, et Karima Delli, EELV) et par la militante Camille Étienne. Tous ont demandé à TotalEnergies d’abandonner ses projets fossiles dans les eaux sud-africaines et d’en faire l’annonce avant la COP 27.

Liste des intervenants

• Claire Nouvian, fondatrice et directrice générale de Bloom.
• Liziwe McDaid, Directrice de la stratégie, The Green Connection.
• Neville van Rooy, Coordinateur des communautés, The Green Connection.
• Christian Adams, pêcheur artisanal de Steenberg’s Cove.
• Camille Etienne, militante pour la justice sociale et le climat.
• François Ruffin, membre de l’Assemblée nationale, LFI/NUPES.
• Karima Delli, membre du Parlement européen, Groupe Les Verts/ALE.
• Raphaël Glucksmann, membre du Parlement européen, groupe Socialistes & Démocrates.
• Swann Bommier, responsable du plaidoyer et des campagnes, Bloom.

Citations des personnalités présentes à la conférence de presse

Camille Étienne : «Notre addiction aux énergies fossiles tue. Le seuvrage est urgent». «On ne se bat pas uniquement pour ce qu’on peut gagner, on se bat pour ce qui est juste. Et dans le combat de David contre Goliath, n’oublions pas que David gagne à la fin».

François Ruffin :
«Ça se passe à 9 350 kilomètres et nous, nous sommes à côté du centre du pouvoir. C’est notre devoir d’interpeller TOTAL. Nous avons le devoir de relayer les doléances des populations sud-africaines à Paris, au coeur du capital.»«Pour Total, ce projet n’est pas une folie, c’est leur rationalité. Si nous refusons de voir qu’ils n’ont qu’une vision comptable du monde, nous ne pouvons pas comprendre dans quelle voie ils nous engagent jusqu’au suicide planétaire. Nous avons affaire à des psychopathes du profit.» «Comment parler d’échec, quand nous n’avons jamais réellement essayé de lutter contre le réchauffement climatique.» «Les États mettent en scène leur impuissance, ils se lavent les mains et restent en retrait. Aujourd’hui les États français et sud-africain doivent être les garants de l’intérêt général.»

Karima Delli :
«Les pays du Nord ne tiennent pas leurs promesses aux pays du Sud. Ils font même pire que ça. Aujourd’hui, les associations et les ONG rappellent notre solidarité aux pays du Sud. Nous ne pouvons pas leur imposer ces projets destructeurs pour la planète». «Il faut se lever contre ce projet climaticide, qui est un non-sens historique et un non-sens scientifique.» «Je rappelle que Total est une entreprise française, elle touche 30 millions de Cice. Bien sur que l’État français peut faire quelque chose et doit appeler à la responsabilité de Total». «Désormais le nucléaire et le gaz sont classés comme « investissements verts » dans la taxonomie européenne. Mais quelle honte ! Le gouvernement français a tout fait pour inclure ces énergies fossiles dans cette définition. Non, le gaz n’est pas une énergie de transition. Il faut dire stop au greenwashing du gouvernement et de Total. Nous avons des engagements à tenir». «Nous ne pouvons plus avoir de double discours sur le réchauffement climatique. Verser des larmes de crocodiles aux COP climat en disant que la planète brûle et ne pas joindre les actes à la parole. Nous demandons des actes».

Raphael Glucksmann :
«Ce projet est emblématique de ce qui ne doit plus voir le jour. Les entreprises privées nous lient les mains dans le dos pendant des décennies avec ce type de projet climaticide». «En pleine crise sociale, on retrouve Total ; en pleine crise écologique, on retrouve Total ; la guerre fait rage en europe, on retrouve Total».
«C’est fondamental que la justice mette son nez dans les affaires de Total. On ne peut pas d’un côté dire». «Il n’y a pas de planète B et encourager Total à saccager la planète A. On ne peut pas dire: « c’est le retour de la guerre en Europe » d’une voix grave et laisser Total faire de l’argent avec ceux qui font la guerre en Europe. On ne peut pas dire: « nous devons entrer dans une économie de guerre » en parlant du climat et laisser les entreprises continuer de faire des super-profits. En temps de guerre, on convoque les intérêts de la nation et le politique reprend la main. Or nous laissons des acteurs comme Total invalider l’ensemble des discours du politique. Tant que nous laissons faire ça, il y aura, bien sûr, une crise de la démocratie et de la représentation publique.»

Courtes biographies de l’équipe de The Green Connection, Afrique du Sud

Liziwe McDaid – The Green Connection
Liziwe, ainsi que Makoma Lekalakala de Earthlife Africa, ont remporté le prix Goldman 2018 pour leur rôle dans la poursuite judiciaire et la victoire contre un accord nucléaire que l’Afrique du Sud avait signé avec la Russie et qui aurait coûté à l’Afrique du Sud 1 000 milliards de dollars. Liz s’est intéressée à l’industrie pétrolière et gazière offshore, où des accords secrets semblent avoir été conclus pour que les océans, un bien commun mondial, soient divisés en blocs et loués sans que la population sud-africaine n’ait son mot à dire. La protection des océans est essentielle pour assurer le développement durable des communautés côtières, qui dépendent des océans pour leur subsistance. Liz a également été reconnue pour ses efforts en matière d’éco-justice, en recevant le prix Eco-Warrior Gold Award 2021 en Afrique du Sud.

Christian Adams – Pêcheur artisanal de Steenberg’s Cove
Christian pêche depuis l’âge de sept ans. Il est issu de générations de Sud-Africains qui vivent de la mer. Pêcheur professionnel depuis ses 16 ans, il a été obligé d’aller au tribunal en 2022 pour protéger son gagne-pain contre l’industrie pétrolière et gazière quand celle-ci a tenté de commencer ses activités de reconnaissance dans les eaux au large de la côte ouest.

Neville van Rooy – The Green Connection
Neville travaille sur la côte sud-africaine, aidant les communautés de pêcheurs à comprendre la menace que représente l’industrie pétrolière et gazière et leur procurant le soutien nécessaire pour leur permettre d’agir contre des entreprises telles que Total et ses sous-traitants. Les moyens de subsistance des pêcheurs assurent la sécurité alimentaire de milliers de familles du littoral sud-africain. Neville a remporté le très convoité Eco-warrior Gold Award pour ses efforts dans la lutte contre le pétrole et le gaz offshore.

Pour aller plus loin

Une menace pour les écosystèmes marins
Les eaux d’Afrique du Sud abritent une grande biodiversité : manchots africains, otaries à fourrure du Cap, albatros, pétrels, cormorans, fous du Cap, tortues luths, requins, dauphins, baleines. Le réseau des zones marines protégées et des zones critiques de biodiversité d’Afrique du Sud révèle que ces eaux sont le refuge d’une riche biodiversité marine aussi bien le long de la côte qu’au large, le long des canyons, des monts sous-marins et des bords plus profonds du plateau continental.

Depuis 2011, l’Afrique du Sud a vu des « super-pods » comptant jusqu’à 200 baleines à bosse se nourrir dans les eaux de la côte sud et ouest. Cela témoigne de la nature cruciale des eaux sud-africaines pour la biodiversité marine. Cependant, l’exploitation pétrolière et gazière perturbe les baleines et leurs proies « par la pollution sonore sous-marine, la construction d’infrastructures de soutien, les fuites de pétrole, le transport maritime associé et le risque de marées noires catastrophiques ».

Une menace pour les pêcheurs artisanaux
Les études sismiques et l’exploration pétrolière et gazière, en eaux profondes ou près des côtes, dans des zones soumises à certains des courants océaniques les plus forts du monde, représentent une menace majeure pour les petits pêcheurs qui dépendent d’un écosystème marin sain pour assurer leur subsistance. Les pêcheurs artisanaux dénoncent un accaparement potentiel de l’océan qui met en péril leur mode de vie.

Une bombe climatique en devenir
En juillet 2021, l’Agence internationale de l’énergie a publié sa feuille de route pour le secteur mondial de l’énergie et a souligné qu' » au-delà des projets déjà engagés en 2021, aucun nouveau développement de gisement de pétrole et de gaz n’est approuvé dans notre trajectoire « . Le livre blanc sur la réponse nationale au changement climatique de l’Afrique du Sud, ainsi que les experts de l’Institut international du développement durable (IIDD), recommandent de même un passage aux énergies renouvelables où les énergies fossiles, y compris le gaz, sont laissées de côté.
La rédaction

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