Aix. On a vu au Grand Théâtre de Provence – « Outwitting the devil » : une chorégraphie diaboliquement captivante

Publié le 1 décembre 2019 à  20h45 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h27

Immense Mythili Prakash qui incarne la déesse protectrice de la nature.  (Photo Jean-Louis Fernandez)
Immense Mythili Prakash qui incarne la déesse protectrice de la nature. (Photo Jean-Louis Fernandez)
Samedi soir, comme la veille, le Grand Théâtre de Provence d’Aix affichait complet pour la prestation des danseurs de la compagnie d’Akram Khan qui donnaient «Outwitting the devil», «Tromper le diable» en français. Et samedi soir, comme la veille, cet Ovni chorégraphique, véritable électrochoc, a été longuement, et justement, acclamé par une salle debout. Pour révéler la qualité d’un spectacle, ou d’un concert, il est des choses qui ne trompent pas. La capacité de concentration du public, qui se traduit par un surprenant silence, en fait partie. Et samedi, souffle retenu, le millier de spectateurs présents, totalement captivé, était comme recueilli face à un spectacle coup de poing. Plongeant dans un chapitre de la saga indienne de l’épopée de Gilgamesh, Akran Khan, chorégraphe britannique d’origine bangladaise, représente ici la destruction par le tyran des forêts de cèdre aux abords de la ville mésopotamienne d’Ourouk. Ce «message universel d’alerte sur la condition humaine, sur l’épuisement de la terre, dans une puissante exhortation au partage», comme définit dans le pitch distribué aux spectateurs, est servi par six danseurs exceptionnels qui offrent émotions et frissons avec leurs corps en mouvement. Akram Khan développe ici une chorégraphie marquée des traditions indiennes, avec une gestuelle fortement travaillée. Solos et duos sont empreints d’un certain mysticisme et les tableaux composés sont d’une indicible beauté, même dans la violence exprimée par les interprètes. Dominique Petit est impressionnant dans son interprétation de Gilgamesh vieux et l’indienne Mythili Prakash, rompue à la pratique de Bharata Natyam, est lumineuse dans son sari orange et or de déesse protectrice de la nature. L’inquiétant décor de blocs sombres simulant une cité en ruine est complété par une bande son prenante, parfois un peu trop présente, signée Vincenzo Lamagna. Musiques et sons répétés qui scandent des chorégraphie physiques et sensuelles qui captivent l’attention. On entre dans cet univers étrange comme dans une cérémonie troublante et on en sort, près d’une heure et demie plus tard, bouleversés et séduits. Diabolique travail !
Michel EGEA

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