Aix-en-Provence – Il sera sur la scène du Jeu de Paume à partir de mardi aux côtés de Philippe Torreton : Baptiste Dezerces du « Limier » à « Bluebird » l’excellence théâtrale

Publié le 20 janvier 2018 à  21h31 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  17h52

Destimed torreton et dezercesÉcrivain, auteur de «Un peu de verre, beaucoup d’acier», un texte prenant ayant pour figure centrale John Lennon, metteur en scène (il a créé en 2010 avec Lisa Guez, sa troupe «Juste avant la compagnie» où fut d’abord joué «Juste avant les forêts» de Koltès, puis donné sept spectacles très différents), l’acteur Baptiste Dezerces marque les esprits à chacune de ses apparitions sur scène. Né le 6 février 1991, très cultivé et grand lecteur de classiques, il fait partie de ces comédiens surdoués qui ne sont jamais là où on les attend. Guillaume Sévérac-Schmitz qui vient de triompher au Théâtre des Bernardines dans «Un obus dans le cœur» de Wajdi Mouawad ne s’y était pas trompé quand il avait confié à Baptiste Dezerces le rôle du comte d’Aumerle dans sa mise en scène de «Richard II» de Shakespeare (c’était au Gymnase à Marseille du 4 au 6 février 2016), transformant au passage son personnage en assassin ce qui n’était pas écrit par le dramaturge. Baptiste Dezerces par un monologue final halluciné s’imposait non seulement lui-même mais la vision toute personnelle que le metteur en scène avait de la pièce.

La Fontaine dans le cadre du Off d’Avignon

Cet été 2017 au Festival d’Avignon, dans le cadre du off Baptiste Dezerces changeait de registre, et d’ambiance pour incarner le poète La Fontaine dans la magnifique pièce «L’adieu à la scène» écrite par Jacques Forgeas et mise en scène par la très remarquable Sophie Gubri. A ses côtés Baptiste Caillaud, autre comédien d’exception que l’on a pu voir dans plusieurs films de l’inventif cinéaste Guillaume Caramelle prêtait ses traits à Racine, au moment où celui-ci en 1677 décidait après dix chefs-d’œuvre d’arrêter d’écrire pour le théâtre et se consacrer aux côtés de Boileau à une carrière d’hagiographe du Roi Louis XIV. Son cousin La Fontaine tentera alors en vain de convaincre Racine de revenir sur sa décision, aidé en cela par deux jeunes femmes Clarisse qui se rêve comédienne et son amie Sylvia. Il est rare d’assister à une telle osmose entre deux comédiens. Les deux Baptiste (Dezerces et Caillaud) signant une interprétation complémentaire tout en nuances et en intériorité, donnant à cette pièce flamboyante admirablement écrite dont on redira qu’elle bénéficie d’une lecture humaniste et puissante de la metteure en scène Sophie Gubri, un éclat particulier.

«Le limier» joué …en appartement à Marseille

Baptiste Dezerces aux côtés de Simon Rembado, les acteurs de «Une proposition» librement adaptée de la pièce «Le limier» d’Anthony Shaffer (Photo J.-R. B.)
Baptiste Dezerces aux côtés de Simon Rembado, les acteurs de «Une proposition» librement adaptée de la pièce «Le limier» d’Anthony Shaffer (Photo J.-R. B.)

Expérience assez rare, c’est en appartement à Marseille que Baptiste Dezerces a d’abord donné sa pièce «Une proposition» tirée de celle d’Anthony Shaffer, immortalisée en 1972 par le chef d’œuvre cinématographique de Mankiewicz avec dans les deux rôles Laurence Olivier et Michael Caine. Ayant pris pas mal de liberté avec cette histoire de vengeance à double détente, Baptiste Dezerces qui a monté ce projet original avec Lisa Guez représentant sa compagnie et la troupe des «Fossés rouges» partage la scène avec l’acteur Simon Rembado. Ce dernier qui a joué dans «Casimir et Caroline» de Ödön von Horvath et interprété Lélio dans «La fausse suivante» de Marivaux ainsi que Ely dans «Richard III» de Shakespeare (déjà avec Baptiste Dezerces) incarne un certain Mathias Dezerces auteur de romans policiers. Ce dernier invitant dans sa maison Milo Rambert (joué par Baptiste Dezerces) qu’il sait être l’amant de sa femme. Et ce, afin de lui proposer de simuler un cambriolage chez lui : Milo repart avec des bijoux, lui touche l’argent de l’assurance. Milo accepte…et c’est le début d’une machination très écrite, très structurée, où planent les ombres de Shaffer, bien sûr, mais aussi du dramaturge Harold Pinter et du cinéaste Kenneth Branagh. D’une intelligence à l’égal du scénario original, la pièce ainsi montée bénéficie d’un subtil jeu sur les ombres et les lumières. Et comme Baptiste Dezerces et Simon Rembado excellent à imprimer à leurs personnages une force physique magnétique, «Une proposition» qui se double d’une réflexion troublante sur le mensonge, la vérité, les masques, et la dualité bien-mal nichée au cœur de tous les êtres humains.

Avec Torreton un autre «Limier» dans «Bluebird» au Jeu de Paume

Autre aventure théâtrale de Baptiste Dezerces que ce «Bluebird» mis en scène par Claire Devers que l’on pourra voir au Jeu de Paume d’Aix du 23 au 27 janvier. Cette pièce de Simon Stephens nous promène au cœur d’un Londres nocturne et inquiétant où, un chauffeur de taxi prénommé Jeremy (incarné par Philippe Torreton) embarque tour à tour dans sa Nissan Bluebird des êtres étranges, violents ou touchants d’humanité. Baptiste Dezerces en incarne deux, à savoir «Le Caïd» qui veut remettre en cause l’ordre établi, et Billy Lee, un néo-nazi emmené à l’hôpital après s’être fait sectionner trois tendons du poignet. Baptiste Dezerces y est impressionnant, et particularité de la distribution, il partage la scène avec Philippe Torreton qui a quant à lui joué au Gymnase de Marseille le vrai texte «Le limier» d’ Anthony Shaffer et ce, aux côtés de Jacques Weber. Et quand deux acteurs d’exception se croisent, mis en scène par la très exigeante Claire Devers cela ne peut que donner un spectacle d’exception….
Jean-Rémi BARLAND

«Bluebird», de Simon Stephens. Avec Philippe Torreton, et Baptiste Dezerces. Mise en scène de Claire Devers au Jeu de Paume d’Aix du 23 au 27 janvier à 20h30. Sauf le mercredi 24 à 19 heures. Plus d’info et réservations: lestheatres.net

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