Aix-en-Provence : le bijou lumineux de l’Orchestre Français des Jeunes baroque et de Leonardo Garcia Alarcon au Théâtre du Jeu de Paume

Publié le 7 novembre 2015 à  19h22 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  20h44

C’est un concert en forme de bijou. Les perles musicales s’enfilent les unes après les autres sur un fil d’or tissé par l’orchestre, serties par un texte intelligent et émouvant et par les chants de deux jeunes femmes… En recrutant Leonardo Garcia Alarcon, Pierre Barrois, le directeur de l’Orchestre Français des Jeunes savait-il que l’OFJ baroque allait créer, sous la direction du maestro argentin, l’un des grands, si ce n’est le plus grand des moments musicaux vécus depuis sa création ? Et le public réuni au Jeu de Paume, vendredi soir, a réservé aux artistes à l’issue de la représentation, un triomphe, rarement vécu dans cette salle. Un public privilégié puisque cette représentation est unique dans sa forme, adaptée à la bonbonnière aixoise; les concerts à venir à Soissons et au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris ne bénéficiant pas de la même configuration. Telle est la magie du spectacle vivant…

Les artisans de cette exceptionnelle soirée au Jeu de Paume d’Aix-en-Provence au moment des saluts. (Photo M.E.)
Les artisans de cette exceptionnelle soirée au Jeu de Paume d’Aix-en-Provence au moment des saluts. (Photo M.E.)

Pour sa première à la tête de l’OFJ baroque, Leonardo Garcia Alarcon avait choisi de mettre en place un programme autour de l’influence des musiciens italiens à la Cour du Roi Soleil, spectacle intitulé «Souvenirs Musicaux de Louis XIV». Sur scène, le récitant François Marthouret incarnait le roi, au soir de sa vie, égrainant ses souvenirs rassemblés, pour l’occasion, par le musicologue Jean-François Lattarico, au cœur d’un texte d’une grande qualité d’écriture et d’un intérêt historique certain. Et entre les souvenirs, pour illustrer le propos, le directeur musical est allé chercher les perles parfois enfouies dans les partitions de Bembo, Cavalli, Monteverdi, Rossi, Lully, Campra, Destouches et autres compositeurs vénitiens. Et pendant une semaine, il a impulsé du dynamisme et des idées, guidé, accompagné, éduqué, conseillé, les 31 jeunes musiciens de l’orchestre et les deux solistes vocales pour arriver au point d’orgue avec une production aboutie. Une performance d’autant plus impressionnante que, pour la majorité des musiciens, cette forme de concert était une première, que certains n’avaient jamais accompagné les voix et que tous, en leur for intérieur, étaient soumis à la pression de jouer sous la direction d’un maestro des plus réputés. Vendredi, le résultat fut à la hauteur de l’énergie et de l’énorme somme de travail investies tout au long de ces sept jours.
C’est donc un spectacle abouti qui a été proposé au public, sur le fond et dans la forme ; avec un vrai rythme, une réelle cohérence, un intérêt indéniable. Le spectateur se laisse prendre, séduire et émouvoir par le discours d’un Roi Soleil déclinant incarné par François Marthouret, fragile, parfois hésitant pour servir son personnage. Une première pour ce comédien qui a travaillé au théâtre, comme au cinéma et à la télévision, sous la direction des plus grands. Musicalement, sous la direction de Leonardo Garcia Alarcon, l’orchestre a trouvé «un» son baroque du plus bel effet. Beaucoup de cohésion, un réel intérêt de chacun pour le projet, un investissement énorme : le bonheur était au rendez-vous. De quoi satisfaire tous les musiciens et le premier violon, Johannes Pramsohler, qui, avec Atsushi Sakaï et Patrick Beaugiraud, compose l’équipe pédagogique qui a fait travailler les musiciens pendant deux jours avant que n’arrive le maestro. L’obtention de ce son étant, bien entendu, liée à la direction d’Alarcon dont on connaît ici les qualités pour l’avoir apprécié à plusieurs reprises au Festival d’Aix. S’il est d’une érudition sans faille, l’Argentin est aussi un musicien hors pair et son talent au clavecin n’a d’égal que l’intelligence et la finesse de sa lecture des œuvres qu’il dirige.
Puis il y a eu les deux solistes : la soprano Andreea Soare et la Mezzo Eva Zaïcik. En un minimum de temps, les deux jeunes femmes ont intégré la production, répondant aux sollicitations appuyées de Leonardo Garcia Alarcon, travaillant elles aussi d’arrache-pied au succès de l’aventure. A leur évidente complicité sur scène il faut ajouter de réelles qualités vocales. Toutes deux possèdent une belle ligne de chant et font preuve de précision. Andreea Soare livre de beaux aigus et cisèle superbement ses airs, Eva Zaïcik, elle, maîtrisant parfaitement sa tessiture, avec de beaux graves et beaucoup de couleur. A l’issue du concert, descendant la rue de l’Opéra, nombreux étaient ceux qui n’avaient de cesse de dire leur joie et de se demander s’ils allaient pouvoir réentendre ces «Souvenirs Musicaux de Louis XIV ». Pour cela il faudra aller ce dimanche à Soissons ou lundi à Paris. Puis, ce sera terminé… Un spectacle éphémère, tellement beau, tellement vivant. Car comme le disait le chef «il n’y a pas de musique ancienne ou moderne, il n’y a que de la musique qui vit…» Alors, que cette musique vive longtemps, sous sa direction et jouée par des jeunes de talent comme ceux qui composent cet OFJ baroque 2015.
Michel EGEA

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