Attentats terroristes : les réactions et analyses de Mohamed Benhamou et Néjib Karafi

Publié le 26 juin 2015 à  23h30 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h44

La France, la Tunisie et le Koweit viennent, à quelques heures d’intervalle, d’être frappés par des attentats terroristes. Mohamed Benhamou est expert international dans les questions sécuritaires et de terrorisme, il donne son analyse des attentats qui viennent de se produire, un phénomène qui, selon lui, devrait prendre de l’ampleur. Il avance aussi des pistes pour répondre à ce défi. Néjib Karafi, ancien secrétaire d’État tunisien au Développement régional et local, dénonce pour sa part les «lâches attentats» qui viennent d’être commis en Tunisie. Il dénonce également l’attitude de l’Occident qui ne soutient pas, selon lui, la Tunisie «mais qui font les yeux doux aux pays qui financent les organisations terroristes». Tous deux étaient présents au colloque du Secem qui vient de se dérouler à Marseille.

Mohamed Benhamou (Maroc) est expert international dans les questions sécuritaires et de terrorisme (Photo Philippe Maillé)
Mohamed Benhamou (Maroc) est expert international dans les questions sécuritaires et de terrorisme (Photo Philippe Maillé)

Pour Mohamed Benhamou «les enjeux sont différents selon les pays. En France on veut distiller la peur dans les cœurs; en Tunisie, en s’attaquant une nouvelle fois aux touristes, on veut toucher l’économie; et, on veut déstabiliser le Koweit et tous les pays de la région pour plonger le Moyen Orient et le Golfe dans une spirale de violence». «En Tunisie, développe-t-il, l’attentat vise l’économie. Il a été, à mon avis, commis par un aspirant au départ. On parle toujours des 4 200 Tunisiens partis en Irak et en Syrie, des 3 000 qui sont en Libye mais on oublie les 9 000 qui n’ont pu sortir du pays». «Au Koweit, poursuit-il, l’attaque contre une Mosquée Chiite vise à fragiliser le tissu social. En Tunisie, on cherche à pousser le pays à l’étouffement. En France, où on a beaucoup investi dans la cohésion et l’intégration de la composante arabo-musulmane, on tente d’aller vers des situations conflictuelles».
Mohamed Benhamou considère que «la simultanéité des faits, un vendredi matin, dans le mois du Ramadan, peut ne pas relever du hasard. En Isère la volonté est de porter la peur dans les profondeurs territoriales, humaines, au-delà des cibles connues où ces terroristes sont toujours attendus». Indiquant: «On assiste là, à une évolution dans la symbolique des cibles. Nous sommes dans une zone périphérique, un site qui n’est pas stratégiquement sensible. Après, il dépendra de l’enquête de définir si la victime est une cible voulue ou une victime liée au hasard. Mais on peut avancer qu’en France, il semble que l’acte soit précipité ou mal interprété».

«On va entrer dans une ère de prolifération des actes et des groupes terroristes»

«On va entrer dans une ère de prolifération des actes et des groupes terroristes. En Isère, on peut penser qu’il s’agit du modus operandi d’El Bagdadi (Daech) : la décapitation, le drapeau, mais il faut être vigilant car on va être confronté à de la contre-façon en matière de terrorisme», estime-t-il. Et d’émettre une certaine crainte «pour les prochains jours, les prochaines semaines, les prochains mois».
La question est de savoir comment combattre ces mouvements? «On le peut, affirme Mohamed Benhamou,avec une arme que, malheureusement, on répugne à utiliser pleinement et qui a pour nom la coopération, à la fois, au sein des États et entre eux. Il faut qu’au sein de chaque pays les services coopèrent mieux en matière de récupération et de traitement de l’information. Au niveau international aussi, il faut amplifier les coopérations tant bilatérales que multinationales pour surveiller des personnes, des activités, tant dans le monde réel que virtuel. Il faut que les peuples, les États soient unis et qu’on ne stigmatise pas une partie de la population. Au Koweit, on vise à isoler les Chiites; en Tunisie on vise à chasser les touristes, en France on veut diviser la population. Il faut donc que la France intègre encore plus sa communauté musulmane et que le renseignement se développe».

Il faut remonter les filières et, surtout, que l’Occident en finisse avec son hypocrisie

Néjib Karafi, ancien secrétaire d'État tunisien au Développement régional et local (Photo Philippe Maillé)
Néjib Karafi, ancien secrétaire d’État tunisien au Développement régional et local (Photo Philippe Maillé)

Néjib Karafi dénonce «des actes lâches». C’est, selon lui, «d’autant plus insupportable que ces actes ont été commis pendant le Ramadan qui est le mois de l’aide, de l’intérêt pour l’Autre, de la charité, et qui n’a jamais été le mois du sang.Il est clair que ces terroristes n’ont rien avoir avec l’Islam.» Mais sa critique ne s’arrête pas là. «Il faut remonter les filières et, surtout, que l’Occident en finisse avec son hypocrisie. Il doit arrêter de faire les yeux doux à l’Arabie Saoudite, au Qatar à qui, il est allé jusqu’à offrir la Coupe du Monde de Football», assène-t-il.
«L’Occident, poursuit-il, regarde la Tunisie comme un animal exotique. Il veut bien lui vendre des chars, des hélico. Puis, derrière, la banque Mondiale, le FMI, viennent dire qu’il faut de l’austérité. Mais pour que le mouvement démocratique réussisse en Tunisie il faut que tout le monde aide. Il faut surtout que les États n’aient pas la mémoire courte. C’est l’Otan, c’est Sarkozy qui ont bombardé la Libye, qui ont tué Kadhafi pour éviter qu’il ne parle. Et puis, plus rien. Aujourd’hui, il n’y a plus de pays, les armes circulent, tout cela nous affaibli. Mais combien de temps la Libye va-t-elle rester une plaie au cœur de la Méditerranée ? Nous avons réussi notre processus démocratique, cela fait de nous une cible pour les ennemis de la démocratie alors que les amis proclamés de la démocratie ne font rien. Quand va-t-on comprendre que si la Tunisie tombe c’est toute la Méditerranée qui va trébucher».
Michel CAIRE

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