Au Grand Théâtre de Provence d’Aix – Quand Laurence Equilbey et Insula Orchestra magnifient Mozart et Schubert

Publié le 2 décembre 2017 à  20h19 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  17h48

Laurence Equilbey aux saluts, jeudi soir au Grand Théâtre de Provence, devant son Insula Orchestra (Photo Michel Egéa)
Laurence Equilbey aux saluts, jeudi soir au Grand Théâtre de Provence, devant son Insula Orchestra (Photo Michel Egéa)
En inscrivant les symphonies n°41 de Mozart et n°9 de Schubert au programme intitulé «les ultimes» de l’actuelle tournée d’Insula Orchestra, Laurence Equilbey et ses musiciens ont accepté d’affronter deux partitions majeures de l’histoire de la musique. Affronter ou plutôt dompter cette «Symphonie Jupiter» composée par Mozart trois ans avant sa mort et qui synthétise trente années de composition du génie de Salzbourg. Dompter aussi les quatre mouvements de «La Grande» de Schubert, cette heure de musique que le compositeur n’aura jamais entendue… Deux symphonies héritages, deux monuments auxquels Laurence Equilbey et les instrumentistes d’Insula Orchestra ont redonné vie, l’espace d’une soirée, jeudi, au Grand Théâtre de Provence.
On a le droit d’apprécier à des degrés divers la direction de Laurence Equilbey. Ainsi après l’audition de la «Symphonie Jupiter», les commentaires allaient bon train entre ceux qui avaient apprécié et les autres qui émettaient quelques bémols concernant, notamment, une direction qualifiée de rigide. Ce léger reproche, en son temps, nous l’avions formulé à l’issue de l’une des premières lectures de Mozart par Laurence Equilbey et Insula Orchestra. De l’eau a, depuis, coulé dans la Seine ; et jeudi soir, c’est une direction engagée, précise et puissance, fouillée et attentive qui a donné, à notre sens, toute son épaisseur à cette symphonie, Depuis les accents d’outre-tombe du premier mouvement jusqu’à cette fugue finale qui caractérise la 41e de Mozart, c’est la vie de ce dernier qui a défilé au long de cette interprétation passionnée servie par ce son unique que possède désormais l’orchestre qui joue, rappelons-le, des instruments d’époque. Phrase après phrase, la direction de Laurence Equilbey construit un édifice qui ne néglige aucune note, aucune couleur, aucun pupitre. Alors oui, on est loin des approches «chamallow» de certain(e)s qui confondent Mozart avec du sirop d’orgeat. La directrice musicale a de la personnalité et du caractère, derrière son pupitre elle se sert des deux et c’est tant mieux. Pour Schubert, et sa «grande» 9e, Laurence Equilbey avait récupéré une baguette dans sa loge. Mais chassez le naturel, il revient au galop, c’est surtout avec ses mains, son corps et ses yeux que la dame tient la distance pendant près d’une heure pour magnifier ce chef-d’œuvre de Schubert dont certains moments ont été tant plagiés et servis à toutes les sauces, parfois indigestes. Ce qui est remarquable avec cette direction c’est qu’elle donne l’impression de tisser l’ouvrage donnant l’occasion à l’auditeur de jouir de la beauté des couleurs de chaque pupitre. Les cordes denses et veloutées, les bois somptueux et limpides, avec mention à l’hauboïste et au flûtiste, les cuivres avec ce son propre aux instruments d’époque, tout comme les percussions. Un grand moment ponctué par deux «bis» : le lied «Ständchen» de Schubert transcrit pour orchestre par Offenbach, délicieux, et une valse de Gounod pour nous faire patienter jusqu’en 2018 et le retour de Laurence Equilbey au Grand Théâtre de Provence où elle dirigera Beethoven en février et mars…
Michel EGEA

Un CD pour prolonger le plaisir…
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Le dernier enregistrement en date de Laurence Equilbey, publié chez Erato, est consacré à Schubert. Il s’agit d’un ensemble de lieder baptisé « Nacht & Träume » du nom de la pièce centrale du CD. Des lieder en version orchestrale, Laurence Equilbey ayant réuni autour des deux solistes vocaux Stanislas de Barbeyrac et Wiebke Lehmkuhl l’Insula Orchestra et le chœur Accentus. Une approche artistique qui donne une nouvelle dimension à ces pièces données le plus souvent voix et piano. Nouvelle dimension, mais aussi de la chair et de la couleur. Il faut dire que les deux solistes, jeunes trentenaires, apportent l’extrême qualité de leurs voix au service de l’opus. Barbeyrac est limpide, lumineux et Wiebke Lehmkuhl précise, puissante et chatoyante. Derrière eux, il y a le velours de l’orchestre toujours très équilibré et que l’on sent très proche des solistes sans les perturber une seconde; un accompagnement idéal maîtrisé par Laurence Equilbey. Il en résulte une rivière de joyaux musicaux qui se déguste sans modération l’un après l’autre. Découvert par un après-midi hivernal avec neige dehors et feu de bois dans la cheminé ce «Nacht & Traüme» nous a fait faire un délicieux voyage, tout de paix et de lumière.
M.E.

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